L’ascension fulgurante de la Chine ou le triomphe de la vision, de la spiritualité, de la patience, de la continuité et de la cohérence.

Etienne-de-Tayo

« La Chine a fait en l’espace d’une seule génération (30 ans) sa révolution industrielle, cette phase de décollage économique que l’Europe et l’Amérique avaient connu un siècle et demi plus tôt et qui avait nécessité dans ces régions-là, deux ou trois fois plus de temps. Tout en Chine s’est fait beaucoup plus rapidement : le transfert de l’agriculture vers l’industrie, de la campagne vers les villes, l’émergence d’une classe moyenne et le début d’une consommation de masse. La production a ainsi progressé en moyenne de près de 10% par an. Elle a été multipliée par 7 en 30 ans. Du jamais vu. Jamais en effet dans l’histoire économique, un pays aussi grand n’a connu une croissance aussi forte pendant une période aussi longue ».

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Cette peinture dithyrambique de la Chine nouvelle coule sous le pinceau d’Erik Izraelwicz qui a signé la préface du deuxième volume de la collection « Comprendre un monde qui change », « Chine : de la révolution à la naissance d’un géant », publiée par le journal français Le Monde. A ceux qui voient dans cette ascension fulgurante de l’empire du milieu un miracle ou encore le fruit du hasard, EriK Izraelwicz rap pelle : « L’anomalie du monde ne réside pas dans le retour actuel de la Chine parmi les grandes puissances mais plutôt dans la longue éclipse qu’elle a connue entre 1830 et 1980. Mais avant cette descente aux enfers, la Chine a longtemps été la première puissance économique de la planète, selon l’historien de l’économie Angus Maddison. Elle représentait le tiers de la richesse mondiale au début du XIXe siècle. Elle n’en pesait plus que 1% à peine au milieu du 20e siècle », soutient-il. Une autre grande surprise des commentateurs vient de ce que, comme l’affirme Dr Vladidmir Popov à propos de l’émergence de la Chine, « pour la première fois, la réussite du développement économique à grande échelle et durable sera basé sur un modèle autochtone et non sur un modèle économique de type occidental ».

Depuis le programme de « la réforme et ouverture » lancé à la fin des années 1970 par le Président Deng Xiaoping avec son emblématique « Enrichissez-vous », la Chine s’est éveillé et imprime désormais sa marque sur la marche du monde et ne peut point être ignorée encore moins méprisée. Et pour cause, d’après le bilan du travail accompli en 2021, contenu dans le rapport d’activité du Gouvernement, « le PIB de la Chine a atteint en 2021, le montant de 114 000 milliards de yuans (18240 milliards de dollars US), soit une augmentation de 8,1%. Les recettes du budget national ont franchi le seuil de 20 000 milliards de yuans (3200 milliards de dollars US), soit une hausse de 10,7%. Dans les agglomérations, 12,69 millions d’emplois ont été créés et le taux de chômage au sens du recensement de la population a été de 5,1% en moyenne. La hausse des prix à la consommation a atteint 0,9%. La balance des paiements internationaux est équilibrée dans son ensemble ».

Aujourd’hui, le leadership mondial de la Chine s’impose dans presque tous les domaines. La Chine est le deuxième investisseur à l’étranger ; le premier exportateur mondial de marchandises (2600 milliards de dollars contre 1400 milliards pour les États-Unis) ; le premier détenteur des réserves de change ; le premier producteur d’acier, de charbon et de ci ment… La Chine contrôle par ailleurs plus de 70% de la production des terres rares, métaux essentiels dans la fabrication des téléviseurs, des batteries pour téléphones portables et voitures électriques, des pots de catalytiques, des éoliennes… (…) La réussite de la Chine s’incarne dans celle des Baths (Baidu, Alibaba, Tencent, Huawei et Xiaomi) capables de rivaliser avec les Gafam américains (Google,

« … Dans cette étude, nous voulons, en déroulant les uns après les autres, les ressorts sur lesquels la Chine fait reposer son système, tenter de révéler la couleur du parapluie atomique qu’en 73 ans exactement après sa fondation, la république Populaire de Chine s’est offerte pour se protéger du China bashing et de toutes les autres visées déstabilisatrices plus ou moins visibles… »

Amazon, Facebook, Apple et Microsoft). Comme le relève le journal français Le Parisien : « Pékin compte plus de milliardaires que New York (…) La Chine a 2 milliards de véhicules immatriculés soit la moitié du parc automobile mondial. En 2018, 28 millions de véhicules ont été vendus sur le marché chinois ».

Depuis décembre 2014 et selon le Fonds Monétaire International (FMI), « la Chine est désormais la première puissance économique mondiale en Parité de Pouvoir d’Achat (PPA) ». Ce que certains commentateurs occidentaux ont qualifié de tremblement de terre. En 2020 éclate la pandémie de la Covid19 alors que la Chine s’apprête à célébrer en 2021 le centenaire du Parti Communiste Chinois, synonyme d’atteinte du premier objectif d’atteinte de la « société de moyenne aisance ». Sur l’origine du virus, beaucoup d’analystes penchent aujourd’hui pour une cabale doublée d’une attaque en règle des concurrents de la Chine et visant à compromettre l’atteinte du premier objectif du développement de la Chine, lequel était inscrit dans le calendrier son émergence. Donc nous sommes en réalité face à une partie visible de la guerre économique op posant l’Occident à la Chine depuis que cette dernière a accédé à la cour des grands.

