Snowpiercer, Unstoppable… avant Bullet Train, les 10 meilleurs films de train

Avant Bullet Train, le train était déjà un motif cinématographique passionnant. La preuve en 10 grands films ferroviaires.

Bullet Train réalisé par David Leitch avec Brad Pitt est sur le point d’arriver en gare de nos multiplexes. Le concept ? Une tripotée de tueurs se retrouve dans un train japonais et entreprend de s’entretuer. C’est loin d’être la première fois qu’un film investit un train pour y localiser la majeure partie de son action. En fait, le réseau ferroviaire est particulièrement prisé par le septième art, qui en fait souvent un terrain d’expérimentation visuel fort intéressant.

D’où cette idée de dossier, une blague lancée dans la réaction devenue petit à petit projet tout à fait sérieux. En effet, les dix films listés dans cet article s’approprient à leur manière l’horizontalité et la vitesse du moyen de transport. Embarquez avec nous dans dix trajets cinématographiques qui font voir du pays. Et n’oubliez pas de composter.

 

Forcément, certains sont restés à quai

 

Le Mécano de la GENERAL

Sortie : 1927 – Durée : 1h15

 

Le Mécano de la General : photo, Buster KeatonMettre des bâtons sur les rails

 

Ça raconte quoi ? Lorsque la guerre de Sécession éclate, Johnnie a deux amours : son train, la “General”, et Annabelle Lee. Mais quand la locomotive est volée par des espions de l’Union, et qu’Annabelle est kidnappée au passage, Johnnie se lance dans une dangereuse course-poursuite.

Pourquoi on le regarde avec entrain ? Parce que c’est tout bonnement l’un des films les plus importants de l’histoire. En tant qu’art technique dédié au mouvement, il n’est pas étonnant que le cinéma se soit dès ses débuts passionné pour les machines et les moyens de locomotion. Le train devient avec Le Mécano de la General un puissant décor de cinéma, mais aussi un personnage à part entière, vivant et respirant de plan en plan, en étant lancé à pleine vitesse dans des cadres qui subliment en permanence ce sens du mouvement.

 

Le Mécano de la General : photoLe défi ultime de Tom Cruise : faire mieux que cette scène

 

Buster Keaton en profite pour réaliser sur ce chemin tout tracé certaines de ses meilleures cascades, surtout lorsque le train s’approche inexorablement de la caméra pour nous montrer une suite de causes et d’effets palpitants. L’ambition démesurée de l’acteur l’a d’ailleurs amenée à réaliser ce qui était pour l’époque la scène la plus chère de l’histoire lors de l’explosion d’un pont. Souvent copiée, rarement égalée (Tom Cruise semble vouloir lui rendre hommage dans Mission : Impossible 7), cette séquence est à elle seule un pur bijou de composition, de pyrotechnie, et de magie de cinéma dans tout ce qu’il y a de plus brut.

Mais tout cela serait finalement abscons sans le génie narratif de Keaton, qui déploie chacun de ses rebondissements dans un récit parfait, qui reprend déjà sans le savoir le modèle du monomythe campbellien. En partant à l’aventure vers un point B, le héros ne peut que chercher à retourner au point A, tout en étant profondément transformé durant le trajet. Si Le Mécano de la General le fait mieux que personne, c’est justement grâce à son train, qui symbolise l’évolution de son protagoniste par la beauté de la machine et de la vitesse. Incontournable.

Le Train

Sortie : 1964 – Durée : 2h13

 

Le Train : photoLe rail de trop

 

Ça raconte quoi ? Alors que l’armée allemande semble sur le point de perdre le territoire Français, un colonel décide de charger un train de quantité d’oeuvres d’art de grande valeur, et de l’expédier en Allemagne. La résistance ne l’entend pas de cette oreille et décide de tout tenter pour empêcher le chargement d’arriver à bonne destination… sans l’endommager.

