Par qui, quand et comment l’Évangile sera

Dans dix ans, les chrétiens du monde entier célébreront un anniversaire très particulier, celui de la résurrection du Christ. Un jubilé de deux mille ans. La société d’aujourd’hui vit de nombreuses et profondes transitions. Les défis technologiques, économiques, environnementaux et anthropologiques nous interrogent. Mais qu’en est-il de la spiritualité ? Sommes-nous en train, là aussi, de vivre un tournant majeur ? Les spiritualités qui ont nourri notre culture sont-elles encore une ressource pour contribuer à répondre aux questionnements de nos contemporains ?

De nombreux baptisés sont habités par une question simple : Où, quand, comment, par qui et à qui l’Évangile sera-t-il proposé en 2033 en Belgique francophone ? Cet enjeu ne peut que susciter la réflexion des théologiens, notamment des acteurs de “terrain” dans la vie ecclésiale.

Comment témoigner de l’Évangile dans une société plurielle ?

Les pratiques chrétiennes traditionnelles sont largement délaissées par les générations montantes. Pourtant, les pasteurs qui les rencontrent trouvent souvent chez eux une bienveillance significative et de vraies attentes spirituelles.

Veiller à développer des “laboratoires de dialogue”, rassemblant des personnes ou communautés qui relèvent de différentes convictions, permettrait aux uns de reformuler leur foi en d’autres mots, et aux autres de nourrir leurs questionnements et peut-être de relativiser leurs préjugés.

Cela implique une mission audacieuse pour les baptisés. N’est-il pas indispensable d’accompagner des groupes chrétiens à mieux s’approprier leur foi commune, la liturgie, les prières, sans les dénaturer, par des expressions plus parlantes et évocatrices.

Où et comment accueillir le “tout-venant” ?

L’annonce de l’Évangile passe par une présence sur le terrain, dans des lieux habités par une espérance vivante.

La catéchèse classique touchant une part décroissante de la population, les demandeurs de rites de passage (baptême, mariage, funérailles) sont de facto peu informés sur leur tradition. D’aucuns cherchent à cette occasion un approfondissement des différentes dimensions de la vie chrétienne, opérant ainsi un retour à la foi.

En outre, dans une société où ceux qui ne se réfèrent à aucune religion sont toujours plus nombreux, émerge aussi chez des personnes jamais encore informées sur la foi, une aspiration à découvrir le message de l’Évangile.

L’Église offre-t-elle dès lors encore suffisamment de lieux qui parlent à toutes les personnes, à travers leurs histoires ? Comment faire de ces moments de (re) prise de contact l’occasion de tisser des liens entre le vécu des chrétiens d’aujourd’hui et les aspirations de ces chercheurs de sens ?

Quel sens (re) donner à l’ancrage spirituel de “lieux” traditionnels chrétiens ?

De nombreuses organisations de services à la société (éducation, santé, aide à la personne, caritatif, …) conservent aujourd’hui une référence – plus ou moins explicite – au christianisme, sans que le sens de cette étiquette soit clairement défini ou assumé. Le lieu le plus souvent mis en débat est l’enseignement : tant dans les écoles libres confessionnelles que dans les autres réseaux, la place des religions et des convictions pose question et met mal à l’aise. Il nous semble qu’il faudrait plutôt appréhender les questions de spiritualité comme une dimension incontournable et nécessaire d’une formation humaniste intégrale.

De même, dans les écoles, les hôpitaux, le monde associatif qui portent une référence chrétienne, une mise à plat de chaque projet apparaît nécessaire pour formuler, dans un contexte sociétal de plus en plus mouvant, l’apport spécifique d’une référence chrétienne en ces lieux.

Dans le même temps, notre société cherche aussi ses racines. L’attachement au patrimoine, notamment religieux, est palpable. Un vaste chantier de préservation, de (re) valorisation et d’entretien mériterait d’être développé.

En résumé, quels besoins nouveaux interpellent les chrétiens aujourd’hui ? Comment et avec qui y répondre ? Et, surtout, avec quel supplément de sens par rapport à ce que les initiatives publiques peuvent fournir ?

Changer de culture

Des siècles de culture cléricale plombent la vie de certaines Églises. À côté des dérives mises en exergue dans des domaines bien identifiés, d’autres pans de la vie ecclésiale méritent un débat sincère. L’exercice de l’autorité et la gestion financière méritent aussi de la transparence dans les procédures et les décisions. Dans ces domaines aussi, l’opacité conduit à abîmer trop de personnes.

L’ajustement des missions respectives des personnes ordonnées (prêtres et diacres), consacrées (religieuses et religieux) et des laïcs paraît nécessaire sinon urgente aujourd’hui. Dans toutes les Églises chrétiennes, l’accès à la prêtrise et au diaconat, la place des femmes, la formation des baptisés, le rôle des laïcs, ne sont-ils pas autant de défis à relever dans le changement d’époque que nous vivons ?

Et maintenant ?

La synodalité (qui vise à ce que les chrétiens puissent réfléchir ensemble à l’avenir de leurs Églises) est un thème d’actualité, comme en témoignent les travaux en cours au sein du Conseil œcuménique des Églises et de l’Église catholique. Dans cette perspective, notre groupe Evangelium 2033 a fait le choix d’entamer ses réflexions en donnant priorité à la question du changement de culture en Église : quelle(s) Église(s) souhaitons-nous dans cette société en transition ? Les débats ecclésiaux prendront du temps, quelques décennies sans doute. Dès lors, n’est-il pas opportun de lancer des idées, faire des suggestions de réflexions et des propositions de mises en œuvre pour les Églises en Belgique francophone à échéance de 2033 ?

Notre démarche se veut ouverte à l’interaction avec tous ceux qui la jugeront pertinente. Pour poursuivre la réflexion, nous sommes joignables via evangelium2033@gmail.com.

(1) Nous formons une cellule de réflexion œcuménique, qui se veut créative et prospective. Nous présentons aujourd’hui notre démarche baptisée Evangelium 2033, espérant la partager avec d’autres. Nous avons identifié plusieurs chantiers qui nous semblent importants pour l’annonce de l’Évangile à l’horizon 2033 en Belgique francophone.

Par qui, quand et comment l’Évangile sera-t-il proposé en 2033 ?