Marie de Hennezel: “Il y a tellement de gens qui meurent avant de mourir…”

Une petite rue dans le deuxième arrondissement. À cette heure matinale, tout est calme. La veille, les bars et clubs de jazz accueillaient habitués et touristes assoiffés de musique et étourdis de coktails. Une porte cochère. L’immeuble n’est pas luxueux, mais il a du charme. Au dernier étage, un appartement discret dont on capte d’emblée le parfum de poésie, la sérénité littéraire, la profondeur humaine. Un couloir conduit à une large pièce. Au centre, trône un escalier de bois qui conduit au ciel. Les tons sont gris clair. À droite, des fauteuils confortables. Au mur, des toiles, des livres. Encore des toiles, encore des livres. À gauche, la cuisine. Et comme dans toutes les cuisines, un frigo. Et comme sur tous les frigos, des photos, tenues par des aimants. L’une d’entre elles, au centre, attire le regard. Elle n’est pas plus grande que les autres. Elle est en noir et blanc. Le visage est un peu souriant, concentré. C’est un profil bien connu, en France, qui inspire le respect, l’autorité. Une certaine force tranquille… François Mitterrand.

Ce n’est pas ici qu’il venait pendant des heures discuter avec Marie de Hennezel, psychanalyste. À l’époque de leurs interminables discussions, il venait à Sceaux où elle habitait. Mais le plus souvent, c’est elle qui se déplaçait à l’Élysée. Il aimait la recevoir dans la bibliothèque. C’est là, parfois, qu’ils déjeunaient. L’époque n’était pas à l’économie : caviar et Puligny Montrachet étaient au menu. Marie de Hennezel n’était pas la maîtresse de François Mitterrand. Elle était bien plus que cela. Sa confidente, voire sa source spirituelle, celle qui, à mots comptés, choisis, inspirants, tentait de lui apporter des réponses à ses questions, voire ses angoisses. Sur la mort, sur l’au-delà, sur le corps, sur l’âme. Atteint par la maladie dès le début de son entrée à l’Élysée, le président voulait savoir ce qui l’attendait, le jour où il fermerait les yeux. Leur conversation durera presque douze ans. Un soir de décembre 1994, lors de ses derniers vœux à la Nation, François Mitterrand prononça cette phrase qui en intrigua plus d’un : “Je crois aux forces de l’esprit”. C’est ce que Marie de Hennezel lui avait confié dès leur deuxième rencontre.

Marie de Hennezel a attendu plusieurs années avant de raconter leur improbable rencontre dans “Croire aux forces de l’Esprit”. Elle vient de publier un livre troublant, attachant, passionnant. “Vivre avec l’invisible”. N’avons-nous pas, tous et toutes, nos invisibles qui nous aident à vivre?

Marie de Hennezel: "Il y a tellement de gens qui meurent avant de mourir…"
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“Il y a tellement de gens qui meurent avant de mourir…”

Dans quelle famille avez-vous grandi ?

Mon père, né en 1899, a eu deux mariages. Du premier, sont nés quatre fils. Je suis l’aînée du deuxième lit où il y a eu sept enfants. Il m’arrive de penser que je n’ai pas eu vraiment d’enfance : ma mère m’a confiée à une nurse allemande parce que nous vivions en Allemagne, juste après la guerre. Étant l’aînée avec plein de petits frères et sœurs, arrivés dans la foulée, j’ai été une petite fille à qui l’on a confié, très tôt, beaucoup de responsabilités. J’étais un peu une maman bis. Après l’Allemagne, la famille est rentrée en France, mon père a pris la garnison de Bourges et ensuite, nous sommes rentrés à Paris.

Quelles valeurs vos parents vous ont-ils transmises ?

Celles d’une famille traditionnelle, catholique: des valeurs morales, d’accueil, de responsabilité. La vie de famille était aussi au cœur de leurs valeurs. Mais d’une certaine manière, du côté maternel, j’ai reçu des valeurs anti conformistes. On était encouragé à faire des choses dont on avait envie, à ne pas avoir peur d’inventer, de créer, d’aller de l’avant.

