Voisin du Lot, Jacques Delors : une vie de foi, au quotidien…

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« Dans la vie d’un chrétien, Pâques est l’événement le plus extraordinaire », répondait-il en 1984, au journaliste Michel Cool. Il était alors ministre de l’Économie et des Finances de François Mitterrand. Ajoutant : « La résurrection du Christ, la victoire de la vie sur la mort, donne au croyant la réponse suprême à tout ce qui est inexplicable, insupportable à vivre, comme la mort d’un être cher ».

Rares, très rares pour un homme politique en fonction, pareilles confessions sur sa vie intérieure ! Tel était Jacques Delors, un catholique affirmé, à la foi ardente (« j’ai une ferveur discrète »), qu’il n’a jamais esquivée. Il s’est éteint le 27 décembre 2023 à Paris, et a reçu un hommage national aux Invalides le 5 janvier dernier.

Humble, réservé et même pudique, Jacques Delors préférait mettre ses convictions en pratique plutôt que de les proclamer à la face du monde.

La foi l’habitait depuis son enfance

Il est né en 1925 à Paris, mais ses parents étaient originaires de la Corrèze (Le Lonzac pour son père) et du Cantal (Arnac pour sa mère). Sa famille était « montée à Paris pour mieux vivre ». Enfant de la communale, il va au patronage et sert la messe. Les prêtres de la paroisse le poussent à embrasser la carrière ecclésiastique, mais il « ne s’est pas senti appelé ».

Il choisira très jeune le champ syndical : « J’ai une fierté : avoir été élevé à la Jeunesse ouvrière chrétienne. Jamais je n’ai considéré qu’être catholique était une supériorité par rapport à mes contemporains. Dès que j’ai eu 17-18 ans, lors des batailles sociales que j’ai menées, je ne faisais pas de différences entre celui qui croyait en Dieu et celui qui n’y croyait pas. C’est essentiel pour tout croyant de se comporter de la sorte : C’est cela la laïcité » a répondu Jacques Delors au journaliste du Point en novembre 2021 lui demandant quelle était sa définition d’un catholique.

Attaché à l’esprit de l’humanisme chrétien, il s’est rapproché du théologien jésuite Henri Madelin qu’il appelle son « directeur spirituel ». Il s’est nourri tout au long de son parcours, de plusieurs figures du catholicisme social comme Jacques Maritain et surtout Emmanuel Mounier, sa « grande inspiration philosophique ». Jacques Delors était un chrétien actif qui a toujours été engagé, d’abord dans le syndicalisme, à la CFTC puis à la CFDT.

Adepte de la pondération et de l’écoute, il travaillait pour les compromis qu’il estimait justes.

Décomplexé, Jacques Delors était un paroissien dominical assidu. Il vivait également sa foi au sein de son mariage avec son épouse Marie, décédée en 2020. Lorsqu’il lui était devenu difficile de se déplacer, il continuait à suivre la messe à la télévision.

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Et dans la dernière année de sa vie, un prêtre de la paroisse Saint Jacques du Haut-Pas à Paris, se rendait tous les dimanches à son domicile pour lui donner la communion et revivre les lectures bibliques du jour.

« Ce qui était frappant quand vous alliez chez lui, c’est qu’il y avait des textes religieux partout, la Bible dans son bureau, des livres, des revues, se souvient l’écrivaine Cécile Amar. La foi catholique, c’est ce qui l’a tenu jusqu’à la fin surtout après la mort de son fils ». En 1982, le ministre avait perdu son fils cadet, le journaliste Jean-Paul Delors, emporté par une leucémie à l’âge de 29 ans.

Delors, c’était une méthode

Sa pratique religieuse est un point commun significatif entre lui et d’autres Européens historiques comme Robert Schuman ou Konrad Adenauer.

La liberté intérieure de Jacques Delors dénotait, si l’on peut dire, dans l’univers familier qu’il fréquentait. Elle le prémunissait contre les excès et les outrances qui défiguraient et discréditaient selon lui, l’action politique. Adepte de la pondération et de l’écoute, il travaillait pour les compromis qu’il estimait justes. « Parlons-nous » répétait-il sans cesse aux syndicats et au patronat lors de négociations houleuses.

Delors détestait les fausses promesses et les compromissions qui désanoblissent la carrière politique. Sans concession, indifférent aux ors du pouvoir, il recherchait d’abord l’intérêt du bien commun.

« Si dans dix ans, nous n’avons pas réussi à donner une âme, une spiritualité à l’Europe, nous aurons perdu la partie » a-t-il prophétisé en 1992 à Jérôme Vignon, autre responsable de la Commission Européenne.

Toujours, ce « parcours de méritocratie républicaine » avait une « boussole » a souligné Emmanuel Macron, « sa foi qui l’ouvre à son prochain, qui instille en lui le sens du devoir avant le goût du pouvoir » a t-il souligné dans son allocution d’hommage national aux Invalides le 5 janvier dernier.

Il lisait toutes les encycliques du pape François

Jacques Delors a reçu a deux reprises le pape Jean-Paul II. La première fois en 1985 lors de la première visite du pape auprès des instances européennes. La seconde fois lors de la venue de l’ancien archevêque de Cracovie à Strasbourg, trois ans plus tard. Des rencontres cordiales, mais qui ne répondront pas à toutes les attentes de l’artisan de la construction de l’Europe.

Vingt-cinq ans après, Jacques Delors accueille avec une plus grande connivence l’élection du pape François en 2013. Et sa sympathie ne fera que grandir au fil du pontificat : « Il avait une très grande admiration pour lui, témoigne la journaliste Cécile Amar qui fut jusqu’au bout l’une de ses proches amies. Il lisait toutes les encycliques du début à la fin. Dès que le pape faisait une déclaration, un discours, un voyage, si on le voyait dans les jours qui suivaient, il en parlait forcément » ajoute-t-elle.

La foi, fil rouge de sa carrière politique

Si sa foi catholique est restée sous le boisseau jusqu’à sa mort, elle fut pourtant un aspect essentiel, déterminant même de son action publique.

À la question qu’un reporter lui a posée : « En quoi votre foi vous a-t-elle influencé dans votre vie politique ? » Jacques Delors répond par un souvenir d’enfance : « Quand j’étais à l’école communale, je me suis aperçu que des copains aussi doués que moi allaient être envoyés à l’usine vers 14-15 ans. La prise de conscience de cette inégalité des chances en matière éducative, a été l’un des fondements de mon engagement ultérieur ». Il s’y appliquera en praticien vertueux.

Sa façon de faire de la politique l’a amené à emprunter des chemins qui ne contrariaient pas sa conception exigeante de l’intérêt général.

Son parcours politique atteste qu’il est possible de vivre en ce monde en se comportant à la fois en citoyen de la terre et en citoyen du ciel.

Par son exemple de vie, l’homme d’État apporte un témoignage stimulant aux catholiques désireux de ne pas séparer leur foi du quotidien et de mettre la main à la charrue pour creuser toujours plus de sillons de fraternité.

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