Fin de vie : comprendre les termes du débat

De quoi parle-t-on quand on évoque la fin de vie?

L’expression “fin de vie” est couramment employée dans un sens restrictif, pour désigner les derniers moments de l’existence d’une personne arrivant en phase terminale d’une maladie ou d’une affection grave et incurable. Son pronostic vital est engagé.

Le 13 septembre dernier, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) a rendu un avis dans lequel il estime que “le cadre juridique actuel est satisfaisant lorsqu’un pronostic vital est engagé à court terme” – c’est-à-dire de quelques heures à quelques jours.

La situation des personnes dont le pronostic vital est engagé à l’horizon de quelques semaines ou quelques mois (dans le cas de cancers devenus maladies chroniques ou de dépendance à des traitements dont l’arrêt n’entraîne pas la mort à court terme, par exemple) pose de graves questions éthiques, au cœur de la réflexion du CCNE et des préoccupations de beaucoup de Français.

Quels sont les droits inscrits dans la loi actuelle?

Les soins palliatifs et l’accompagnement

Leur développement fait l’objet d’un plan national sur trois ans (2021-2024). Ce plan est le cinquième depuis 1999.

Ces soins actifs sont “délivrés dans une approche globale de la personne atteinte d’une maladie grave, évolutive ou terminale”, expose la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP). “L’objectif est de soulager les douleurs physiques et les autres symptômes, mais aussi de prendre en compte la souffrance psychique, sociale et spirituelle.”

Soins palliatifs et accompagnement s’adressent au malade, et aussi à sa famille et à ses proches. Ils sont mis en œuvre en institution ou à domicile. Les mettre en place de manière précoce a un impact positif sur la qualité de vie et la survie des personnes.

Aux termes de la loi, y accéder est un droit pour toute personne malade dont l’état le requiert. Mais “selon les chiffres de l’Inspection générale des affaires sociales, deux tiers des patients qui en auraient besoin n’ont pas accès aux soins palliatifs”, rappelle Claire Fourcade, médecin et présidente de la SFAP, “ce qui représente 200 000 personnes chaque année. Vingt-six départements en France, soit plus d’un quart, sont dépourvus de service de soins palliatifs, c’est-à-dire qu’ils n’ont pas de lieu pour accueillir les situations les plus complexes. Si l’impression persiste pour beaucoup de Français que l’on meurt mal en France, c’est aussi parce que nous ne nous sommes pas donné collectivement les moyens de faire évoluer cette réalité.”

La sédation profonde et continue jusqu’au décès

Le mot “sédation” désigne la recherche, par voie médicamenteuse, d’une diminution de la “vigilance” du malade. Cette pratique palliative permet d’atténuer ou supprimer la perception qu’un patient peut avoir de sa situation quand elle lui est insupportable et que d’autres moyens manquent. Plus ou moins profonde, elle est appliquée de façon continue, transitoire, ou même intermittente pour garantir à la personne des plages d’éveil dans la journée.

En 2016, la loi Claeys-Leonetti a instauré la possibilité, dans certaines conditions, d’administrer des substances anti-douleur et apaisantes de façon “profonde et continue” permettant à des personnes en fin de vie d’être endormis jusqu’à leur mort.

Le consentement

En France, chacun est acteur de sa santé et “a le droit de refuser ou de ne pas recevoir un traitement”. Le Code de la santé publique (article L. 1111-4) est clair: “Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment.”

Quand la personne en fin de vie est en capacité de donner son consentement, le médecin a l’obligation de respecter la volonté, après l’avoir informée des conséquences de ses choix et de leur gravité. Si, en refusant tout traitement ou en demandant leur interruption, celle-ci met sa vie en danger, elle doit réitérer sa décision “dans un délai raisonnable”.

Dans les cas où la personne se trouve dans l’incapacité de donner un consentement juridiquement valable, la loi prévoit que, sauf urgence, aucune intervention ne peut être faite sans avoir consulté la personne de confiance, ou la famille, ou à défaut un de ses proches. La limitation ou l’arrêt de traitement pouvant entraîner la mort ne peut avoir lieu qu’à l’issue d’une procédure collégiale et en respectant les directives anticipées. En l’absence de ces dernières, la consultation de la personne de confiance s’impose, ou à défaut de la famille ou des proches.