Pourquoi on le regarde avec entrain ? Si vous ne connaissez pas John Frankenheimer, sachez simplement qu’il s’agit d’un des plus virtuoses techniciens de l’histoire du 7e Art. Certes, la technique ne fait pas tout, mais quand il s’agit d’emballer un film de guerre se déroulant en grande partie à l’intérieur d’un train, confier l’entreprise à un artiste doté d’un solide bagage technique peut s’avérer salutaire. C’est sans doute ce que s’est dit la star Burt Lancaster, quand il fait congédier Arthur Penn pour confier Le Train à celui qui l’emmènera finalement à bon port.

 

Le Train : photo, I Michel Simon, Burt LancasterQuand le wagon-bar est fermé

 

Et il a bien fait, tant le résultat s’avère d’une technicité ahurissante. Perfectionniste en diable, le metteur en scène va pousser son amour des plans-séquences jusqu’aux limites de ce que lui permet la technologie d’alors, tant devant que derrière la caméra. Le résultat ? Plusieurs plans-séquences étourdissants, tantôt incroyablement spectaculaires, fréquemment angoissants… et presque toujours accomplis sans l’aide de cascadeurs. Difficile de détourner ses yeux de l’écran, tant l’intensité du récit qui se déroule sous nos yeux est indiscutable.

D’autant plus que Frankenheimer n’est pas un narrateur amateur de coquetteries ou d’artifices inutiles. Il veille au contraire à la tenue de ses effets, et chaque morceau de bravoure, tout comme les scènes plus “calmes” frappent par l’intelligence cristalline du découpage. Ajoutons que ce festival narratif et visuel est porté par un casting international de très haute volée, où se croisent Lancaster, Jeanne Moreau, Suzanne Flon, mais également des géants de la trempe de Michel Simon. Le tout constituant un des sommets du cinéma d’action.

Super Express 109

Sortie : 1975 – Durée : 2h32 en version originale

 

Super Express 109 : photoDES EXPLOSIOOOOOOOONS

 

Ça raconte quoi ? Le train Express 109 est un véritable concentré de technologies, pourtant bien en peine lorsqu’une bande de criminels en galère y installe une bombe qui n’explosera qu’une fois la vitesse de l’engin inférieure à 80 km/h. Les conducteurs, les techniciens et la police doivent donc se coordonner pour satisfaire la demande de rançon ou désamorcer les explosifs.

Pourquoi on le regarde avec entrain ? Le hasard fait bien les choses (à moins que…) : Carlotta vient de ressortir en grande pompe un classique du film catastrophe japonais, pour la première fois dans sa version (très) longue originale en France, parfois connu sous le titre… The Bullet Train. Vous n’y trouverez cependant pas le second degré de David Leitch, Kotaro Isaka et Zak Olkewicz : Super Express 109 va bien plus loin que son postulat de divertissement bêta, repris à la lettre par Speed des années plus tard, pour faire un très bon usage de son train lancé à pleine vitesse.

 

Super Express 109 : photo“Et si je faisais exploser cette jolie maquette ?”

 

L’express devient peu à peu un symbole de la course à la technologie japonaise et les pauvres hères qui y planquent une bombe deviennent les représentants de ceux à qui ce progrès de façade ne profite pas. En effet, le film s’attarde presque autant sur les agents qui s’efforcent de résoudre le problème que sur les criminels en question, dressant en filigrane le portrait d’autorités japonaises peu soucieuses des populations plus modestes, qui finissent par réclamer leur du (la rançon est le prix du train) par la force. La cerise sur le gâteau ironique étant que les systèmes censés assister cette matérialisation du progrès finissent par l’handicaper.

De son côté, la police ne peut s’empêcher de jouer avec la vie des passagers pour éviter de payer, occasionnant en prime quelques très bons moments de suspens, qui reposent moins sur des maquettes que prévu. On relève notamment une scène d’aiguillage assez spectaculaire et très maligne dans sa construction, ainsi qu’un climax maîtrisé. Les “Bullet train” japonais sont décidément de bonnes sources d’inspiration.

