A la Mostra de Venise, Paul Schrader présente son dernier joyau, « Master Gardener »

Alors que la Mostra de Venise négociait le tournant du premier week-end, un Lion d’or bien mérité a été remis, samedi 3 septembre, pour l’ensemble de sa carrière au scénariste et réalisateur américain Paul Schrader, 76 ans, l’un des derniers francs-tireurs du Hollywood des années 1970, dont l’œuvre explore les méandres de l’âme humaine. A l’issue de la cérémonie tenue dans la vaste Sala Grande fut également présenté, hors compétition, son dernier et vingt-troisième long-métrage, un film de vieux maître au sommet de son art, sans aucun doute le plus bel objet vu à ce stade des festivités, toutes sections confondues.

Après les deux précédentes livraisons sur l’obsession de la repentance, Master Gardener vient clore un triptyque s’inscrivant dans la lignée du Journal d’un curé de campagne (1951), de son maître Robert Bresson.

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A l’instar du pasteur calviniste de Sur le chemin de la rédemption (2017) et du joueur de poker de The Card Counter (2021), ce dernier film prend pour centre un personnage volontairement absorbé par une routine, afin d’étouffer la brûlure encore vive d’un passé maudit, qui reflue par bribes.

Narvel Roth (Joel Edgerton), chef horticulteur d’un vaste domaine privé, entretient pour sa propriétaire, la riche Mrs Haverhill (Sigourney Weaver), organisatrice de galas de charité, les somptueux jardins fleuris qui font sa réputation. Le soin méticuleux qu’il y met contient le germe d’un rachat. Ancien détenu en conditionnelle, le jardinier traîne en effet un passif d’homme de main pour une milice néonazie façon Proud Boys, dont il conserve sur le corps la trace honteuse : des croix gammées et autres symboles tatoués sur le torse et le dos. La maîtresse de maison, avec laquelle il entretient une relation sexuelle très codifiée, lui confie en apprentissage sa petite-nièce métisse, Maya (Quintessa Swindell), une jeune femme à la dérive. La nièce et le jardinier tombent amoureux, non sans que la rue et ses pentes glissantes ne se rappellent à eux, précipitant l’heure des choix.

Motifs élémentaires de la rédemption

La simplicité, ici, est essentielle : une poignée de personnages, quelques décors, les motifs élémentaires de rédemption que Paul Schrader remet inlassablement sur le métier, mais chaque choix de mise en scène compte, chaque geste, chaque coupe, chaque regard contribue à mener le drame à destination.

La pratique du jardinage, cet art de faire pousser les fleurs (qui occasionne un très beau générique sous forme de bouquet en éclosion), est prise très au sérieux par le cinéaste : la façon dont son héros la vit est de l’ordre de la discipline, c’est-à-dire une matière d’apprentissage et d’éthique, un rapport au monde sobre et transcendantal. « Le jardinage est une profession de foi en l’avenir », énonce-t-il, rédigeant son journal, à l’instar des récents héros de Schrader, qui font ainsi leur examen de conscience. Dans un très beau passage, il invite sa jeune disciple à humer la terre en plongeant tout son visage dedans : expérience sensuelle de la réalité sans quoi la spiritualité ne connaît pas d’assise.

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