Synode : une retraite spirituelle pour sortir des « idées toutes faites »

Humilité, écoute, douceur, amitié, confiance, conversion… Avant de commencer leurs travaux, les 364 membres du synode sur l’avenir de l’Église ont participé à trois jours de retraite spirituelle, du 1er au 3 octobre – une façon de les imprégner de l’état d’esprit souhaité pour les débats. Une telle halte est une première dans l’histoire des synodes depuis le pape Paul VI.

Les méditations ont été menées par le frère dominicain anglais Timothy Radcliffe, ancien maître général de l’ordre et par la religieuse bénédictine Ignazia Angelini, ancienne abbesse de l’abbaye de Viboldone, dans la province de Milan, et autrice de nombreux ouvrages de spiritualité.

Sœur Ignazia Angelini appelle à revenir aux « fondements » de la foi

Durant ces trois jours, les participants ont vécu un intense itinéraire spirituel, scandé par cinq interventions quotidiennes (quatre méditations et une homélie).

La religieuse s’est appuyée sur l’office des laudes et les textes de la messe du jour, pour décentrer les participants en les invitant à y trouver une « source d’inspiration ». C’est ainsi qu’ils pourront développer les qualités d’âme et de cœur propre au « style synodal ».

« Le risque pour nous, hommes et femmes d’Église, a prévenu la religieuse, est de partir de nos navigateurs intérieurs, objectifs, pressants – urgences, conflits, difficultés à lire le présent – et de perdre l’horizon, a-t-elle souligné dans sa méditation de la messe du 1er octobre en exhortant ses auditeurs à revenir aux « fondements » de la foi.

Se laisser remettre en question

Elle s’est tout d’abord attardée sur la figure du fils rebelle qui refuse de travailler dans la vigne du père puis se repent. « Un intense travail intérieur » l’amène à « se remette en question », à se laisser convertir par « l’autorité de la douceur » du père.

À la suite du vieillard Syméon, dans sa prière du Benedictus, le regard entre dans la contemplation des « merveilles de Dieu » qui incite à poser « l’acte subversif » de la bénédiction – précieux rempart contre « l’arrogance de la raison calculatrice », souligne-t-elle dans sa méditation des laudes du 2 octobre.

Sœur Angelini a déplacé son projecteur sur la figure de l’enfant, placé au centre par Jésus. Sa présence « opère un renversement des critères ». Désormais, dit-elle dans sa méditation de la messe, c’est par la présence du pauvre, du petit, de « l’importun » que le cœur est touché. C’est ce « chemin à suivre » qu’emprunte tout « disciple, face aux événements inattendus et aux différences insidieuses, aux conflits – interpersonnels ou de conscience ».

La suite du Christ demande une conversion radicale des mentalités

Comment surmonter intérieurement les inévitables embûches, s’est interrogée la religieuse lors des laudes du 3 octobre ? En ayant la certitude, comme le chante Marie dans le Magnificat, que « Dieu fait grâce », qu’il « réalise l’impossible »…

L’Évangile du dernier jour de la retraite met opportunément en scène une divergence de vues entre Jésus et les apôtres. Ces derniers veulent faire descendre le feu du ciel sur le village des Samaritains qui ne les a pas accueillis. Un état d’esprit que le Christ dénonce. « La qualité de la conversion des mentalités qu’exige la suite de Jésus (…) est radicale, jamais acquise, même parmi ses plus proches collaborateur », conclut-elle.

« Certains espèrent que l’Église sera transformée, d’autres ont peur de ces changements »

C’est aussi ce qu’a souligné le dominicain Timothy Radcliffe dès sa première intervention. « Nous sommes réunis ici parce que nous ne sommes pas unis de cœur et d’esprit, a-t-il pointé sans ménagement, dès le premier jour. Certains espèrent que l’Église sera radicalement transformée, que nous prendrons des décisions radicales, par exemple sur le rôle des femmes dans l’Église. D’autres ont peur de ces mêmes changements et craignent qu’ils ne mènent qu’à la division, voire au schisme. »

L’ancien maître de l’ordre dominicain a rappelé que l’espérance chrétienne transcende tous les espoirs contradictoires : « En réfléchissant et en priant ensemble sur les grandes questions auxquelles l’Église et le monde sont confrontés, nous témoignons de notre espérance dans le Seigneur qui donne un sens à chaque vie humaine. »

Dans sa deuxième intervention, il prend acte que « nos conceptions de l’Église en tant que maison s’opposent parfois ». À certains, la maison offre « une identité claire » et de la sécurité. Mais pour d’autres, qui s’y sentent marginalisés, elle « ne semble pas être un foyer sûr ». Timothy Radcliffe rappelle que « Dieu fait sa maison des lieux que le monde méprise ». Et invite les participants au Synode à se « souvenir de tous ceux qui ne se sentent pas encore chez eux dans l’Église. »

L’amitié, la discussion, l’écoute allègent les désaccords

Le dominicain a ensuite centré sa réflexion sur l’amitié et la conversation. L’amitié se construit, a-t-il dit le 2 octobre, par « le souci commun de la vérité », qui laisse place aux doutes, et en passant du temps les uns avec les autres à l’occasion d’un repas, une promenade. « Espérons que cela sera possible lors de la prochaine session de ce Synode. »

Dans sa deuxième intervention, il a relu l’épisode des pèlerins d’Emmaüs et pointe l’importance de la conversation : « Si nous nous écoutons vraiment, nos réponses toutes faites s’évaporeront ». C’est après coup, quand le Christ a disparu, que les disciples prennent conscience qu’il était déjà là, avec eux, sur le chemin. « Je prie pour que ce soit aussi notre expérience », a-t-il conclu le Timothy Radcliffe.

Entrer dans une dynamique de prière, plutôt que d’assemblée parlementaire

« Il ne peut y avoir de conversation fructueuse entre nous si nous ne reconnaissons pas que chacun d’entre nous parle avec autorité», a-t-il complété le 3 octobre. Comment fait-on autorité dans le monde contemporain ? Le frère Timothy appelle à faire usage de la beauté : « Comment révélons-nous la beauté de la Croix ? (…) Qui sont nos musiciens et nos poètes ? » La sainteté est elle aussi une preuve d’autorité : « Nous n’aurons de l’autorité dans notre monde craintif que si l’on nous voit tout risquer. » Enfin, il invite à la vérité, qui suppose l’honnêteté, l’érudition et l’amour.

Sa dernière conférence s’est conclue sur un appel à « l’Esprit de vérité » : « Quels que soient les conflits que nous rencontrons sur notre chemin, nous sommes sûrs de ceci : l’Esprit de vérité nous conduit dans tous les domaines. » Le frère dominicain invite donc les participants au Synode à quitter la peur, la colère, la rage même contre leurs contradicteurs : « Être conduit vers la vérité signifie entendre des choses désagréables. »

Se laisser guider par l’Esprit… et lâcher prise

La recherche de la vérité exigera du Synode « une certaine perte de contrôle », à condition qu’il accepte d’entrer dans « la dynamique de la prière ». « Si nous nous laissons guider par l’Esprit de vérité, nous discuterons sans doute. Ce sera parfois douloureux. Il y aura des vérités auxquelles nous préférerions ne pas être confrontés. Mais nous serons conduits un peu plus profondément dans le mystère de l’amour divin ».

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