Runaway Train

Sortie : 1985 – Durée : 1h51

 

Runaway Train : photoLe premier transperceneige

 

Ça raconte quoi ? Un criminel endurci s’échappe d’une prison de haute sécurité. Il est vite rejoint par une tête brûlée. En cavale, les deux fugitifs se réfugient dans un train. Manque de bol : le conducteur fait un arrêt cardiaque et les abandonne sur cet engin infernal qui prend de plus en plus de vitesse.

Pourquoi on le regarde avec entrain ? Drôle de carrière que celle de Andrei Konchalovsky, capable de réaliser des drames au style ultra-réaliste (Le Bonheur d’Assia) et des séries B mégalos destinées au grand public américain (Tango et Cash). À mi-chemin de ces deux approches, il y a le train de Runaway Train, qu’on devine être un outil pour orchestrer un formidable film d’action (ce qu’il est sur la fin), mais qui se révèle être en substance le décor parfait pour une fuite plus intimiste que prévu.

 

Runaway Train : photoEn route vers le wagon-bar

 

Gagnant en vitesse, il expose progressivement les angoisses de ses personnages, forcés de revoir leurs priorités, coincées dans une locomotive qui les rapproche d’une mort certaine. Une idée à rebours des codes du cinéma américain, qui voudraient découvrir la part d’héroïsme qui se cache en eux. Mais les rails enneigés et incertains de Runaway Train n’emmènent pas forcément vers la rédemption, du moins pas dans le sens hollywoodien du terme.

Et c’est lors du déchirant climax que le choix du train comme moteur de l’action prend tout son sens. Chez Konchalovsky, les wagons sont autant de trajectoires soudées, qu’elles le veuillent ou non, vouées tôt ou tard à se séparer. Le cinéaste use de son moyen de transport comme d’un scalpel pour arracher une once d’humanité de ses anti-héros cyniques. Comme quoi, toutes les productions Cannon ne méritent pas qu’on se moque d’elles.

Train de vie

Sortie : 1998 – Durée : 1h43

 

Train de vie : photo, Rufus, Lionel AbelanskiDe l’importance de bien composter son billet

 

Ça raconte quoi ? En 1941, un petit village juif a vent des projets génocidaires des nazis. Pour survivre, la communauté décide de construire un faux train de déportation, où une moitié des habitants se grimera en officiers allemands, et la seconde en victimes du IIIe Reich. Tous embarquent pour une folle traversée de l’Europe, dans le but de rejoindre la Palestine.

Pourquoi on le regarde avec entrain ? Tout d’abord parce que Train de vie est une rareté, tombée dans l’oubli en dépit de sa sélection à la Mostra de Venise 1998 et d’un accueil public ahuri, mais positif. Peu de spectateurs se souviennent de cette perle, qui manie la folie, l’absurdité et l’humour noir avec une forme d’audace absolument démente. La surprise est d’autant plus grande qu’on doit le film à Radu Mihaileanu. En effet, le cinéaste derrière Le Concert, L’Histoire de l’amour ou La Source des femmes n’a plus pris de risque ou étonné depuis bien longtemps, devenu le chantre d’un cinéma humaniste bien dans les clous.

 

Train de vie : photoUn casting qui charbonne

 

Ici, en revanche, le goût du risque, le grand écart entre mauvais goût, danger de sombrer dans une provocation vaine et la réussite inattendue de l’ensemble surprennent à chaque scène. D’autant plus que ses comédiens, dont l’essentiel s’illustrera dans de grosses comédies françaises souvent fines comme des missiles sol/air, trouvent ici un ton juste. Le tout parvient même à impressionner, grâce à un soin réel en matière de reconstitution, tant son authentique locomotive accroche le regard, et nous propulse dans quantité de motifs de notre culture populaire. Jonglant avec toutes ces influences, le film est une curiosité à redécouvrir d’urgence.

Le Pôle Express

Sortie 2004 – Durée 1h40

 

Le Pôle Express : photoOn ne suit pas les étrangers en plein milieu de la nuit, sauf si c’est Tom Hanks

 

Ça raconte quoi ? Un petit garçon qui a de sérieux doutes sur l’existence du Père Noël et s’apprête à ne plus y croire voit passer la veille de Noël le Pôle Express, un mystérieux train qui vient le chercher pour l’emmener au Pôle Nord à la rencontre du Père Noël. À bord, il rencontre une petite fille et deux autres petits garçons qui vont tous apprendre de leurs qualités et de leurs défauts respectifs avant de rentrer chez eux et d’ouvrir leurs précieux cadeaux au réveil. 

