Cinq livres mariant spiritualité et poésie à découvrir

Poésie et religions ont au moins un point commun : elles revendiquent l’emploi d’un langage qui ne se limite pas au discours rationnel. Parfois, les deux se rejoignent pour tenter de percer les mystères les plus profonds du réel, indicibles en langue commune, « sacrés » diront certains. Mono et polythéistes ont connu, en différents lieux et différentes époques, de grands poètes, à commencer peut-être par les rédacteurs des textes sacrés eux-mêmes.

« Bible et poésie », de Michael Edwards, Presses universitaires de France, 2023, 167 pages, 13 euros

Michael Edwards est un personnage paradoxal : à la fois citoyen britannique et membre de l’Académie française, poète imaginatif et critique littéraire sérieux, spécialiste de Shakespeare et de Racine, il s’est converti dans sa jeunesse (à la fin des années 1950) au catholicisme, saisi de l’intuition qu’il devait exister une autre manière de connaître le monde qui dépassât « la raison et les sens ».

Edwards lie cette intuition à l’essence même de la poésie. Il regrette, d’ailleurs, que le christianisme passe si souvent à côté de la dimension poétique essentielle de la Bible, qu’il ne cherche qu’à en extraire le sens et les leçons, et qu’en traduisant l’original, grec ou hébraïque, il le paraphrase. L’auteur ambitionne donc de rendre aux mots leur valeur.

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« L’existence de la poésie est révélatrice, écrit-il. Par son corps étrange, sa syntaxe modifiée, ses associations inattendues de mots, (…) elle change tout ce qu’elle touche (…). Elle le fait toujours, quelles que soient les convictions, religieuses ou non, du poète. » La poésie, comme la révélation, fait découvrir une autre faculté pour appréhender le monde. Bible et poésie, donc, sont deux mots qui vont très bien ensemble. M. F.

« Orphée. Poèmes magiques et cosmologiques », choix de textes et traductions par Alain Verse, Les Belles Lettres, 192 pages, 21 euros

Du Grec Homère au Chinois Zhuangzi, on ne sait si les sages fondateurs des civilisations ont réellement existé. La seule trace tient dans les textes qui nous en sont parvenus, comme pour Orphée. Poète, devin, musicien, chanteur… Cette figure insaisissable, à qui l’on attribue une théogonie – connue sous trois versions – et plusieurs poèmes, est peut-être aussi la plus inclassable, tant elle « transgresse nombre d’oppositions qui servent à définir la nature humaine », écrit en postface de cet ouvrage Luc Brisson, philosophe et spécialiste de l’orphisme.

Quelque part entre l’humain, l’animal et le divin, Orphée serait le fondateur des Mystères, ces cultes religieux secrets de la Grèce antique. La cosmogonie orphique, qui met l’eau au fondement de toute chose et un œuf primordial à l’origine du ciel et de la terre, constitue l’une des plus anciennes révélations, que des courants ultérieurs – en particulier les néoplatoniciens – tenteront d’harmoniser avec le platonisme.

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