Le nouveau CD de DENEZ « Ur mor a zaeloù

Denez devant l’ossuaire de Lanvellec

Elle fait intrinsèquement, nombreux diraient « endémiquement », partie intégrante du répertoire du chant traditionnel et de mémoire, en Bretagne.

Cette poétique et tragique forme vocale et musicale est née au Ve siècle.

Elle évoquait autrefois, exempte de nos tabous contemporains, la mort, notamment au travers de sa personnification imageant la communauté des défunts, par sa figure spectrale que l’on nomme, en Armorique, l’Ankou.

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Ce chant si particulier semble avoir, entre autre, été crée pour exorciser les appréhensions que tout être ressent face à son ultime et inévitable passage vers l’autre monde.

Il célèbre, aussi, l’amour éternel, parle de disparition, de chagrin, de meurtres, de drames et, plus largement, des souffrances quotidiennes ou cycliques de l’humanité, semblant même préfigurer, parfois, le rôle de nos actuelles pages médiatiques de faits divers.

Vous avez, bien évidemment, reconnu les principales caractéristique de cet ancestrale expression chantée venue des premiers âges chrétiens et druidiques, lorsque les bardes gallois marièrent leurs chants à ceux des bardes d’Armorique… il s’agit, bien sûr, de la gwerz !

Chant tragique, complainte, litanie incantatoire ; comment peut-on, expliciter, au mieux, le mot gwerz qui reste un substantif assez intraduisible, comme c’est le cas pour le flamenco, le fado ou le blues ?

En tous cas, aux côtés du Kan ha diskan, de la world music, de la chanson bretonne, la gwerz demeure, depuis des années, une expression de prédilection, magnifiquement incarnée par l’exceptionnelle et si prenante voix du chanteur poète nord- finistérien devenu, trégorrois, Denez PRIGENT, dit, depuis la parution, en avril 2015, de son opus studio « An enchanting garden – Ul liorzh vurzhudus – Un jardin enchanteur », tout simplement, plus intimement… DENEZ !

Retournant aux fondatrices origines de son art, DENEZ ose, ici, un album entièrement consacré à la gwerz, au travers d’un programme de 10 titres.

Huit pièces sacrées en langue bretonne, empruntes d’une grande spiritualité et issues des répertoires des Sœurs GOADEC ou de celle que les chanteurs actuels surnomment, souvent, « Madame Bertrand », la feu chanteuse traditionnelle bretonne de Canihuel, en Pays Fañch, situé au sud-ouest du département des Côtes-d’Armor… Marie-Josèphe BERTRAND.

D’autres sont « sourcées » des écrits du costarmoricain auteur de romans en breton, très fin connaisseur et locuteur de la langue, Yvon GOURMELON, ou, référence incontournable, issues du Barzhaz Breiz, célèbre recueil de chants, paroles et musique, collectés au XIXe siècle, dans la partie bretonnante de la Bretagne, traduits et annotés par Théodore HERSART, vicomte de La Villemarqué.

Un ouvrage fondamental que DENEZ considère comme la bible des gwerzioù.

A mi-parcours du disque, DENEZ y agrège deux de ses remarquables compositions, texte et mélodie, nous devrions, plutôt dire, deux poèmes chantés, avec, pour la première fois, recherchant des voix d’accompagnement angéliques, celles des enfants de la Maîtrise de Saint-Brieuc, talentueux chœur qui intervient, également, nous le verrons, au cours de la 9ème pièce du programme.

Très pertinemment et fort poétiquement titré, « Ur mor a zaeloù – Une mer de larmes », voici le 12ème album de DENEZ, enregistré, dans les conditions du direct avec, généralement, des captations réalisées en une seule prise, dans les Côtes d’Armor, en pays du Trégor, précisément, dans l’église de Saint-Brandan de Lanvellec, édifice sacré de la commune où réside l’artiste. Celle-ci est située entre Plouaret et Plestin-les-Grèves, non loin du Vieux Marché, terre de la célèbre et iconique cultivatrice poétesse bretonne, Anjela DUVAL.

Cet opus est un quasi-retour mémoriel sur les jeunes années de DENEZ lorsqu’il chantait, a cappella, dans les chapelles, ces endroits chargés d’histoire, ces lieux sacrés baignés d’énergie positive où le silence s’impose pour mieux laisser, naturellement, réverbérer sous les voûtes granitiques, les chants qui s’élèvent vers l’au-delà, et à fortiori, par la voix unique et vibrante de DENEZ.

