Progrès de l’humanité et spiritualité maçonnique

La Franc-Maçonnerie telle que nous la connaissons est née au début du 18ème siècle.
Elle est dite « spéculative » puisque n’étant plus « opérative », liée à la construction d’édifices religieux, cathédrales ou basiliques.

A dire vrai, certaines loges opératives acceptaient des membres extérieurs à ces professions. Mais il n’existait guère de loges qui ne soient composées que de Maçons « acceptés ». Cela survint quelques dizaines d’années plus tard. On retient, même si elle est très probablement inexacte, la date du 24 juin 1717 comme étant celle de la création de la première Grande Loge d’Angleterre, première obédience maçonnique créée dans le monde par la fusion de quatre loges londoniennes.

Ses principes fondamentaux étaient inspirés de l’idéal des Lumières et de la révolution scientifique du 18ème siècle.  Les conflits politiques autant que religieux, notamment ceux qui opposaient catholiques et protestants, dans les îles britanniques comme sur le continent, laissaient espérer chez certains hommes la pratique d’une spiritualité tolérante, pour ne pas dire ouverte, même si l’activité des loges de l’époque est essentiellement tournée vers la convivialité, la sociabilité et le divertissement.

Au cours des décennies suivantes, la Franc-maçonnerie spéculative va s’étendre à l’Europe continentale. Les chrétiens de différentes confessions peuvent s’y retrouver, puis progressivement les croyants d’autres religions, comme les juifs et les musulmans dès la fin du 18ème siècle, les panthéistes, mais aussi des hommes se définissant comme agnostiques, voire comme athées, pourvu d’adhérer à un ordonnancement de l’univers et surtout à un corpus de valeurs.

Une porte mystérieuse

C’est donc bien de quête spirituelle qu’il s’agit, au sens où spirituel s’oppose à matériel et spiritualité à matérialité.

Pour les Francs-Maçons, au-delà de leur foi religieuse ou de leur agnosticisme qui est d’ordre personnel, le terme spirituel s’applique à ce qui concerne les réalités et les convictions d’ordre moral.

Il s’agit ici d’une construction immatérielle élaborée par l’esprit de l’homme pour servir de cadre, de référentiel, à ses pensées et, au-delà, à ses actions.

La spiritualité maçonnique est ainsi orientée vers l’accomplissement de soi, plutôt que vers le moyen d’assurer son emprise sur les autres. C’est une voie d’élévation où celui qui monte ne le fait pas au détriment ni aux dépens d’autrui, mais plutôt, sans nul doute, à son profit.

La Maçonnerie n’est pas une religion ; elle se place de manière plus ouverte, plus universelle et tolérante, sous l’invocation du principe créateur qu’est le G.A.D.L.U. Surtout, la Maçonnerie entend se situer au-dessus des religions, non pas en les surpassant, mais en les réunissant ou plutôt en fédérant ce qu’elles ont en commun et d’essentiel : l’initiation est une invitation à se mettre sur la voie de la recherche de la vérité, telle qu’elle peut se réaliser en soi-même. Ici, dans le caractère personnel et intime de cette réalisation et de ses étapes successives, réside le seul secret que le Maçon sera invité à partager avec ses Frères.

A l’inverse des religions, qui toutes imposent leur vérité à leurs adeptes sans qu’il leur faille encore la chercher, la maçonnerie considère que la vérité demeure à rechercher.

La pensée maçonnique est plurielle, riche de multiples facettes, sans doute liée à ses multiples composantes historiques, aux apports divers dont elle s’est constituée et enrichie.

Ainsi par exemple, la pensée maçonnique éclaire les sources salomoniennes de l’art gothique, par ses origines opérative et compagnonnique et fait largement référence aux sept arts libéraux hérités de Platon. Prônant la religion naturelle dans une approche métaconfessionnelle, la franc-maçonnerie l’exégèse des symboles bibliques.

La pluralité de ses sources, comme l’universalité qu’elle revendique, fondent l’attachement des Francs-Maçons pour la tolérance, l’acceptation de l’Autre tel qu’il est, une vertu primordiale dans un monde où le respect de l’autre et de sa différence, la vraie laïcité, est loin d’être la règle.

Notre spiritualité tout entière est tendue vers cette ambition, somme toute simple, naturelle, logique et raisonnable pour qui préfère l’ordre au chaos, mais qui pourtant constitue un objectif qu’une vie d’homme ne suffit pas à atteindre, peut-être pas même à approcher.

Le pensée seule, si elle améliore celui qui l’émet comme celui qui la reçoit, ne suffit pas à transformer le monde. Il lui faut une traduction concrète, un accomplissement dans la réalité des faits et des actes. La laïcité est l’exemple même d’une telle ouverture à la pensée d’autrui.

Laïcité ne veut pas dire opposition et encore moins négation de la religion. Laïcité veut dire au contraire acceptation de toutes les pensées religieuses, de toutes les spiritualités, dès lors qu’elles invitent à l’amour et à la vertu. Ainsi sommes-nous déterminés à construire cet Espace laïc, cet espace de spiritualité universelle. Qui constitue un des lieux majeurs de lutte contre les fausses idoles devant lesquels nos sociétés se prosternent.

La démarche spirituelle, qui caractérise l’engagement maçonnique, est certes avant tour une démarche intérieure. Mais nulle démarche ne saurait s’inscrire dans le monde des hommes sans se fonder ou s’appuyer sur un regard extérieur. En fait, la démarche maçonnique est une démarche individuelle, certes, mais aussi une démarche de solidarité avec l’universel.

Science, progrès, développement durable, éthique, … : nous entendons, comme nous y invite le rituel à la clôture des travaux, « poursuivre à l’extérieur l’œuvre commencée dans le temple ». Cela n’a bien sûr de sens pour la Franc-maçonne ou le Franc-maçon que s’il peut apporter lui-même dans le monde profane, les fruits de son travail initiatique, qui en font une femme ou un homme éclairé, épris de justice et d’équité.
En fait, progrès et morale sont indissociables, comme le sont progrès scientifique et éthique, développement durable et humanisme. C’est ici que notre engagement et notre progression spirituelle prennent tout leur sens.

Progrès de l’humanité et spiritualité maçonnique – Journal de la Franc-maçonnerie 450.fm