Vous n’avez pas tout de suite été attirée par la psychologie, mais bien par l’étude des langues…

J’ai d’abord fait une école d’interprète, de traductrice. Plus tard, enceinte de mon deuxième enfant, j’ai eu une grossesse un peu difficile, j’ai beaucoup lu, principalement Carl Jung et Françoise Dolto, qui n’étaient pourtant pas de la même école. J’ai choisi de changer de vie, de devenir psychanalyste jungienne. Alors que j’avais deux enfants, que j’enseignais l’anglais, je suis retournée à la faculté et j’ai fait des études universitaires de psychologue clinicienne qui permettent d’intervenir comme psychologue dans les hôpitaux. La loi Veil de 1975, dépénalisant l’avortement, prévoyait deux entretiens préalables avec un psychologue. Cela a été supprimé maintenant. Pourtant, il était très important que les femmes aient une écoute. J’ai fait cela pendant sept ans.

Survient, alors, une rencontre, déterminante dans votre parcours, avec François Mitterrand. Mais vous ne le révélerez que plus tard, après sa mort.

Mon demi-frère aîné était son chef du protocole. Avant de partir comme ambassadeur à La Haye, il a reçu la Légion d’honneur. J’ai rencontré François Mitterrand lors de la réception qui a suivi, une rencontre un peu électrique. J’ai senti qu’il se passait quelque chose, d’indéfinissable. J’étais sûre que je le reverrais. J’ai fait un rêve, je l’aidais à traverser un passage rempli d’eau. Cela m’a conforté dans l’impression que j’avais quelque chose à faire auprès du président. Je lui ai envoyé une lettre.

Vous lui avez écrit : “Permettez-moi de vous témoigner très simplement ma sensibilité à ce que j’ai perçu de la solitude intérieure où vous êtes et de vous assurer de ma prière. Si parfois des ondes de paix et de douceur viennent alléger le poids que vous portez, sachez qu’un courant d’amour vous les destine…” Audacieux, quand même.

Je n’avais rien à perdre. J’avais une intuition. Il répondra : “J’aimerais vous connaître. Est-ce possible ? Il vous suffit de me le dire…” J’ai pris rendez-vous et j’ai été reçue à l’Élysée.

Les gens connaissaient-ils l’influence que vous aviez auprès de François Mitterrand  ?

Personne ne le savait. Je suis restée extrêmement secrète. Même mon fils, qui a lu mon manuscrit avant sa publication, s’est exclamé “Mais maman, je ne savais pas que tu avais vécu tout cela”. Pourtant, il avait eu quelques fois le président au téléphone: à l’époque, il n’y avait pas de portable.

Personne, à part le président et ses médecins, ne connaissait sa maladie…

Il y a fait allusion, lors de notre deuxième rencontre. Mais d’une façon curieuse : “À l’heure où je vous parle, je devrais être mort, les médecins m’ont donné peu de temps à vivre…” Mais il ne m’a pas dit qu’il avait un cancer. Je lui ai répondu cette phrase qui a été déterminante dans la suite de notre relation : “Mais qui peut vous dire le temps qui vous reste à vivre, car ce temps dépend du désir de vivre, de ce que l’on a encore à faire sur terre et des forces de l’esprit”. Il m’a regardé intensément. Je pense avoir dit exactement ce qu’il attendait que quelqu’un lui dise. Et après cela, il ne m’a plus parlé de sa maladie.

Vous dites qu’il est difficile de qualifier la relation que vous aviez avec le président… Pourquoi?

Il disait lui-même que notre relation était inclassable. Je ne faisais pas partie de son entourage proche. Je n’étais pas une amie que l’on voit de temps en temps. Mais je n’étais pas sa maîtresse. J’étais dans un tiroir secret, la personne avec qui il pouvait parler de ce qui le préoccupait très secrètement.

Quel était son grand questionnement ?

La mort, l’au-delà, la spiritualité. Il se disait mystique. Il disait : la religion sépare, la spiritualité rassemble.

Vous lui avez fait découvrir l’abbé Maurice Zundel qui a écrit : “Si notre corps meurt, la longueur d’onde caractéristique qui nous constitue, elle, ne meurt pas”.