Pour façonner un écrin musical à cet exceptionnel bijou vocal qui, sous de multiples couleurs bretonnes, celtiques, mais toujours universelles, nous, stricto-sensu… « enchante » depuis tant d’années, le passionnel chantre armoricain, au chant lead, s’est entouré d’orfèvres de la mélodie et du jeu instrumental.

Nombre d’entre eux sont des fidèles du studio et/ou de la scène, régulièrement partagés avec DENEZ.

Après avoir, précocement et périodiquement, fusionné des sonorités électroniques avec ses compositions, pour cet enregistrement qui, de la scène au disque, se révèle comme le prolongement, l’aboutissement de concerts donnés dans des lieux sacrés, DENEZ a choisi d’être accompagné sobrement, mais de quelle haute volée, par une instrumentation acoustique.

C’est ainsi que :

– Mathilde CHEVREL joint à cette « mer de larmes », les profondes pleurs de son enjôleur violoncelle,

– Cyrille BONNEAU insuffle son jeu nuancé de celtisme, au duduk, à la veuze, au saxophone soprano et à la cornemuse écossaise.

– Jonathan DOUR caresse, plus que ne frotte, les cordes d’or de son violon et violon alto.

– Jean-Baptiste HENRY « bretonnise » son né germanique, naturalisé argentin, bandonéon.

– Antoine LAHAY « nous en fait pincer » pour son andin charango et sa guitare douze cordes.

Dans cette même configuration de pupitres, cette formation existait déjà, puisque, avant cet enregistrement, DENEZ s’était produit, une dizaine de fois, dans différentes cathédrales, comme à Tréguier et à Quimper, ou dans des lieux sacrés, tel qu’en l’église de Lanvellec.

Sur trois pièces, les angéliques tessitures naissant de la Maitrise de Saint-Brieuc, placée sous la direction de Goulven AIRAULT, donnant nouvel écho ou enrobant le chant sur nappes instrumentales, portent aux nues divines, mais sans nulle emphatique démesure… « La voix » ; celle de « l’ensorceleur Cantador armoricain ».

Ces célestes et juvéniles enluminures vocales qui, tour à tour, selon les morceaux, introduisent, soutiennent, prolongent, reprennent la ligne vocale du Maître, sont une grande première dans le cheminement artistique de DENEZ.

Une autre grande première : L’interprétation du plus connu des « blues bretons », le fort célèbre « Marv ma mestrez – Ma bien aimée est morte », inspiré du répertoire des Sœurs GOADEC, dont pourtant, on ne possède aucun enregistrement de la part du référent treffrinois trio de chanteuses traditionnelles et que DENEZ chante pour la première fois, plaçant même, en ouverture de l’opus, cette magnifique gwerz.

Si, bien sûr, nous connaissons celle-ci dans des versions vocales ou instrumentales, entre autres, interprétée et/ou enregistrée par Alan STIVELL, Gilles SERVAT, EWEN-DELAHAYE-FAVENNEC, Erik MARCHAND, Dan AR BRAZ, Didier SQUIBAN, André LE MEUT, Bagad KEMPER…, après une très originale et, quelque peu, syncopée introduction de cordes, DENEZ nous en livre, ici, une version époustouflante, une véritable recréation, plus que respectueuse de la mélodie originale qu’il transcende !

Avec ce titre, nous sommes, nous vous le rappelons, au cour d’un drame intime :

Une bien-aimée est morte et son amant passe ses nuits à se lamenter auprès de sa fontaine, en souhaitant que viennent les fusils et les sabres pour mette fin à ses jours, afin qu’il la rejoindre dans l’autre monde.

Allègrement introduit au violon, suit « Ar bugel koar – L’enfant de cire ». Comparé au premier titre, sa plus alerte mélodie est ponctuée par les virevoltantes envolées du saxophone soprano, écrites et jouées par Cyrille BONNEAU qui entraîne dans ses spires quelque peu dansantes, le bandonéon de Jean-Baptiste HENRY, sur les nappes du violoncelle de Mathilde CHAUVEL.

Ecrin d’argent pour la voix d’or du chanteur.

Une belle opposition entre la légèreté instrumentale et la mélancolie de la voix.

A noter que ce chant figure en plage 7 de la réédition en 14 titres, chez Barclay (1996) du premier album initial de 12 plages, « Ar gouriz koar – La ceinture de cire », paru chez Silex/Auvidis, en 1983. Cette première édition ne proposait pas « Ar bugel koar – L’enfant de cire » au cœur de son programme au contenu un peu différent et à l’ordre des gravures distinct.