Modèle De double circulation

Mais face à la pandémie e la Covid19 et la cam pagne de stigmatisation qui l’a accompagné et destinée à mettre à mal l’économie chinoise, d’après « French Xinhuanet », « la Chine a dé ployé le « modèle de double circulation » où les marchés internes et externes peuvent se renforcer mutuellement en prenant comme pilier le marché intérieur. Le modèle de la double circulation vise à libérer le potentiel du marché chinois afin qu’il puisse offrir davantage d’opportunités à d’autres pays à travers le monde grâce à l’initiative la ceinture et la route. La logique derrière ce modèle consiste à faire passer l’économie chinoise d’un marché axé sur l’exportation et l’investissement à un marché axé sur la demande intérieure, le marché chinois peut devenir ainsi une destination d’exportation plus attrayante pour les produits de biens et de service d’autres économies ». Par son modèle de double circulation, et surtout l’aisance avec laquelle elle contrôle son propre système en le protégeant contre les aléas de toutes sortes et contre les attaques, la Chine a fini par convaincre ses concurrents qu’elle était désormais hors d’atteinte et que toute manœuvre visant à la freiner se retournera fatalement contre les initiateurs en même temps qu’elle contribuera à renforcer son prestige d’abord auprès de son peuple ainsi qu’aux yeux du monde.

Dans cette étude, nous voulons, en déroulant les uns après les autres, les ressorts sur lesquels la Chine fait reposer son système, tenter de révéler la couleur du parapluie atomique qu’en 73 ans exacte ment après sa fondation, la République Populaire de Chine s’est offert pour se protéger du China bashing et de toutes les autres visées déstabilisatrices plus ou moins visibles. Nous voulons aussi explorer ces ressorts de l’ascension fulgurante de la Chine et tenter d’expliquer les raisons de cette croissance spectaculaire et durable mais aussi les sources de la résilience chinoise. Et notre question est de savoir ce qui peut expliquer une telle performance dans un monde à la fois concurrentiel et cruel où malheureusement, les premiers occupants ne veulent laisser aucune place aux nouveaux arrivants. D’où la Chine tire-t-elle cette capacité à contourner les pièges et à gravir sereinement les marches de l’escalier de la puissance mondiale ?

Nous affirmons que cette réussite spectaculaire est le résultat d’une stratégie globale fondée sur la vision, de la spiritualité, de la patience, de la continuité et de la cohérence. Mais au-delà de la combinaison de ces facteurs objectifs et rationnels, nous postulons le fait que la Chine est repartie à la source de sa puissance qui est spiritualité avec le confucianisme, le Bouddhisme et le Taoïsme qui recèlent un certain nombre d’éléments multiplicateur de la réus site et de la puissance. Nous émettons cette hypo thèse parce que nous ne pouvons pas penser que les pays occidentaux, qui avaient pris une avance considérable de plus d’un siècle sur la Chine et qui avaient verrouillé le système pour rester le plus longtemps possible au sommet et qui enfin savent utiliser la brutalité s’il le faut pour atteindre leurs objectifs, soient rationnellement incapables de freiner l’avancée du train du développement de la Chine. La résistance chinoise ne s’explique pas uniquement par des éléments objectifs et rationnels. Cela s’explique surtout et avant tout par la dimension spirituelle.

Le rêve chinois

Sur la vision, elle est portée par le rêve chinois. Le rêve chinois qui est celui du renouveau de la nation chinoise, est un idéal des chinois de plusieurs générations et est basé sur l’expérience historique pro fonde de la Chine. Il est « une réalisation de la modernisation socialiste, à travers la combinaison du marxisme et des réalités de la Chine ». Le rêve chinois a été forgé dans la douleur, lorsque la Chine a subi les menaces et les invasions des puissances étrangères qui l’ont asservi et lui ont fait signer des traités inégaux. Ce rêve chinois qui est au fonds un rêve du peuple, se décline dans plusieurs domaines de la vie en Chine et incarne un certain nombre va leurs partagées par le peuple chinois comme le décrit si bien Li Junru : le rêve chinois de prospérité du pays pour le salut national ; le rêve chinois pour l’industrialisation et la modernisation ; le rêve chinois du bonheur du peuple ; le rêve chinois est une re présentation de sinisation du marxisme ; le rêve chinois, c’est le rêve du pays, de la nation et de chaque chinois ; le rêve chinois est également un rêve pour les droits de l’homme ; le rêve chinois, un rêve de paix, de développement, de coopération et de l’esprit gagnant-gagnant ; le rêve chinois et la voie d’un développement pacifique de a Chine.