Pourquoi on le regarde avec entrain ? Parce que Le Pôle Express est un classique de Noël réconfortant qui sent le chocolat chaud et la guimauve. C’est “la magie et l’esprit de Noël”  qui entend réenchanter un enfant perdu entre deux âges en exaltant son imaginaire et en réveillant le nôtre au passage. Même si le film ne réinvente rien concernant le mythe du Père Noël, il s’embarque dans une aventure à mi-chemin entre le rêve et la réalité avec une sincérité touchante et beaucoup de générosité, plus particulièrement une fois arrivé au Pôle Nord.

 

Le Pôle Express : photoIrrésistible avec la musique d’Alan Silvestri en fond

 

Dans Le Pôle Express, le train n’est pas plus un moyen de locomotion qu’une symbolique autour de la croyance, comme le moyen d’atteindre ses rêves et d’aller de l’avant. Mais au-delà de sa poésie, le long-métrage a surtout été le terrain d’expérimentation de Robert Zemeckis. Même si les effets n’ont pas forcément bien vieilli (le visage des enfants peut faire peur aujourd’hui) il s’agit du premier film d’animation entièrement réalisé en motion capture. Ce procédé auquel le réalisateur a consacré une partie de sa carrière a permis à Tom Hanks de jouer plusieurs rôles très différents, du personnage principal anonyme au Père Noël en passant par le contrôleur et poinçonneur bienveillant.

Cette duplicité renforce un peu plus l’idée que cette période de fêtes est faite pour nous rappeler à nos souvenirs d’enfance, nous replonger dans l’innocence et l’émerveillement. Là encore, c’est du sous-texte facile et un peu mièvre, mais s’il y a un moment dans l’année où il faut être mièvre et pas aigri, c’est bien à Noël.

À bord du Darjeeling Limited

Sortie 2007 – Durée 1h31

 

À bord du Darjeeling Limited : Photo Jason Schwartzman, Adrien Brody, Owen WilsonDéfaite de famille 

 

Ça raconte quoi ? Depuis la mort de leur père, Francis, Peter et Jack Whitman se sont perdus de vue. Ils décident donc de faire un grand voyage en train à travers l’Inde afin de renouer les liens d’autrefois. Cette quête spirituelle n’est cependant pas sans repos puisqu’ils se retrouvent perdus au milieu du désert avec leur dizaine de valises sur les bras et autant de reproches, remords et regrets. 

Pourquoi on le regarde avec entrain ? Wes Anderson est un adepte des décors de maisons de poupées avec des environnements compartimentés et des espaces le plus souvent exigus. Raconter une histoire à bord d’un train semblait donc être une suite logique et naturelle après l’hôtel de La famille Tenenbaum ou le bateau de La vie aquatique.

Sans chercher à être subtile ou à lisser les métaphores qu’on retrouve généralement dans les “rail movies”, Wes Anderson fait dérailler son train pour mieux confronter sa fratrie et mieux la faire remonter à bord plus tard. Elle est alors délestée de ces encombrants bagages qui leur servaient d’enclume et les empêchait au sens propre comme au figuré de “prendre le train en marche”. 

 

À bord du Darjeeling Limited : photo, Jason Schwartzman, Adrien Brody, Owen WilsonTarif réduit avec la carte Grand Voyageur

 

Pour réconcilier ces trois frères belliqueux en mal de repères (et de père tout court), Wes Anderson les force à coexister dans un même cadre resserré – souvent de façon chaotique d’ailleurs –, mais aussi à rester au plus proche les uns des autres et à avancer dans une direction commune même si la destination est des plus incertaines. À bord du Darjeeling Limited est donc un film empli de mélancolie, d’émotion et évidemment de style.