Tiré du répertoire des Sœurs GOADEC qui l’avaient enregistré chez Keltia musique, en 1978, provenant de Carhaix-Plouguer, voici « Ar Plac’h div wech eurejet – La fille deux fois mariée ».

Dans sa première partie quelques discrètes ornementations mélodiques transpercent parfois le dominant bourdon instrumental, attendant le mi-cheminement de la pièce pour que le quartet de cordes et de bois s’exprime en reprenant la récurrente, mais ô combien prenante, ligne vocale de DENEZ qui reste prépondérante, jusqu’à son suspens final.

Si, comme nous l‘avons notifié, précédemment, les gwerzioù peuvent évoquer des faits intimes, de proximité, elles racontent, par ailleurs, des événements tragiques qui touchent, comme pour les épidémies, de larges communautés.

En Piste 4, sur ligne de cordes, le duduk arménien de Cyrile BONNEAU introduit, « Bosenn Eliant – La peste d’Elliant », très ancienne gwerz, tirée du Barzhaz Breiz, relatant cette invasion bactérienne qui, au sixième siècle, toucha toute l’Europe et fit de grands ravages en Armorique, en tuant des milliers de personnes.

Langolen hag ar Faoued

Ur barzh santel a vez kavet

Hag an Tad Rasian anvet

…/…

La peste est partie d’Elliant

Mais non pas sans fournée

Elle a emporté sept mille cent âmes

…/…

Le duduk de Cyrile dialogue, puis s’insère avec entêtement dans le chant de DENEZ, semblant personnaliser cette tenace et mortelle intrusion, tandis que le bandonéon paraît, en syncopant sa mélodie, tenter de lutter contre ce fléau qui progresse inexorablement, évolution traduite par la permanente et croissante ligne de cordes.

L’artiste l’avait, aussi, enregistré sur son premier album « Ar gouriz koar » ; après une mélancolique introduction au saxophone soprano solo, DENEZ nous propose, ici, une nouvelle version d’« Iwan GAMUS ».

Suivant un a cappella couvrant le 1er couplet, le réapparaissant cuivre ne lâchera pas d’un pouce l’exposé vocal évoluant, aussi, sur un bourdon de bandonéon. C’est, dramatiquement, lent, sombre, funèbre, délicieusement récurrent, seul un intermède musical de cordes, vent et cuivre, éclaire soudain l’abysse au fond duquel nous sommes transis. Nous nous accrochons à cette ligne mélodique épousant la voix qui porte, en breton, notamment, ces mots :

…/…

« Mon père, ma mère si vous m’aimez

Faites mon lit, tirez bien les draps

Puisque mon amour est morte

Plus jamais je n’en sortirai

Ni le jour ni la nuit, ni l’été ni l’hiver

Que pour être enseveli.

…/…

Nous ne sortons pas indemnes de cette écoute, mais Dieu que c’est beau et prenant !

Si, jusqu’alors, tous les chants sus-évoqués, sont, paroles et musiques, des traditionnels, certes arrangés, collégialement par les cinq artistes et, ceci dans un parfait esprit collectif qui confère à la réalisation finale une idée de groupe, les plages 6 et 7 nous proposent les deux compositions, textes et mélodies, signés de DENEZ.

Magnifiquement porté par les angéliques voix du jeune chœur briochin, ponctué par la fervente chaleur du duduk, puis du saxophone soprano de Cyrile BONNEAU évoluant sur une discrète ligne de cordes, « Kanañ ar ran – Je chante » apparaît comme une véritable profession de foi.

N’eus forzh an avel hag ar glav

Leskiñ a ra ma zan atav

Skediñ a ra ma mouezh bepred

N’eus ket un deiz na ganfen ket

N’eus forzh tourmantoù ar vuhez

Kanañ a ran ar garantez !

Peu importent le vent et la pluie

Mon feu brûle toujours

Ma voix brille encore

Il n’est pas un jour sans que je chante

Peu importent les tourments de la vie

Je chante l’amour !

Après les ténébreux instants vécus en première partie de programme, semblable au rayonnement céleste qui transperce les colorations d’un vitrail, cette plus que magnifique composition envoie une salvatrice, libératoire, résiliente lumière, agissant comme un antidote à tous nos maux.

Mais, en piste 7, revenons malheureusement, à la bien trop fréquemment dramatique épopée de l’humanité, notamment, théâtre de famines, dramatique thème qui affecte, particulièrement, le chanteur.

En effet, pour une nouvelle version, DENEZ, reprend, « Naonegezh Kiev – La famine de Kiev ».