C’est une très belle phrase. Il est Teilhardien (disciple du jésuite Teilhard de Chardin) : pour lui le corps physique est destiné à mourir et à disparaître. Mais nous ne sommes pas que de la chair et des os. Nous avons ce qu’il appelle une vibration. Nous avons une sorte de disque dur, une information enrichie par notre vie. Nous sommes des ondes. Zundel disait : “Rien ne nous interdit de penser que notre longueur d’onde caractéristique puisse subsister après la mort et aller informer d’autres formes de vie”. Cette formulation “Rien ne nous interdit de penser” très prudente plaisait beaucoup à François Mitterrand.

Pourquoi?

Mitterrand aimait les gens qui se posent des questions, pas ceux qui apportent des réponses. Le problème n’est pas de savoir où nous irons après la mort, mais bien si nous serons vivants avant. Il s’agit de vaincre la mort ici-bas. Nous en parlions beaucoup avec François Mitterrand : il y a tellement de gens qui meurent avant de mourir… Le défi est de donner un sens à notre vie. Nous avons une certaine énergie au départ. En vivant, nous faisons des expériences qui enrichissent notre disque dur. À la fin de notre vie, nous avons enrichi cette expérience. Le reste est mystérieux. L’inconscient ne croit pas à la mort…

Lors de son dernier message aux Français, en décembre 1994, François Mitterrand a dit : “L’an prochain, ce sera mon successeur qui vous exprimera ses vœux. Là où je serai, je l’écouterai, le cœur plein de reconnaissance pour le peuple français qui m’aura si longtemps confié son destin et plein d’espoir en vous. Je crois aux forces de l’Esprit et je ne vous quitterai pas”. Avez-vous été surprise ?

Il ne me consultait pas sur ce qu’il écrivait et disait. Mais il m’a téléphoné après et m’a dit : “Avez-vous entendu ce que j’ai dit ?” J’ai appris que des membres de son cabinet avaient essayé de lui faire retirer cette phrase, la trouvant complètement saugrenue. Il m’a expliqué qu’il avait décidé de la maintenir. C’était christique comme formulation.

Après vous avoir proposé d’être ambassadrice à Monaco, il vous a suggéré d’être psychologue dans un nouveau centre de soins palliatifs…

En 1984, il y avait eu un colloque à Nice. Les témoignages avaient révélé que l’on euthanasiait les malades dans les hôpitaux pour les soulager parce que l’on ne savait pas faire autrement. Alors que cela était totalement illégal. François Mitterrand avait été informé des conclusions de ce colloque. Il a mis en place une mission ministérielle en 1985 pour offrir une réponse humaine à la fin de vie. Cela était possible : le “mouvement des hospices anglais” avait montré que l’on pouvait soulager avec de la morphine, sans tuer. La décision a été prise de travailler dans cette voie pour soulager, accompagner et non pas tuer en deux jours avec un cocktail lytique administré aux malades que l’on ne parvenait pas à soulager. C’est à son initiative que le docteur Maurice Abiven a créé le premier centre de soins palliatifs, en Europe sur le modèle des unités qui existaient déjà à Montréal. Le président m’a proposé d’en être la psychologue. Je suis allé me former à Montréal.

François Mitterrand était-il opposé à l’euthanasie ?

Il y était opposé pour des raisons qu’il m’avait expliquées ainsi : la société n’est pas bonne, le jour où l’on donnera aux médecins le droit de donner la mort, on l’utilisera pour euthanasier des gens vulnérables. Il y aura, pensait-il, des dérives. Je sais qu’en Belgique, vous expérimentez un autre modèle. Mais c’était son avis. Il pensait que cela conduirait à des abus. Cette parole résonne toujours en moi quand je vois ce qui se passe dans les Ehpad, nos maisons de repos : les gens vieillissent dans des conditions tellement indignes que beaucoup réclament la mort. Il faudrait mettre l’argent nécessaire pour permettre un vieillissement digne. Ma crainte est que, quand les gens diront qu’ils n’ont plus envie de cette vie-là, on leur proposera la mort. Cela coûte moins cher que de développer les soins palliatifs ou de financer un système d’accueil des personnes vulnérables âgées. Je crains une épidémie de suicides assistés. En réalité, j’en suis quasiment sûre.

