L’art et la foi d’Hugues Aufray

À 94 ans, le chanteur Hugues Aufray mène encore une carrière de “troubadour” contemporain, dont le dynamisme force l’admiration. Reçu cette semaine par le pape François avec des artistes du mouvement de la “Diaconie de la beauté”, Aleteia l’a rencontré pendant son passage dans la Ville éternelle. Il témoigne de la spiritualité chrétienne qui anime son art.

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Au premier étage du restaurant tenu par les religieuses de l’Eau vive, au détour des ruelles pavées du centre de Rome, une trentaine d’artistes dînent dans un climat festif. Dans la matinée, ce jeudi 15 février, ces membres du mouvement de la “Diaconie de la beauté” ont été reçus par le pape François lors d’une audience privée. Parmi eux, une voix imposante se dégage : celle du chanteur Hugues Aufray, qui à 94 ans a accepté d’être le parrain de cet événement. « Quand j’ai été contacté pour rencontrer le pape, confie-t-il en riant, j’ai pensé qu’il y aurait trois ou quatre personnes, en réalité c’est un tsunami qui m’est tombé dessus ». Devant le groupe éclectique, il confie avoir été interpellé par le nom de la « Diaconie de la beauté ». Le chanteur, dont l’itinéraire artistique est indissociable d’un itinéraire spirituel, estime que « la beauté est toujours divine » et qu’elle est « une promesse de bonheur ».

Dans mes chansons il y a toujours une morale, je compte dessus pour toucher le cœur des enfants

Mais « quelle que soit la beauté du message, on n’est pas à l’époque où on peut se permettre de parler sans micro », souligne le troubadour, incitant ses convives de table à faire entendre leurs « messages généreux ». « Si l’on veut être écouté, il faut du bon son parce que Dieu ne nous a pas donné une voix humaine pour 50.000 personnes », martèle-t-il avec conviction. « Dans mes chansons il y a toujours une morale, je compte dessus pour toucher le cœur des enfants », confie encore celui qui a fait sa scolarité chez les dominicains, et qui se souvient avec tendresse des chants scouts qui ont pétri son enfance, comme la prière du soir « Avant d’aller dormir sous les étoiles ». Devant le pape, guitare en main, il a d’ailleurs entonné le dernier couplet de sa chanson Le petit âne gris sur l’Enfant Jésus.

Hugues Aufray témoigne de sa foi dans son art.

Photo Anne Kurian

Si Hugues Aufray a cessé d’être pratiquant dans les années 1940 suite au divorce de ses parents, à une époque où les situations irrégulières étaient pointées du doigt dans l’Église, il a cependant conservé une foi profonde, qui l’habite encore aujourd’hui, ainsi qu’il l’explique à Aleteia. Il ressent ainsi une syntonie particulière avec les artistes croyants : « Par exemple Van Gogh était très croyant, tous ses tableaux sont des prières, des hommages au créateur, c’est comme ça que je le vois ». Celui qui aime chanter dans les églises, et s’est marié en septembre dernier avec sa compagne de longue date, à l’église Saint-Vigor de Marly-Le Roy (Yvelines), souligne le sentiment de « transcendance » que procurent ces édifices « grandioses ». Il professe une foi ancrée dans « la charité », disant son admiration pour l’abbé Pierre, et les prêtres ouvriers, qui étaient « très profonds » car « en plus de l’idéologie sociale, ils alliaient la transcendance divine », selon lui. 

Une quête familiale

Touché par les discussions dans la salle richement parée de tentures dorées, Hugues Aufray reprend le micro tandis que tintent les verres et que les plats se succèdent. Devant l’auditoire, il partage sur sa vie familiale marquée par une recherche spirituelle. Sa propre sœur, de son nom d’actrice Pascale Audret, a été remarquée dès sa jeunesse pour son visage « pur », qui symbolisera l’innocence dans le film l’Eau vive (1958). Deux ans plus tard, elle s’est illustrée dans le Dialogue des carmélites de Bernanos. « Ces anecdotes ont une signification pour moi », souligne le chanteur. Puis l’histoire se revêt d’un accent nostalgique, avec la chronique de son frère Francesco. « Il a été appelé ainsi car ma mère avait une fascination pour saint François d’Assise« , glisse-t-il, y voyant un clin d’œil avec le pontificat du pape argentin. Ce frère d’un an plus âgé que lui, chanteur d’opéra au talent prometteur, choisit de mettre fin à sa vie à l’âge de 27 ans, au Canada, suite à une affaire de cœur. Leur mère est si bouleversée qu’il est interdit à la famille de lui rendre hommage. 

Le hasard n’existe pas, c’est une façon que Dieu a de se faufiler dans nos vies avec beaucoup de modestie et de mystère

Hugues ne saura donc pas où son frère est enterré. Pendant plusieurs décennies, il remue ciel et terre pour le retrouver. Un demi-siècle plus tard, en 2018, alors qu’il est en tournée au Canada, un chauffeur de bus prend sa quête à cœur, effectue des recherches retrouve mystérieusement les traces de son frère dans un cimetière de Montréal, où une tombe porte le nom de « Francesco Aufray ». Mais le récit n’est pas encore terminé, il manque encore la note finale, tandis qu’autour de lui s’est creusé un silence poignant. « En entrant, j’apprends que ce cimetière s’appelle Le repos de saint François… est-ce du hasard ? », poursuit Hugues Aufray. Et d’affirmer devant ses confrères artistes : « Le hasard n’existe pas, c’est une façon que Dieu a de se faufiler dans nos vies avec beaucoup de modestie et de mystère ».

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Le groupe Les Guetteurs

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