« La spiritualité joue un rôle de carburant dans l’action écologique »

La Croix : Pourquoi la spiritualité de l’écologie pose-t-elle une question d’éthique chrétienne ?

Fabien Revol : La spiritualité de l’écologie est un domaine très vaste qui déborde les questions chrétiennes mais nous avons choisi de nous centrer sur l’approche chrétienne pour donner des outils, comprendre d’où l’on vient et comment se positionner vis-à-vis des nouvelles spiritualités.

Le pape François appelle dans son encyclique Laudato si’(2015) à développer la spiritualité chrétienne menant à l’écologie intégrale. Le colloque veut répondre à cet appel du pape : d’une part, comprendre les sources de cette écologie en lui conférant des bases théologiques ; d’autre part, connaître les propositions qui existent déjà pour répondre à cet appel.

Nombre de spiritualités émergent du développement de l’écologie, pourquoi ?

F. R. : La spiritualité joue un rôle de carburant dans l’action écologique, elle est une réserve de sens. Elle enracine l’engagement dans la durée, car les croyants savent pourquoi ils agissent.

Le mouvement vers l’écologie est lié à une certaine transition intérieure. Mais cela ne suffit pas, il faut un mouvement vers ce qui dépasse l’individu et englobe toute la Création. Ces nouvelles spiritualités conçoivent une relation avec une transcendance, qui dépasse le cadre des différentes traditions religieuses.

Pourtant l’émergence de ces spiritualités de la Création est une bonne nouvelle pour les chrétiens. Ils peuvent y voir une aide pour retrouver leur juste rapport à la nature. Cela ouvre des perspectives, donne des ressources qui nourrissent d’autres approches spirituelles.

Pourquoi malgré les appels du pape François et l’engagement de l’Église, y a-t-il une résistance de certains croyants face à l’écologie ?

F. R. : Nous sommes les héritiers de trois siècles de modernité dans laquelle l’homme exerçait sur la nature une relation de domination, un asservissement du reste de la Création. La perception de la nature comme un stock de ressources est une invention de la modernité. Le christianisme a longtemps cautionné cette conception. Nous nous sommes considérablement éloignés de la nature. C’est pourquoi, il doit y avoir tout un travail de déconstruction de cette conception de notre relation à la nature qui s’est sédimentée au fil des ans. Ce n’est pas facile.

Pourquoi certains chrétiens sont-ils réticents aux spiritualités liées à l’écologie ?

F. R. : La grande peur de ces chrétiens face à l’écologie c’est le panthéisme, c’est-à-dire le fait de confondre Dieu et la Création. L’enjeu de la foi chrétienne consiste à retrouver Dieu dans la nature, intimement présent dans sa création, sans qu’elle n’en devienne le principe.

En outre, certains chrétiens sont réticents à l’écologie parce qu’ils y voient une réduction de l’homme vis-à-vis des autres créatures. Or ce sont des fausses questions qui trouvent leur résolution dans le paradigme de l’écologie intégrale.

Existe-t-il un dialogue entre les différentes spiritualités autour de l’écologie ?

F. R. : Les membres des spiritualités non institutionnalisées craignent le caractère absolu des religions traditionnelles. Ils redoutent que ces dernières veuillent leur imposer leur foi et qu’il n’y ait pas d’ouverture à la discussion. Le pape insiste sur le dialogue « des » spiritualités. C’est important que nous maintenions le dialogue, que les chrétiens participent au mouvement écologique sans s’isoler des autres spiritualités.

La conscience de l’interdépendance entre les créatures est une thématique qui rassemble les différentes religions et les nouvelles spiritualités. C’est un point de rencontre et une inspiration pour aborder ensemble la question du positionnement de l’être humain dans l’univers.

Est-ce qu’on arrive à se mettre d’accord sur une définition de l’écologie entre les différentes spiritualités ?

F. R. : Il y a une définition historique de l’écologie sur laquelle tout le monde est d’accord et que le pape reprend dans son encyclique Laudato si’ : « L’écologie étudie les relations entre les organismes vivants et l’environnement où ceux-ci se développent » (paragraphe 138). Mais à partir de cette définition, beaucoup d’autres choses se greffent. Ce qui coince notamment, ce sont les questions de bioéthique qui appartiennent à la notion d’écologie intégrale. Sur ces questions les personnes extérieures à l’Église n’ont pas suivi le pape et les discutions sont difficiles. Ce sujet reste une pierre d’achoppement dans le dialogue avec la société civile.

« La spiritualité joue un rôle de carburant dans l’action écologique »