Vous avez été impressionnée lors de la visite, avec François Mitterrand, des mouroirs de Mère Thérésa en Inde. Les gens, racontez-vous, semblaient mourir avec une certaine sérénité…

Ces gens-là n’avaient rien. Mais il y avait la présence, les gestes, les rites. C’est ce que nous avons développé avec les soins palliatifs. Aujourd’hui, c’est une obligation : on doit soulager. Et on ne doit jamais laisser seul un mourant : la présence est essentielle, contrairement à ce que l’on a fait pendant le confinement. C’est la raison pour laquelle j’ai poussé ce cri de colère dans mon livre “L’adieu interdit”. La loi de 99 sur l’accès de tous aux soins palliatifs pose comme droit humain le fait d’être accompagné dans ses derniers moments. Or cette présence a été refusée pendant le confinement alors que des proches, munis des protections nécessaires, auraient pu être présents. Ce n’est pas la même chose d’avoir un enfant, un conjoint, un ami qui vous murmure des mots d’amour dans l’oreille plutôt que d’avoir un soignant à ses côtés.

Vous avez illustré l’importance de l’accompagnement, des rites, du toucher par l’histoire des jumelles…

Un jour, une femme mourante était très agitée. Sa famille l’entourait. Personne ne savait comment la calmer. On sentait une grande angoisse. Je suis entrée dans la chambre. Je savais que sa jumelle était présente. Je lui ai proposé de monter sur le lit, de s’allonger dans le dos de sa sœur, de la prendre dans ses bras et de reproduire la position dans laquelle elles étaient dans le ventre de leur mère. Elle s’est instantanément calmée. Elle s’est endormie et est morte quelques jours plus tard. Sereine. Ce contact physique était essentiel. La peau a une mémoire. Cela montre à quel point le corps à corps est important au moment de la mort. Pour lâcher son corps, il faut un contact, une proximité tactile. Les soignants le savent lorsqu’ils donnent un bain à un mourant. Souvent, la personne meurt juste après.

Vous dites que les mourants ont “un comité d’accueil”…

Il est arrivé que certaines personnes, qui n’avaient aucun passé psychiatrique, voient dans leur chambre des personnes décédées qui les attendent. Cela montre que la frontière entre le visible et l’invisible devient très poreuse. Tous les témoignages de mort imminente se rejoignent. Il faut raconter ces expériences aux mourants, cela peut les apaiser. Je pense que les mourants voient des choses que les autres ne voient pas.

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“Il faut parler de la mort, des morts et aux morts”

Votre “Vivre avec l’invisible”, n’a pas pour objectif de prouver que l’invisible existe…

Non. J’ai simplement voulu témoigner que la plupart des gens ont un lien avec l’invisible. Cela peut prendre des formes différentes : des rêves, une intuition, la petite voix intérieure, une prémonition, ou ce que Jung appelle des synchronicités, c’est-à-dire le constat de liens extraordinaires entre des choses qui n’ont pas de liens entre elles. Ce que l’on appelle des signes. Beaucoup de gens ont cette relation avec l’invisible. Rilke dit que nous sommes encadrés d’invisible ; les enfants le savent mieux que les adultes.

Il n’y a donc rien d’anormal à parler aux “invisibles” ?

J’ai voulu montrer que ce lien avec l’invisible n’était pas pathologique. Que cela n’était pas surnaturel. Nous avons un espace à l’intérieur de nous dans lequel les frontières de la raison ne jouent pas. Tout le monde a cela. Peut-être plus les gens hypersensibles : ce n’est pas une tare, c’est un don. À certains moments, on peut se rapprocher de cette zone. Mais si on y reste, on devient fou. Il faut donc en sortir.

Vous dites aussi que nous avons tous, dans une certaine mesure, un ange gardien. Mais pour qu’ils interviennent, il faut le leur demander…

C’est ce qui m’a frappé dans le livre “Le dialogue avec l’ange”, une expérience assez étonnante pendant la guerre auprès de quatre étudiants hongrois. Un ange leur a parlé pendant plusieurs mois. L’ange leur a dit : nous sommes là, mais nous ne pouvons pas vous aider si vous ne nous demandez rien. La demande est donc nécessaire. Dans mon travail de psy, je demande souvent à mes patients : demandez-vous de l’aide ? Souvent ils me disent : non. Je leur dis : pourquoi pas…