Comme à son habitude, Wes Anderson a entièrement repensé l’esthétique des wagons (qui ne sont pas des maquettes), mais a aussi dû composer avec les problématiques du chemin de fer indien : détours imprévus, panne de courant et obligation de ne rien faire dépasser du train à cause des poteaux électriques. Autant d’aléas et contraintes qui ont finalement enrichi le film et son sous-texte sur l’imprévisibilité de la vie et le contrôle qu’on peut ou non y exercer.

Unstoppable 

Sortie : 2010 – Durée : 1h38

 

Unstoppable : photoMan on Fire

 

Ça raconte quoi ? Un conducteur de train proche de la retraite et un jeune ingénieur tentent de stopper un train lancé à pleine vitesse. Problème, celui-ci transporte des produits chimiques, et risque de dérailler au milieu d’une ville peuplée par des milliers d’habitants.

Pourquoi on le regarde avec entrain ? En plus d’être le chant du cygne de Tony ScottUnstoppable est peut-être le meilleur concentré des expérimentations de cinéma de sa fin de carrière. Travail sur la surexposition, sur le nombre d’images par secondes, et sur l’énergie cinétique d’un montage explosif ; tout est pensé vers un éclatement de l’espace-temps, comme si le septième art emplissait un espace sensitif total.

 

Unstoppable : photoTrain-train quotidien

 

Poussées dans leurs retranchements, ces idées font du film une véritable toile d’araignée de tension, raccordant ses plans et ses scènes entre plusieurs chaînes de commande (nos protagonistes, les responsables des lignes de chemin de fer, les services de sécurité). S’il se passionne pour le mouvement de son train déchaîné, Scott est tout aussi intéressé par un autre mouvement, plus heurté, de hiérarchies qui s’entrechoquent, au point que l’indécision engendre des dangers toujours plus grands.

Véritable ode aux héros du quotidien, Scott semble avoir réalisé avec Unstoppable un grand film ouvrier, porté par le charme de Denzel Washington et de Chris Pine. Les deux personnages deviennent les seuls remparts d’une catastrophe naturelle manufacturée. À la manière d’un ouragan ou d’un tsunami, le train se transforme en véritable monstre de cinéma, en force inarrêtable propulsée par la cinégénie d’une mise en scène toujours plus expérimentale. C’est le mouvement qui relie les images de cinéma, qui leur donne une direction et un sens. Tony Scott ne l’avait que trop bien compris en empilant violemment les siennes comme dans un seul geste continu. Pas étonnant que de grands cinéastes comme Christopher Nolan ou Quentin Tarantino y voient un bijou de suspense sous-estimé.

Snowpiercer

Sortie : 2013 – Durée : 2h06

 

Snowpiercer : Le Transperceneige : photo, Chris EvansLa gare du Nord à l’heure de pointe

 

Ça raconte quoi ? Alors que la Terre est revenue à l’ère glaciaire, les derniers humains survivent dans un train régi par des lois strictes et inégalitaires. Coup de chance, Captain America est là pour lancer une révolution.

Pourquoi on le regarde avec entrain ? Comme on le dit depuis le début de ce dossier, le fonctionnement linéaire des trains passionne les réalisateurs qui y trouvent la traduction la plus pure d’un “geste de cinéma”. Mais peu ont exploré cette donnée aussi explicitement que Bong Joon-ho avec Snowpiercer. En se réappropriant la BD Le Transperceneige, le cinéaste sud-coréen tisse une fable de science-fiction inventive et passionnante sur la lutte des classes, où chaque wagon devient son propre microcosme.

 

Snowpiercer, le Transperceneige : Photo Tilda SwintonCasting de rêve

 

Au-delà du plaisir de cette découverte sans cesse renouvelée, le film fonctionne sur une accumulation de mouvements enchevêtrés : celui du train et celui de ses personnages au sein du train, cherchant à atteindre la locomotive. Bong Joon-ho s’amuse d’une mise en scène très latérale, qui fonctionne sur des allers-retours permanents du cadre entre la gauche et la droite, entre l’avant et l’arrière.

