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La spiritualité peut-elle avoir un impact positif sur la santé mentale? Jacques Besson, psychiatre et addictologue, professeur honoraire à l’Université de Lausanne, en est convaincu.

Sa conviction est née d’une observation des débuts de sa carrière, lorsqu’il accompagnait des personnes dépendantes à l’alcool également suivies par les Alcooliques Anonymes: “J’ai vu des patients qui étaient perdus pour la médecine et la psychiatrie qui remontaient, comme des bouchons, à la surface quand ils avaient trouvé une vision du monde qui les éclaire et qui les sauve.” Chez Alcooliques Anonymes, le rôle de la spiritualité est important, celle-ci y est profane.

Une rencontre de la spiritualité à travers la littérature fantasy

Dans le podcast Dingue, Éliane (prénom d’emprunt) raconte ses grandes difficultés à l’adolescence qui l’ont menées jusqu’à une hospitalisation psychiatrique contrainte à 13 ans. Éliane vit avec un trouble du spectre de l’autisme (TSA) qui ne sera diagnostiqué que beaucoup plus tard. Vers 14 ans, alors qu’elle lit beaucoup, elle découvre les ouvrages de Terry Pratchett, notamment les “Annales du disque monde”. Elle se passionne également pour les bandes dessinées satiriques d’Alessandro Pignocchi, offrant une perspective animiste du monde.

Si vous avez une grosse casse dans votre vie, tout d’un coup votre vision du monde est bouleversée, vous pouvez faire un effondrement spirituel, avec un vide épouvantable.

Jacques Besson, psychiatre et addictologue

Éliane confie: “Ces lectures m’ont permis de trouver un rapport au monde qui me correspondait. J’ai aussi commencé à avoir ma propre liste de règles morales, notamment sur le respect à apporter à chaque être qui nous entoure”. Éliane est ce que les Anglo-Saxons appellent une SBNR, Spiritual But Not Religious (spirituelle, mais pas religieuse). Aujourd’hui, à 30 ans, elle estime être habitée par cette spiritualité, notamment dans son rapport à l’environnement.

Le 3e ordre de la santé mentale

Jacques Besson souligne que la spiritualité est souvent négligée dans le champ psychiatrique. Il met en avant l’importance d’un troisième “ordre”, le spirituel, en complément des approches somatiques et psychiques. Jacques Besson précise: “Si vous avez une grosse casse dans votre vie, tout d’un coup votre vision du monde est bouleversée, vous pouvez faire un effondrement spirituel, avec un vide épouvantable. Cette détresse spirituelle est différente de la détresse psychique. C’est là que ma notion d’ordre est utile.”

Aujourd’hui, une attention croissante est portée à ce que l’on appelle le “spiritual care” (soin spirituel), avec notamment l’arrivée, dans les structures de santé, d’aumôniers et d’aumônières qui n’ont pas un rôle religieux, mais d’accompagnants spirituels, formés pour suivre le patient ou la patiente dans sa spiritualité quelle qu’elle soit.

Faire de la place aux autres

Interrogée sur l’influence de sa spiritualité sur sa perception du monde, Éliane insiste sur l’attention qu’il faut prêter aux autres: “Je pense aux humains, mais surtout aux autres êtres comme de toutes petites bestioles microscopiques qui peuplent les sols par exemple”.

Si on lui demande si cette attention aux autres peut aussi concerner les personnes neurodivergentes, elle confirme. “Certainement! Par exemple, être autiste est aujourd’hui un handicap, mais il y a 2000 ans, est-ce que c’en était un? Si on était dans une situation sociale où il y a beaucoup moins de monde, où, par exemple il faut chasser – donc avoir une très grande sensibilité à de tout petits détails – ce serait plutôt un avantage d’avoir cette sensibilité. Notre conception du handicap est très limitée.”

Adrien Zerbini

Podcast – Santé mentale et spiritualité: vers une approche intégrative?