Positive vibration : les racines du Reggae

Son arme, une guitare à six cordes. Son véhicule, un rythme binaire qui vient des “Chain gang”, ces bagnards enchaînés de Louisiane qui tapaient sur le deuxième quatrième temps pour être synchro en cassant des cailloux. C’est ça l’ancêtre du rock, un rythme de bagnard qui appuie les contretemps.

Puis le rythme va s’accélérer, devenir plus léger, c’est le rockabilly aux États-Unis, le ska en Jamaïque qui va ralentir à nouveau pour donner le rock steady, affirme ainsi le particularisme nonchalant des îles. Sans doute sous l’influence de la ganja et de la spiritualité indou, le rocksteady va étirer sa rythmique tout en détachant des contretemps réguliers jusqu’à devenir une pulsation lancinante et implacable, avec de grosses basses comme une machine pneumatique qui avance lentement, ponctuée de battements réguliers provoquant la transe la plus hypnotique qui soit.

Le reggae porte en lui le paradoxe d’une danse lente et sautillante, obsédante mais joyeuse. Sur cette base hypnotique, les textes messianiques de Marlène Inspirée offrent l’espérance et la dignité à tous les bafoués du monde. Justice et unité.

Mais sa lutte va plus loin, elle est spirituelle, elle concerne tous les opprimés de la terre, la lutte contre l’esclavage mental. Quand Chris Blackwell retrouve Bob Marley, ils sont mûrs tous les deux. Blackwell a déjà fondé son label “Island Records”. Il connaît la musique de la Jamaïque depuis ses débuts. Il a été un des premiers à l’enregistrer proprement et surtout, il est le seul producteur à payer correctement les musiciens en leur offrant les royalties qu’ils méritent. Il emmène aux concerts des groupes anglais de rock qu’il produit, “Traffic”, “Roxy Music”, afin de lui ouvrir les yeux sur les nouvelles pratiques musicales, le concept album.

En effet, l’heure n’est plus aux singles des années 60, à l’enregistrement de tubes pour la radio qui s’enchaînent et qu’on assemble en album. On peut penser sur une plus grande échelle. On peut tourner autour d’une idée créatrice et l’explorer à loisir sous différentes formes. Aux Etats-Unis, Isaac Hayes vient de sortir “Hot buttered soul”, un album avec des titres qui durent 18 minutes ; Marvin Gaye vient de sortir “What’s Going on”, splendides plages instrumentales sur lesquelles se posent des chants lascifs et des prêches révolutionnaires.

Chris Blackwell insiste pour que l’enregistrement se passe à Londres, quitte à y installer tout le groupe pour quelques semaines. Il a son idée derrière la tête. Marley, loin de son environnement, sera plus enclin à mélanger à son reggae traditionnel de nouveaux ingrédients, comme des solos de guitare électrique ou des synthétiseurs. Il va fabriquer un son nouveau, un rock avec une rythmique dédoublée, un rock hallucinogène qui va séduire la planète entière. C’est ainsi que naît “Catch a Fire”, l’album qui va le propulser au devant de la scène. Le monde entier découvre le reggae. Le monde entier va prendre fait et cause pour les souffrances du peuple noir. Les opprimés du monde vont se reconnaître dans cette parole libératrice.

Positive vibration : les racines du Reggae