Les messages spirituels cachés derrière « Le Seigneur des anneaux » de Tolkien

En 1953, l’écrivain J. R. R. Tolkien (1892-1973) s’apprête à publier Le Seigneur des anneaux. Cette saga fantastique, à laquelle il a consacré plus de dix ans de travail, met en scène des elfes, des chevaliers et de petits personnages appelés « Hobbits », mais aussi des forces du mal en tout genre, des cavaliers noirs aux orcs hideux, en passant par un sorcier maléfique et, bien sûr, Sauron, le redoutable ennemi des différents peuples de la Terre du Milieu. Avant sa publication, le manuscrit circule auprès de proches et amis, qui le commentent en retour. Parmi eux, le jésuite anglais Robert Murray (1925-2018) y décèle notamment une influence biblique.

« Le Seigneur des anneaux est bien entendu une œuvre fondamentalement religieuse et catholique, lui répond alors Tolkien dans une lettre. De manière inconsciente dans un premier temps, puis de manière consciente lorsque je l’ai retravaillée. » A la suite du succès de cette œuvre-monde, publiée entre 1954 et 1955, cette petite phrase est abondamment citée dans des revues chrétiennes et par des exégètes catholiques, faisant de son auteur un discret apologue de l’Eglise. Aujourd’hui encore, alors que 2023 marquait le 50e anniversaire de la mort de Tolkien, de nouvelles publications abondent en ce sens.

« Le Seigneur des anneaux, et par extension la mythologie de Tolkien, est une œuvre catéchétique, avance ainsi l’essayiste espagnol Diego Blanco Albarova dans un livre paru cet été (Un chemin inattendu. La somme sur Tolkien, Cerf, 376 pages, 20 euros). Elle contient dans ses pages l’annonce explicite de l’Evangile et la conséquence de l’acceptation de cette annonce dans la vie des personnes, c’est-à-dire la vie de foi en communauté. » L’auteur espagnol déplore même que le catholicisme soit souvent considéré comme « un élément anecdotique » de la saga.

Tolkien voulait une mythologie pour l’Angleterre

Néanmoins, cette interprétation est loin de faire l’unanimité et plusieurs spécialistes contestent que la foi de Tolkien – bien établie en ce qui concerne sa vie privée – ait une vocation si forte dans les romans. « Il s’est au contraire efforcé d’écrire une histoire qui ne soit ni apologétique ni prosélyte, insiste ainsi Leo Carruthers, professeur émérite de littérature et auteur de Tolkien et la religion. Comme une lampe invisible (PUPS, 2016). C’est certes une histoire profondément spirituelle et compatible avec le catholicisme, mais elle ne s’y réduit pas. »

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Beaucoup d’interprètes oublient en effet la suite de la correspondance de Tolkien avec le père Robert Murray : « Je n’ai pas inclus, ou j’ai supprimé, pratiquement toute référence à quoi que ce soit approchant la “religion”, les cultes ou les pratiques, dans le monde imaginaire. L’élément religieux est ainsi absorbé dans l’histoire et le symbolisme. » Autrement dit, lorsqu’il a retravaillé son manuscrit, Tolkien, s’apercevant de la tonalité trop religieuse de son récit, s’est attaché à en gommer certains aspects.

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