4è dimanche de l’Avent

2S 7

Dans les lectures de ce dimanche, le mot maison revient pas moins de 7 fois. Or, dans la Bible, ce mot revêt non seulement la signification de bâtiment, mais aussi de descendance. Nous retrouvons d’ailleurs cette double signification dans la vie quotidienne à propos d’entreprises familiales par exemple : maison unetelle, père et fils : plomberie, pâtisserie etc.

Après avoir, avec l’aide de Dieu, libéré son peuple d’ennemis divers et assuré une stabilité politique et territoriale, le roi David habitait enfin dans une maison, probablement même un palais. Mais Dieu, comme au temps de l’Exode, habitait encore sous la tente. La Présence de Dieu était signifiée par l’Arche d’Alliance, un coffre recouvert d’or dans lequel étaient précieusement conservées les tables de la Loi.

Et David dit au prophète Nathan : j’habite dans une maison de cèdre et l’arche de Dieu habite sous un abri de toile !

Spontanément et logiquement, Nathan encourage David dans son intuition, celle de construire à Dieu une maison, un temple, de préférence somptueux, en proportions des faveurs accordées par Dieu à David et à son peuple. Mais c’est sans compter sur le fait que les pensées de Dieu ne sont pas celles des humains, comme le dira plus tard le prophète Isaïe.

Cette nuit-là, la parole de Dieu fut adressée à Nathan. La nuit… là où tout se reconfigure au plus profond de l’être… là où Dieu parle et agit…

« Va dire à mon serviteur David : ainsi parle le Seigneur, est-ce toi qui me bâtiras une maison pour que j’y habite ? »

Le Dieu de la Bible n’est-il pas profondément nomade, voyageur ? On ne l’assigne pas à résidence !

Et Dieu continue : « c’est moi qui t’ai pris au pâturage… j’ai été avec toi partout où tu allais… »

Dieu accompagne David, son peuple, l’Église, chacun de nous. Dieu marche avec nous.

Aussi beaux soient nos lieux de cultes et nos tabernacles, c’est essentiellement au coeur de l’humain et au coeur des communautés que Dieu réside.

Même pour nous, humains, il semblerait que la sédentarité soit une concession de Dieu par rapport au nomadisme.

Dès le début de la Genèse, Dieu agrée l’offrande d’Abel, les premiers-nés de son bétail, offrande typique de nomade, tandis qu’il n’agrée pas l’offrande de Caïn, les fruits de sa culture, offrande typique des sédentaires. C’est, du moins,une des interprétations courantes de ce passage. Certes, Dieu promet à Abraham une terre et une descendance. Mais dès les petits-enfants d’Abraham, sa descendance s’exilera en Egypte. 400 ans plus tard, c’est l’Exode et la longue marche dans le désert qui fondera l’identité du peuple. Dans la suite de l’Histoire, le peuple sera exilé à Babylone. La terre promise n’est-elle pas, finalement, une réalité intérieure ?

Comme nous en ferons bientôt mémoire, Jésus n’a-t-il pas été, lui aussi, migrant et réfugié en Egypte pour échapper à la menace d’Hérode ? N’a-t-il pas parcouru les routes de Galilée, de Samarie et de Judée ? N’a-t-il pas dit qu’il n’avait même pas une pierre où reposer la tête ? Paul ne dira t’il pas aux Philippiens : « Vous êtes citoyens des cieux » ?

Plus fondamentalement encore, par sa venue sur terre, son incarnation, ne s’est-il pas extradé de sa divinité, comme il l’évoque aussi aux mêmes Philippiens ?

« Le Seigneur t’annonce qu’il te fera lui-même une maison… je susciterai dans ta descendance un successeur… je serai pour lui un père, il sera pour moi un fils… »

Voilà ce que nous nous préparons à fêter : Dieu parmi nous, Dieu au coeur de notre humanité, Dieu qui nous accompagne sur tous nos chemins.

Luc 1

Que dire de ce si beau texte, un des sommets de la Bible, commenté tant et tant de fois depuis près de deux millénaires par de si nombreux commentateurs tellement plus saints et savants que moi ?

A l’heure de rédiger ce commentaire, j’ai sous les yeux la photo d’un bas-relief de la sainte famille, issu de l’artisanat des monastères de Bethléem. On y voit Jésus, Marie et Joseph contemplant un rouleau de la Thora, qu’ils tiennent tous trois en mains. L’enfant Jésus est  assis sur le bras de Marie qui tient le rouleau de l’autre main. Joseph tient aussi le rouleau d’une main et de l’autre, son bâton de marcheur. Jésus, de ses deux mains, déroule le livre. Leurs trois visages sont attentifs et émerveillés devant ce qu’ils y lisent. L’expression de leurs regards est vraiment belle et porte à la méditation, à la contemplation, fruit d’un artisanat réalisé dans la prière, le silence et l’amour des Ecritures.

Ce rouleau des Ecritures, en effet, la sainte famille le regarde comme on consulte un album photo de famille. C’est dans le déroulement de ce rouleau qu’elle semble aussi se regarder comme dans un miroir. Je n’avais pas encore trouvé une aussi belle expression artistique du lien fort entre Premier et Nouveau Testament. C’est dans cette perspective que je voudrais tenter de commenter ce texte de l’évangile de Luc connu sous le titre « annonciation », mais qui dit tellement plus !