L’obstination déraisonnable

Cette expression a remplacé celle d'”acharnement thérapeutique”. Depuis 2005, empêcher la mort d’advenir quand les traitements apparaissent “inutiles, disproportionnés ou n’ayant d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie” est interdit. Les traitements peuvent être arrêtés ou ne pas être mis en œuvre. Poursuivre les soins et l’accompagnement, en revanche, restent un devoir.

Non seulement la loi impose au médecin de ne pas entreprendre de soins ou de traitements dans un but d’obstination déraisonnable, mais aussi de les interrompre. Ainsi, l’hydratation et la nutrition artificielles sont des traitements susceptibles d’être limités ou interrompus, précise le Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie

Les directives anticipées

Deux Français sur dix de plus de 50 ans avaient rédigé leurs directives anticipées début 2021, selon un sondage réalisé par BVA. Cependant, une majorité (54%) ne souhaite pas laisser d’instructions écrites concernant la poursuite, la limitation ou l’interruption des traitements s’ils devaient, un jour, se trouver dans la situation de ne pas pouvoir communiquer, après un accident grave ou une pathologie lourde.

Rédiger ses directives anticipées n’est ni obligatoire ni facile, mais leur existence garantit que sa volonté et ses valeurs seront respectées. Valables sans limite de temps depuis la loi Claeys-Leonetti de 2016, il est possible de les annuler et de les modifier à tout moment. 

Deux modèles (selon que l’on est en bonne santé ou atteint d’une maladie grave) sont à télécharger sur le site du service public.

La personne de confiance

Désigner une personne de confiance est un acte libre, qui peut s’avérer délicat, quand on est isolé, que l’on redoute de faire peser un poids moral sur l’autre ou de dépendre de lui pour une décision vitale. Disons-le: la personne de confiance ne décide pas à la place de la personne en fin de vie. Elle peut lui assurer un soutien et une présence lors du parcours médical et pour réfléchir aux conditions de sa fin de vie. Le cas échéant, elle pourra témoigner de ce qui compte pour la personne en incapacité de communiquer et de sa volonté.

Un parent, un proche, son médecin traitant… tout membre de l’entourage en qui nous avons confiance et qui accepte ce rôle peut être désigné “personne de confiance” . Sans obligation d’appartenir à la famille.

Si la loi devait changer

L’allongement de la durée de l’existence et les progrès de la médecine, notamment, confrontent à des situations de fin de vie inédites et complexes, toutes singulières. Au moment d’envisager une modification législative sur la fin de vie et l’introduction éventuelle d’une “aide à mourir”, la plus grande attention doit être portée à trois paramètres en particulier.

Le complexe de vivre

“Quel message enverrait une évolution législative dans ce sens aux personnes gravement malades, handicapées ou âgées?” C’est la question posée par les huit membres du Comité consultatif national d’éthique qui ont tenu à porter une réserve dans l’avis publié le 13 septembre: “Ne risque-t-elle pas d’être perçue comme le signe que certaines vies ne méritent pas d’être vécues? Nous nous inquiétons que cette loi suscite une forme de culpabilité, voire un complexe de vivre chez des personnes souffrant déjà d’une exclusion sociale.”

L’intention

Sur le plan éthique, il existe une différence essentielle entre, d’une part, le fait d’administrer un traitement visant à soulager la souffrance, en sachant qu’il peut provoquer la mort, mais sans intention de la donner, et, d’autre part, administrer un traitement visant à provoquer le décès, afin de mettre fin à des souffrances. Dans le premier cas, l’intention n’est pas de donner la mort, celle-ci étant un effet indirect du traitement. C’est le cas de la sédation profonde et continue jusqu’au décès autorisée par la loi Leonetti-Claeys de 2016, qui encadre aujourd’hui la fin de vie dans notre pays.

L’acte

Par quels gestes l’aide à mourir se traduit-elle? Qui effectue l’acte? Cela distingue dans les gestes l’assistance au suicide de l’euthanasie. “Dans le premier cas, c’est la personne en fin de vie qui s’administre un produit létal… ou pas”, souligne Régis Aubry, chef du service des soins palliatifs au CHU de Besançon, président de l’Observatoire national de la fin de vie et corapporteur du dernier avis du Comité consultatif national d’éthique . L’euthanasie suppose l’intervention d’un tiers (médecin, infirmier).

Ce qui se pratique à l’étranger

Détailler les pratiques ne vise en aucun cas à les banaliser, mais à prendre la mesure de ce que vivent les personnes en fin de vie, leurs proches et les soignants dans les pays ayant dépénalisé ou légalisé l’aide à mourir.