Cela ne marche pas toujours, même quand on demande de l’aide…

Je ne saurais pas répondre à cela. C’est ce que l’on dit quand on ne demande pas d’aide. J’ai rarement entendu qu’il n’y avait pas de réponse du tout. Mais pas forcément celle que l’on attend. Encore faut-il pouvoir l’interpréter. Il faut donc parler des morts et avec les morts… La société était et est toujours marquée par le déni de la mort. Or nous sommes nombreux, comme la rabine Delphine Horvilleur, à dire qu’il faut absolument parler de la mort, parler des morts et parler aux morts. Delphine Horvilleur parle d’un travail de couture: il faut coudre leur âme à la nôtre. Pour se mettre en paix. Il faut créer des petits rituels personnels. Se mettre en paix avec les morts, cela peut se faire après la mort. Moi, quand j’ai besoin d’aide, je ne sais jamais à quel invisible je vais m’adresser. J’en ai plein ici. Un oncle, mort dans son bombardier alors qu’il allait rejoindre De Gaule, ma grand-mère, François Mitterrand, Stéphane Hessel. Et plein d’autres.

Votre livre évoque également l’énergie des lieux. Et notamment l’énergie de la pierre celte située près de votre petite maison dans le Gard.

Depuis cinquante ans, j’ai une petite maison, une ruine retapée dans le Gard, un endroit exceptionnel. Sur le terrain, il y a une pierre, pas très haute. C’est un petit dolmen celte, répertorié comme tel. Comme François Mitterrand s’intéressait à l’énergie des lieux, des arbres, des pierres, il y est venu deux fois et est resté cinq minutes en silence, les mains posées sur la pierre. Il voulait capter l’énergie qui s’en dégageait. Il allait souvent dans les églises, vides, capter l’énergie. Il faisait cela aussi avec les arbres. Cela n’a rien d’étrange. Dans plusieurs endroits du monde, notamment au Japon, les gens touchent, enlacent les arbres. Cela m’arrive aussi. Il y a des lieux de l’âme à l’extérieur du corps et aussi à l’intérieur du corps. Nous avons un corps de présence, vibratoire, et, comme le disait Zundel, rien ne nous interdit de penser que ce corps-là ne puisse subsister après la mort.

Comment vous ressourcez-vous ?

Au contact de la beauté et de la nature. Je rentre de Venise, une ville très importante dans mon histoire familiale. Quand je vois la beauté de Venise, je sens l’énergie arriver. J’ai aussi une pratique de méditation.

En qui, en quoi croyez-vous ?

J’ai reçu une éducation chrétienne et ma foi se réfère plus à ce que je « sens » qu’à ce que « je crois » . J’expérimente une présence, avec moi, en moi… Je prie avec un mantra araméen « Ma Ra Na Tha » qui signifie “Viens Seigneur”. Quand je prie de cette façon, je sens cette présence arriver.

Vous croyez, écrivez-vous, en la solidarité de la prière.

Oui. Oui. là aussi je l’expérimente, et j’en ai souvent des preuves.

Êtes-vous heureuse ?

Je ne me pose pas la question. Je me sens à ma place dans la vie. Ma vie est riche et pleine et je rends grâce.

Qu’est-ce qui vous a construit ?

J’ai le sentiment depuis le début de ma vie d’être conduite. C’est la confiance dans ce qui me conduit qui m’a construite.

Stéphane Hessel disait : “J’attends la mort comme une gourmandise”. Vous aussi ?

Non. Je ne l’attends pas. Elle viendra quand elle viendra. Ce qui m’intéresse, c’est la vie, pour le moment. J’y pense, bien sûr, je ne l’écarte pas. J’ai une conscience aiguë des moments que je vis. Je prends conscience des liens, notamment d’amitié. Il faut la nourrir. Il ne faut pas rater les rencontres et imprimer le présent en soi.

Qu’y a-t-il après la mort ?

Je ne sais pas.


Bio express 5 août 1946 : naissance à Lyon. 6 novembre 1984 : rencontre avec François Mitterrand 15 septembre 1995 : publication de “La mort intime”(Ed. Robert Laffont) 9 juin 1999 : Sœur Emmanuelle lui remet la légion d’honneur 22 mars 2007 : docteur honoris causa de l’Université de Namur. Marie de Hennezel vient de publier “Vivre avec l’invisible” (Ed. Laffont).

Marie de Hennezel: “Il y a tellement de gens qui meurent avant de mourir…”