« L’ange Gabriel fut envoyé par Dieu » Dans la Bible, la présence des anges est à chaque fois comme un panneau indicateur qui nous dirait : « Attention, action forte et particulière de Dieu »

Gabriel signifie « force de Dieu ». Dieu intervient donc ici avec force ! Sa présence se déploie avec puissance.

« Dans une ville de Galilée appelée Nazareth ». Le contraste est saisissant. La Galilée est une terre mixte, peuplée de païens, loin de la pure et sainte Judée. Nazareth est une ville inconnue à l’époque, insignifiante. Le nom Nazareth signifie rejeton, surgeon, germe, rameau. Une toute petite pousse fragile, donc. Bien loin de la force de Dieu évoquée par Gabriel. Mais, Isaïe n’avait-il pas prophétisé, à propos de la venue du Messie : « Un rameau jaillira de la souche de Jessé, père de David ».

« Une jeune fille accordée en mariage à un homme de la maison de David appelé Joseph » Maison a ici clairement le sens de descendance. David est donc un ancêtre de Joseph. Or, Joseph signifie : « il ajoutera » Oserais-je utiliser le mot « rawette », typiquement belge : un petit quelque chose qu’on ajoute et qui évoque bien ce petit rameau précaire qui surgit de la souche.

« Le nom de la jeune fille était Marie ». Une des nombreuses significations du nom Marie que je préfère est : obstination. Et il s’agit bien là de l’obstination de Dieu à sauver les humains, y compris par les moyens les plus improbables et, parmi ces moyens, se faire lui-même l’un de nous, entrer dans la fragilité humaine, se faire germe, embryon…

« L’ange entra chez elle » Plus encore, Dieu entrera en elle, Dieu se fera chair de sa chair… Il n’est pas possible d’être plus intime avec l’humanité. Dieu fait fort… Force de Dieu…

« Je te salue comblée-de-grâce ». Ce que nous disons en trois mots : comblée de grâce, est un seul mot en grec : kécharitoméné, quasi intraduisible et utilisé uniquement cette fois-ci dans toute la Bible. Un mot unique pour un événement unique dans toute l’Histoire de l’humanité. Rien de moins…

« A cette parole, elle fut toute bouleversée » Marie est chamboulée, déstabilisée, secouée… de quoi la mettre en mouvement, la rendre… nomade ! Juste après, elle partira en hâte voir sa cousine Elizabeth en Judée, à une centaine de kilomètres. C’était beaucoup à l’époque !. Trois mois plus tard elle reviendra en Galilée. Peu avant la naissance, elle repartira pour Bethléem, également en Judée, en vue du recensement. Et ensuite, beaucoup plus loin, en Egypte, comme réfugiée, pour revenir quelques années plus tard en Galilée. Son fils devenu adulte, elle le suivra bien souvent sur les routes. Sans compter les pélerinages à Jérusalem. Elle assumera ainsi, au gré de ses voyages, les nombreuses transhumances de l’Histoire de son peuple.

« L’ange lui dit alors : sois sans crainte, Marie » C’est l’une des 365 fois dans la Bible qu’il est dit de ne pas avoir peur. Une fois pour chaque jour !

Et l’ange continue : elle enfantera un fils qu’elle appellera Jésus. Ce nom signifie : Dieu sauve. Et là est bien le sens ultime de sa venue.

« Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père ». L’enfant est enraciné dans une généalogie et une Histoire, mais pour entraîner cette Histoire dans une dimension d’éternité : « Son règne n’aura pas de fin » On entrevois déjà au loin le sens de l’Ascension.

« Comment cela va t’il se faire , puisque je ne connais pas d’homme ? » Marie comprend que ce n’est pas de son union avec Joseph prévue dans les prochains mois que naîtra cet enfant. Il y a une immédiateté, un Souffle qui ne peut attendre. « L’Esprit Saint viendra sur toi et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre » L’ombre, la nuée, est dans le Premier Testament une manifestation puissante de la Présence de Dieu et de sa protection.

Et l’ange donne à Marie un signe : sa parente Elizabeth qui était stérile est enceinte, et elle en est à son sixième mois. C’est une signature de Dieu. Lui qui, au temps des patriarches et des matriarches a créé un peuple à partir une lignée de couples stériles continue à tracer son chemin dans l’impossible ! Il crée du neuf à partir d’une femme âgée et stérile, symbole d’une alliance arrivée à bout de souffle.

Et avec Marie, il crée une nouveauté encore plus radicale à travers une toute jeune femme qui n’a pas encore de mari. C’est inédit. Cela va beaucoup plus loin. L’évènement de l’incarnation de Dieu même au coeur de l’humanité requiert cet inédit.

«Que tout m’advienne selon ta Parole » Marie se conforme à la Parole de Dieu tant et si bien que cette Parole prend corps en elle. C’est elle, maintenant, l’arche d’Alliance. Mais elle ne contient plus les tables de pierre sur lesquelles la parole est gravée, elle contient la Parole faite chair.

« Alors, l’ange la quitta » Comme tous les anges, une fois sa mission terminée, il se retire.

Méditons ce moment de silence où Marie se retrouve face à sa destinée. Goûtons avec elle à la grâce…  

Conclusion

Chers auditeurs, l’équipe des Lectures et Evangile du Dimanche vous souhaite une sainte et joyeuse fête de Noël. Que cette Parole qui nous est si précieuse se fasse chair toujours plus en chacun de nous. Bonne semaine.

 

4è dimanche de l’Avent – année B | 1RCF Belgique