La gwerz est vocalement « préfacée » par la Maîtrise de Saint-Brieuc qui chante le premier couplet de la « Prière pour l‘Ukraine », créée, en 1885, par deux personnalités ukrainiennes, l’écrivain, lexicographe, poète et militant, Olesksandr KONYSKY et le compositeur, pianiste, chef d’orchestre et ethnomusicologue Mykola LYSENKO.

Bozhe velykyi, yedynyi,

Nam Ukrainu khrany,

Voli i svitu prominniam,

Ty yii osiny.

Seigneur, ô grand et tout puissant

Protégez notre Ukraine bien aimée

Bénissez-là de vos lumières et libertés

Avec vos saints rayons luisants.

La « Prière pour l‘Ukraine » a acquis une importance nationale, lorsqu’elle été interprétée par des chœurs de masse pendant la guerre d’indépendance ukrainienne (1917 à 1921), devenant, en quelque sorte, un hymne spirituel officiel.

Ce passage introductif est suivi d’une très belle esquisse du propre thème de « Naonegezh Kiev – La famine de Kiev », joué par le quatuor.

Composée en 1999 par DENEZ, ce chant relate, provoquée par la politique de Staline en Ukraine, la famine de Kiev qui causa la mort de 5 millions de ses habitants entre 1932 et 1933.

Pour son album studio « Sarac’h », paru en octobre 2003, et sous le nom de « Gwerz Kiev », l’artiste l’avait interprétée, en duo, avec la chanteuse écossaise et voix lead du groupe folk Capercaillie, Karen MATHESON.

Une autre version a été, également, enregistrée en public, au cours d’un concert donné à Caen.

Sous l’appellation « Gwerz Kiev acoustique », elle figure, en 5ème plage du DVD et en 7ème piste du CD, tous deux contenus dans le coffret « Live – A-unvan gant ar stered, In unison with the stars », paru en novembre 2016. (Notre chronique).

Le livret joint à « Ur mor a zaeloù – Une mer de larmes » présente l’intégralité du texte, avec l’introduction chorale, rédigée en cyrillique et en breton.

Quelle actuelle résonnance !

Pour « Soudard ar Fur – Soldat Le Fur », puisé à la source d’Yvon GOURMELON, cordes frottées et pincées, bandonéon plus en « avant-scène », accompagnent, dans un léger balancement mélodique, la voix devenue plus narrative qu’incantatoire de DENEZ qui chante l’histoire du retour de la guerre d’un soldat constatant que, pendant son absence, sa bien aimée s’est mariée.

Puis, voici le, ô combien, célèbre chant « E ti Eliza » !

Celui-ci figurait sur le premier disque, orignal et réédition, de DENEZ, « Ar gouriz koar ».

Nous ne reviendrons pas d’avantage sur ce morceau puisqu’il a fait l’objet d’un article spécifique présentant, parues sous différents titres, 15 versions chantées ou instrumentales (Notre article).

Pincées, frottées, insufflés, cordes, cuivres, bois, vents et poches, détournant, parfois leurs sonorités originelles, pour l’obtention, là de notes de contrebasse, ici quelques sonorités de harpe celtique, font cortège autour du timbre céleste du chanteur qui, enveloppé de la voix des anges de Saint Brieuc, passe du chant accompagné, à l’a cappella pour, encore mieux, nuancer la pièce.

A noter les superbes interventions du duduk et de la cornemuse, signées de Cyrile BONNEAU.

Dernière piste du Compact-Disc, voici le « coup… de grâce » !

DENEZ a, en effet, souhaité terminer son nouvel opus, « Ur mor a zaeloù – Une mer de larmes », par, toujours figurant sur son premier album, un a cappella de « Deuit ganin – Venez avec moi ».

Comme un envoi final, voici plus de 8 minutes d’émotion, de frisson, d’introspection… et de souvenir.

En effet, à l’écoute de cet ultime gwerz, comment ne pas penser aux 3 âmes de Treffin qui se sont élevées vers un possible Tír na nÓg et qui l’avaient incluse dans leur répertoire, en l’enregistrant, sous le titre « Deuit Ganin D’am Bro – Venez avec moi dans mon pays », en première plage de la phase B du vinyle 33 tours, « Les Soeurs Goadec de Carhaix », publié chez Mouëz-Breiz, en 1972, puis en l’enregistrant, à nouveau, en 1973, cette fois, chez Le Chant Du Monde et en public, à Bobino, en 4ème plage de la face B, sous le même nom, mais sous-titré « Viens Dans Mon Pays, Ma Belle ».