L’aide médicale à mourir

Il s’agit de l’administration délibérée de substances létales (par injection, souvent) dans l’intention de provoquer la mort, pour mettre fin aux souffrances d’une personne qui désire mourir, ou, en l’absence de son consentement, sur décision de tiers (corps médical, proches).

On parle aussi d’euthanasie active.

Euthanasie

Faire mourir ou laisser mourir… selon les pays, leurs contextes socio-culturels et leurs législations, le terme désigne une pratique plus ou moins restreinte et des distinctions sont faites entre euthanasie active et passive.

Euthanasie active (lire “aide active à mourir”)

En Belgique, premier pays à avoir dépénalisé l’euthanasie, en 2002, un médecin peut, à certaines conditions, injecter directement au malade un produit létal dans l’intention de provoquer sa mort – ce que l’on appelle l’euthanasie active. Mais rares sont les États qui l’autorisent aujourd’hui. Chez nos voisins belges, la procédure peut être effectuée à domicile ou à l’hôpital et le professionnel de santé engage sa responsabilité. Il doit s’être assuré que le patient est atteint d’une maladie incurable qui provoque une souffrance physique et psychologique “insupportable, constante, qui ne peut être apaisée” et qu’il n’a subi aucune pression extérieure.

En France, aujourd’hui, l’acte d’administrer un traitement avec intention de donner la mort dans le but d’abréger les souffrances d’une personne est considéré comme un homicide et réprimée sur la base de l’article 221-1 du Code pénal (disposition sur le meurtre).

Euthanasie passive

L’expression désigne le refus ou l’arrêt de traitement nécessaire au maintien en vie. Dans les cas où le patient, ses proches ou le corps médical en ont pris la décision, les soignants s’abstiennent de prodiguer des soins (une réanimation cardiaque par exemple) ou de continuer un traitement (comme une intubation) de nature à sauver ou prolonger sa vie.

L’arrêt des traitements est ainsi admis dans l’Oregon (USA), dans la mesure où la volonté du patient peut être établie sans aucune ambiguïté.

Suicide assisté

La personne cause elle-même sa mort: c’est elle, et non une tierce personne, qui s’auto-administre le produit létal – en général en ingérant un médicament – et elle le fait en connaissance de cause, guidée par un tiers qui lui aura fourni les renseignements et/ou les moyens nécessaires.

Le recul fourni par les pays où l’assistance au suicide est dépénalisée – l’État de l’Oregon aux États-Unis notamment pour lequel on dispose de recherches – ne met pas de dérive en évidence. Il semble que le fait de disposer du produit létal procure un soulagement psychologique et que le passage à l’acte se trouve différé. Depuis 1997, 2895 habitants de l’Oregon ont reçu une prescription pour une substance létale et 1905 sont mortes de son ingestion, soit 66%.

Ce que dit l’Église catholique

“Tuer n’est pas humain, point.”

C’est ce qu’a répondu le pape François à la question d’un journaliste sur l’euthanasie, le 15 septembre dernier: “Si vous tuez avec des motivations, vous finirez par tuer de plus en plus”, a-t-il ajouté.

“Ni acharnement thérapeutique, ni euthanasie”

La position de l’Église catholique quand la mort est inéluctable est développée dans la lettre Samaritanus bonus sur le soin des personnes en phases critiques et terminales de la vie, publiée en 2020. L ‘euthanasie y est décrite comme un “crime contre la vie humaine” et le suicide assisté comme un “grave péché”. La congrégation pour la Doctrine de la foi y condamne les traitements médicaux qui précipitent le décès, et aussi ceux qui le retardent: “ils privent la mort de sa dignité”. “Le renoncement à des moyens extraordinaires et/ou disproportionnés n’est pas l’équivalent du suicide ou de l’euthanasie”, écrit-elle, citant Jean-Paul II: “il exprime plutôt l’acceptation de la condition humaine face à la mort.”

“Une aide authentique à vivre”

À l’écoute des interrogations de la société, des souffrances des personnes en fin de vie et de la détresse de leurs proches, la Conférence des évêques de France réaffirme le caractère inviolable et inaliénable de la dignité humaine et invite à écouter et accompagner les attentes profondes des personnes en fin de vie, en particulier les plus vulnérables.

Fin de vie : comprendre les termes du débat