Sans vouloir divulgâcher les meilleures idées du film, disons juste que Snowpiercer transforme la quête de son protagoniste (génial Chris Evans) en chemin de croix perverti. Faut-il vraiment continuer à aller de l’avant coûte que coûte, quitte à se perdre en chemin ? Voilà le choix cornélien que le cinéaste ne cesse d’illustrer, faisant de son décor unique une merveilleuse allégorie d’un parcours héroïque… qui doit apprendre à sortir des rails.

Dernier Train pour Busan

Sortie : 2016 – Durée : 1h58

 

Dernier train pour BusanEncore un voyage SNCF qui tourne mal

 

Ça raconte quoi ? Un père et sa fille embarquent dans un train en direction de Busan, au moment où les autorités expliquent qu’un virus se répand en Corée du Sud et transforme les infectés en… zombies. Par chance, Busan est la seule ville en sécurité. Par malheur, des infectés sont à bord du train et les passagers vont devoir survivre jusqu’à leur destination.

Pourquoi on le regarde avec entrain ? Parce qu’on adore les films de zombies et que le genre semblait perdre en inventivité depuis quelques années, entre l’interminable The Walking Dead et l’immense désillusion de World War Z. Et sans surprise, quand Hollywood n’est plus inspiré, le cinéma coréen vient apporter un vent de fraicheur bienvenu et tonitruant, à l’image de ce Dernier train pour Busan. En reprenant quelques bonnes idées du film avec Brad Pitt, notamment la masse zombiesque, en réussissant à la mettre mieux en valeur avec des millions de dollars en moins, le long-métrage de Yeon Sang-Ho est une petite pépite qui a relancé le genre avec originalité et panache.

 

Dernier train pour Busan : PhotoÇa court partout, tout le temps

 

Mais ici, ce qui nous intéresse essentiellement, c’est que le récit se passe à 75% (au moins) à bord d’un train. Une idée un peu casse-gueule à première vue pour capter l’ampleur d’une pandémie zombiesque puisqu’en effet, difficile de déployer l’envergure d’une telle catastrophe à bord d’un véhicule aussi étriqué. C’était sans compter la maestria du cinéaste coréen qui vient justement contrer cette difficulté grâce à une intelligence scénique complètement folle.

Un peu à l’image du Snowpiercer de Bong Joon-ho, dont l’influence a forcément été importante, Yeon Sang-ho s’amuse à utiliser tous les recoins de son train pour mieux en faire un véritable personnage du récit. En explorant quantités de possibilités, en avançant de wagon en wagon, en jouant avec les lumières et les sons et évidemment le destin de ses nombreux personnages, Dernier train pour Busan s’efforce à éviter les chemins balisés et à muter en permanence.

Le voyage en train impressionne alors autant qu’il passionne, jonglant entre le pur film d’horreur zombiesque, le grand spectacle ludique et le drame familial émouvant, pour magnifier son quasi-huis clos à très grande vitesse, délirant et exaltant.

Bonus : L’arrivée d’un train en gare de La Ciotat

Sortie : 1896 – Durée : 1 minute

 

L'arrivée d'un train en gare de La Ciotat : photoMoney shot

 

Ça raconte quoi ? C’est un train qui arrive en gare de La Ciotat.

Pourquoi on le regarde avec entrain ? Certes, le scénario est prévisible, l’action pas exactement au rendez-vous, les effets spéciaux aux abonnés absents et le montage tout bonnement inexistant, mais blague à part, n’est-il pas passionnant que les quelques secondes de pellicule que l’Histoire a consacrée (un peu à tort) genèse du cinéma de divertissement représentent justement le mouvement d’un train, qui s’en va titiller le hors-champ à la plus grande surprise des spectateurs de l’époque ? Vous avez quatre heures.

Le train, c’est spectaculaire, confortable, à peu près écolo et ça fait d’excellents films. Alors les voitures volantes peuvent rester au garage. On ne lâchera pas notre carte Kiwi.

Snowpiercer, Unstoppable… avant Bullet Train, les 10 meilleurs films de train