Pour réaliser le rêve chinois, Li Junru recommande : « il faut suivre la voie chinoise, faire rayonner l’esprit chinois et ras sembler les forces de la Chine ; concilier entre l’idéal et le travail concret ; concilier entre les opportunités et les défis ; concilier entre la réforme et le développement ; étudier et appliquer avec conscience la pensée du Comité central du Parti sur l’approfondissement global des réformes ; servir le peuple, faire preuve de réalisme et rester intègre ; accroître les efforts pour punir la corruption ; construire un collectif dirigeant du parti exigeant envers lui-même ». Sur la spiritualité, il faut dire qu’elle a toujours été au cœur de l’édification des empires chinois successifs. Mais les défaites successives de la Chine face aux envahisseurs l’ont amené à douter de la force de sa spiritualité.

En 1840, la Chine est écrasée par la Grande Bretagne lors de la première guerre de l’opium. Elle est aussi battue lors de la deuxième guerre de l’opium. Par la suite elle est battue par les français et les japonais. Elle a été amenée à signer des traités inégaux pour céder ses territoires aux puissances dominantes. Comme le rappelle Li Junru, « pour les occidentaux et même les chinois de l’époque, cet épisode venait montrer que le Dieu n’est pas chinois et réfutait les thèses d’une relation divine entre la Chine et Dieu ». Pour le peuple et les dirigeants chinois de l’époque c’était un traumatisme insurmontable. Puis les chinois se sont remis en question au point d’éloigner les religions lors de la révolution culturelle. Progressivement et au fil des combats, la Chine a trouvé la voie de son développement qui échappe aux occidentaux. Et cette voie est forcément celle de la spiritualité. Depuis lors, la culture traditionnelle chinoise (CTC) à savoir, le confucianisme, le Taoisme et le Bouddhisme est de retour en Chine et étend d’ailleurs son influence sur le reste du monde : « Le confucianisme favorise la communication interpersonnelle, la relation entre l’homme et le social ; le Taoisme met l’accent sur la communication entre la nature et l’homme ; le Bouddhisme quant à lui privilégie la communication entre l’esprit et le corps de l’homme ». Et comme le souligne le philosophe Allemand Martin Weber, « en apprenant l’essence de la culture traditionnelle chinoise, telle que la non activité, bénignité et esprit naturel, l’occidental voudrait retrouver le paradis spirituel qui n’existe plus depuis longtemps en occident et revivifier la culture occidentale ».

Sur la patience, l’expression la plus achevée de cette vertu chez les chinois est contenu dans cette sa gesse de Deng Xiaoping, le père de la prospérité chi noise. Il s’agit en réalité d’une formule attribuée à un empereur de la prestigieuse dynastie Tang et elle s’énonçait ainsi : « Observer calmement, sécuriser les positions, faire face avec calme, cacher ses ta lents, attendre son heure, maintenir un profil bas et ne jamais clamer sa supériorité ». Cette immense sagesse, Deng Xiaoping se l’est d’abord imposée à lui-même lorsqu’il était aux cotés de Mao Zedong. Il faut souligner le fait que Deng Xiaoping élabore les quatre modernisations qui formeront le socle du programme de réforme et ouverture en 1964 sous l’encadrement de Zhou Enlai. Il est passé par la case purge lors de la révolution culturelle et a failli ne ja mais être le successeur de Mao Zedong. Mais l’extrême patience qui l’a caractérisé lors de son magistère lui a permis d’atteindre son objectif à savoir être l’homme qui a apporté la prospérité à la Chine. Cette patience, il a pu l’insuffler à la Chine et lui a permis de cacher longtemps son jeu pour n’exploser qu’à l’occasion des jeux olympiques et de l’ex position universelle.

Sur la continuité et la cohérence, il faut dire que le parcours exceptionnel de la Chine lui a permis d’engendrer des hommes d’État qui placent l’État au-dessus de toutes les autres considérations et qui de ce fait savent s’éclipser pour ne laisser triompher que les intérêts de la Chine. En Chine, le jeu politique se fait normalement avec des hommes qui remplacent d’autres mais jamais cela n’a jamais impacté négativement la marche triomphante vers la réalisation des objectifs de développement. Et si cette cohérence existe c’est parce que comme le pense Li Junru, « la Chine a appris à mieux connaître et bien concilier les relations entre le grand renouveau de la nation chinoise et la voie du socialisme à la chi noise, celle entre l’esprit national ayant pour noyau le patriotisme et l’esprit de l’époque ayant pour noyau la réforme et l’innovation et celle entre l’objectif et la force motrice de réalisation ». Nous avons constaté que la Chine a disséminé les ressorts de sa réussite et de là sa puissance dans un ensemble de données insignifiantes mais qui recèlent la force de leur apparente impuissance. Ce qui veut dire que sous le regard généralement méprisant et suffisant de ses concurrents, la Chine devra poursuivre sereinement son ascension fulgurante et s’installer pour longtemps au sommet de la pyramide planétaire.

Par Etienne de Tayo (groupe d’Études et de recherche sur la coopération sino africaine) tayoe2004@yahoo.fr

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