Franck Maillé : « Quoi de mieux que de se lever le matin et de se dire que je vais travailler pour ma boîte »

Les Nouvelles Publications : Quand et comment est née l’Union régionale des Scop (Sociétés coopératives de production) et des Scic (Sociétés coopératives d’intérêt collectif) de Paca et Corse ?

Franck Maillé : Elle est née le 9 mars 1938. Il était alors question de propager des idées coopératives, de favoriser la création de nouvelles sociétés, de les regrouper pour défendre leurs intérêts moraux et matériels, d’aider le développement du principe de la coopération en faisant bénéficier les jeunes Scop de l’expérience des anciennes.

Puis, bien sûr, d’assurer l’organisation du bon fonctionnement que sont les missions régaliennes, la comptabilité, le contentieux, l’aspect technique. C’est ce qui est inscrit dans les statuts de 1938.

Que représente-t-elle aujourd’hui ?

Aujourd’hui, cette fédération est devenue l’Union régionale Provence-Alpes-Côte d’Azur et Corse et fête ses 85 ans. Elle regroupe plus de 300 entreprises avec plus de 3 000 salariés pour un chiffre d’affaires de plus de 280 M€. Elle accompagne les porteurs de projet pour les créations ex-nihilo, les reprises et les transmissions.

Notre force est le groupe, le collectif et d’œuvrer ensemble d’où le fil conducteur de cette journée anniversaire qui est la coopération de l’humain avec son environnement dans l’entreprise et à l’extérieur.

Ce qui est important car il faut renouer avec le vivant, c’est-à-dire ce qui nous nourrit : nos légumes, nos fruits, notre spiritualité, l’amour, etc.

Quels sont les points positifs d’une Scop ?

Eh bien, quoi de mieux que de se lever le matin et de se dire que je vais travailler pour ma boîte, que je suis un associé salarié, que je vais pouvoir voter des orientations, des stratégies, que je vais élire la personne en qui j’ai confiance qui en sera le dirigeant. Nous votons aussi la répartition du partage des richesses. Ce qui est très important actuellement, avec un président de la République qui essaie de faire voter des lois sur le partage de la valeur.

A ce sujet, j’ai entendu à la radio quelqu’un qui disait « dans un contexte d’inflation, de hausse des taux, d’instabilité géopolitique et de transition écologique, la question de la répartition de la richesse produite par les entreprises se pose naturellement ». Bien sûr qu’elle se pose naturellement. Nous, ça fait 85 ans que nous nous la sommes posée et que nous l’avons mise en place au niveau régional et plus encore au niveau national.

Plus de 200 coopératives étaient représentées pour les 85 ans de l’Union régionale des Scop et des Scic de Paca et Corse, le 29 juin dernier à Thecamp. (Crédit : M. Debette)

Faut-il aller plus loin ?

Nos salariés bénéficient des fruits du résultat de l’entreprise, ce qui est une très bonne chose mais, aujourd’hui, c’est insuffisant. Si on considère l’ensemble des enjeux environnementaux et humains, nos entreprises ont un rôle à jouer. Dans chaque individu ou chaque organisation, il faut aller au-delà de ce que nous savons faire.

Au niveau des Scop et des Scic, nous avons su créer des outils financiers régionaux pour aider nos adhérents. Depuis juillet 1946, nous avons créé l’Union sociale, à la même période que la création de la Sécurité sociale, c’est important de faire ce parallèle. Nous avons créé des fonds de financements de formation, une foncière…

L’Union régionale des Scop et des Scic est donc très active ?

Oui, c’est un mouvement qui bouge, qui a envie que ses adhérents soient à la tête de beaucoup de choses et qu’il soit inspirant. Nous avons fait évoluer nos modèles avec la création, il y a tout juste 22 ans, de la Société coopérative d’intérêt collectif (Scic).

Très souvent, nos modèles sont des leviers d’initiatives locales et un vecteur de promotion, d’innovation et d’utilité sociale. Il y a aussi les coopératives d’activité et de l’emploi, un mode d’entrepreneuriat salarié au sein d’une Scop ou d’une Scic. Et aujourd’hui, nous sommes face à ces transitions.

L’Union régionale Provence-Alpes-Côte d’Azur et Corse accompagne la création, la reprise et la transformation d’entreprises sous forme de Scop ou de Scic. (Crédit : M. Debette)

C’est-à-dire ?

Le champs des possibles s’ouvre à nous et nous devons nous remettre dans la peau de ces bactéries, il y a quelques millions d’années, qui ont coopéré pour créer le vivant, nous devons commencer cette métamorphose. C’est pour cela qu’aujourd’hui nous sommes ensemble et que différents acteurs de la vie ont témoigné, discuté, débattu en présentant d’autres modèles de coopération avec le vivant, le sensible, nous interrogeant sur la citoyenneté économique et la gouvernance partagée.

Un autre sujet a été abordé, celui de la sécurité sociale de l’alimentation. Si on vous remet un chèque de150 € par mois à dépenser uniquement chez un paysan conventionné, non seulement vous allez manger sainement, mais ces dépenses redynamiseront nos paysans, nos producteurs qui ont du mal à boucler les fins de mois.

En quoi est-ce important ?

Tout cela est vital et primordial pour que l’on puisse préserver notre équilibre entre le prélèvement et la ressource. On peut aussi prendre modèle sur les peuples racines qui, pour moi, sont un exemple à suivre. Depuis près de 500 ans, ils sont dans le silence, dans la survie et ils coopèrent en permanence avec leur environnement. Ils ont beaucoup à nous apporter.

Le monde de l’économie sociale et solidaire est composé de plusieurs peuples et est une source intarissable d’inspiration, tous secteurs confondus. Nous avons toutes et tous entre nos mains cette possibilité d’agir, de faire évoluer nos consciences.

Considérez-vous que nous sommes à un tournant ?

En 1872, Georges Sand, qui était une écologiste d’avant-garde, écrivait : « La planète est encore assez vaste et assez riche pour le nombre de ses habitants, mais il y a un grand péril en la demeure, c’est que les appétits de l’homme sont devenus des besoins impérieux que rien n’enchaîne. Si ces besoins ne s’imposent pas, dans un temps donné, une certaine limite, il n’y aura plus de proportion entre la demande et l’homme et la production de la planète. » Dans ces textes, elle ajoute : « Si on n’y prend garde, l’arbre disparaîtra et la fin de la planète viendra par desséchement, sans cataclysme nécessaire, par la faute de l’homme. »

Il est important de se mettre en tête que nous sommes face à un mur. Nous avons, entre les mains, tout ce qu’il faut pour réussir à défoncer ce mur et je suis persuadé que nos modèles sont une solution pour le changement de paradigme.

Scop et Scic, quésaco ?

Les Scop, Sociétés coopératives et participatives, sont des sociétés commerciales dont la réussite repose essentiellement sur l’implication et la motivation des salariés, associés dans l’entreprise. Elles poussent, jusqu’au bout, la logique de la participation en appliquant un partage effectif des bénéfices réalisés.

Les Scic, Sociétés coopératives d’intérêt collectif, sont une autre forme de coopérative. Elles associent salariés, producteurs, bénévoles, collectivités territoriales, financeurs ou tout autre partenaire voulant agir ensemble dans un même projet alliant efficacité économique, développement local et utilité sociale.

Franck Maillé : « Quoi de mieux que de se lever le matin et de se dire que je vais travailler pour ma boîte »