Portée vers l’au-delà par la réverbération naturelle de l’église Saint-Brandan, DENEZ nous en livre, ici, une vibrante version surnaturelle… parce que divine !

Après, trait d’union entre vie et mort, toutes ces profondeurs sus-évoquées, il nous semble bien plat, presque dérisoire et inutile, de vous inciter à, bien évidemment, vous procurer, pour votre plaisir le plus immédiat, ce fort substantiel et brillant opus, artistiquement et techniquement, parfaitement abouti.

Il faut en effet associer, aux irréprochables qualités vocales et instrumentales de ce « groupe », l’apport technique dû à l’excellent travail du fidèle ingénieur du son, Nicolas ROUVIERE qui, in situ, a réalisé, avec délicatesse et acuité, la prise de son.

Le mixage et le mastering, conjointement concoctés au studio plestinais « Le chausson » (Voir site) , par le susnommé et DENEZ, ne font qu’ajouter, dans une mise en espace instrumentale précise, à la dynamique et la parfaite lisibilité sonore finale.

Il n’est pas aisé de prendre le son sous de généreuses voûtes de granit et, dans un second temps, de restituer, sans emphase ou confusion, une ambiance, une réverbération naturelle qui respectent les phrasés respectifs des exécutants.

Et dire que la gwerz est une tradition que l’on a hérité des bardes qui ne souhaitaient pas que l’on écrive leurs textes et qui transmettaient, oralement, les poèmes, avant qu’ils ne passent dans le milieu populaire.

Selon DENEZ, cette oralité est, d’ailleurs, une raison pour laquelle ce répertoire est très large, aujourd’hui, en Bretagne et disparu au pays Galles.

A contrario, en ces présents temps, avec de tels fondamentaux et exceptionnels disques, non seulement, on écrit les textes sur le livret adjoint, on grave le chant et les notes sur le miroir d’une galette numérique, pour qu’ils, souhaitons-le vivement, paradoxe contemporain, se pérennisent et se transmettent au travers de nos temps qui manquent, souvent, d’enracinement et d’essentiel mémoriel ou spirituel.

Fort salutaire pour l’ouïe et l’âme, « Ur mor a zaeloù – Une mer de larmes », vous reconnaîtrez aisément le Compact-Disc par, en première de jaquette, une photo de DENEZ, particulièrement expressive, explicite, intimement réalisée devant l’ossuaire de Lanvellec, par Alexandre KOZEL, n’est pas un opus étroitement morbide, catastrophiste, mais au contraire, un recueil lumineux, libératoire, résilient ; souvenez-vous, en plage 6, « Kanañ ar ran – Je chante » !

Pour plus intensément vivre, parfois revivre, DENEZ, ne semble-t-il pas nous rappeler qu’il faut regarder la mort en face, en la recontextualisant… dans la vie.

Avec la voix de DENEZ et sa puissance émotionnelle, le dramatique devient esthétique, abordable, maîtrisable et ce nouvel album est, au sens racinaire du grec ancien, enthousiasmant, puisque d’inspiration ou possession divine, il nous enflamme, nous galvanise.

Gérard SIMON

Illustration sonore de la page : DENEZ – “Ur mor a zaloù – Une mer de larmes”.

Marv ma mestrez / Ma bien aimée est morte – 01:15.

Le site officiel de DENEZ : (Voir site)

D”autres extraits sonores sur Culture et celtie, l’e-MAGazine (Voir site)

CD de DENEZ- “Ur mor a zaeloù – Une mer de larmes”.

Parution : 21 octobre 2022.

Production : Arsenal productions (Voir site)

Distribution : COOP BREIZH (Voir site)

Réf : 4016483

Les titres du CD “Ur mor a zaeloù – Une mer de larmes”.

01 – Marv ma mestrez / Ma bien aimée est morte – 05:25.

02 – Ar bugel koar / L’enfant de cire – 04:03.

03 – Ar plac’h div wech eurejet / La fille deux fois mariée – 05:58.

04 – Bosenn eliant / La peste d’Elliant – 06:02.

05 – Iwan gamus – 8:23.

06 – Kanañ a ran / Je chante – 03:41.

07 – Naoenegezh kiev / La famine de Kiev – 07:13.

08 – Soudard ar fur / Le soldat le Fur – 03:16.

09 – E ti eliz iza – acoustique – 06:41.

10 – Deuit ganin / Venez avec moi – 08:22.

Durée totale : 59:04.

© Culture et Celtie

Gérard SIMON

Le nouveau CD de DENEZ « Ur mor a zaeloù – Une mer de larmes »