Ariane et Bacchus de Marin Marais renaît au Théâtre des Champs

Ariane et Bacchus, opéra de Marin Marais renaît dans le cadre du dispositif de « résidence croisée » avec le Centre de musique baroque de Versailles, le Théâtre des Champs-Élysées et Le Concert Spirituel dirigé par Hervé Niquet et rejoint par une brochette de chanteurs aguerris.

La présentation d’Ariane et Bacchus de Marin Marais au Théâtre des Champs-Élysées fait suite au travail minutieux du Centre de musique baroque de Versailles de restitution de la partition et de l’édition critique de celle-ci grâce à une collaboration internationale (France, Brésil et Royaume-Uni). Hervé Niquet, fort de son engagement de chercheur, s’inscrit dans cette volonté de délivrer une interprétation « historiquement informée, respectueuse des sources et des connaissances acquises par la musicologie depuis plus d’un demi siècle ». Le public découvre ainsi en version de concert cette œuvre si peu connue, l’une des quatre tragédies lyriques du maître de la viole de gambe, dont de larges extraits avaient été présentés au CRR de Paris en 2021 sous la houlette de Stéphane Fuget. Le concert sera suivi d’un enregistrement pour le label Alpha classics. 

Ariane et Bacchus se situe dans la veine des tragédies de Lully que Marin Marais connaissait parfaitement de par sa position de gambiste dans le « petit chœur » (continuo) de l’orchestre de l’Opéra. En y ajoutant sa touche personnelle, la musique apparaît aussi importante que le théâtre, et la danse occupe une place conséquente donnant lieu à des pages orchestrales développées magnifiées par l’ensemble instrumental du Concert Spirituel. Toujours dans l’esprit de reconstitution précise, l’effectif orchestral reprend celui de l’Opéra de Paris dans les années 1690 avec un nombre important d’instruments à vent (4 hautbois, 3 bassons, 6 flûtes douces) placés en avant de scène. Les cordes graves abondent, et des percussions accompagnent quelques danses caractéristiques selon un instrumentarium précis. 

Le livret reprend l’épisode d’Ariane abandonnée par Thésée et recueillie par Bacchus, hérité des Métamorphoses d’Ovide. Cette histoire d’amour entre les Dieux offre des situations dramatiques contrastées, portées par la musique inventive du maître enchaînant récits, airs, duos, chœurs et pages orchestrales. Cependant le grandiose de la tragédie est amoindri, la profusion de personnages (vingt-huit au total) réduisant la possibilité de développement psychologique de chacun. 

Onze chanteurs se partagent la distribution. Certains doivent interpréter jusqu’à quatre personnages (voire même six), ce qui peut rendre difficile la compréhension de l’intrigue en l’absence de mise en scène. Cependant le public reste captivé grâce à l’attention de tous aux appuis de la langue et à l’ornementation précise, rendant le texte parfaitement intelligible.

La soprano Judith van Wanroij et le ténor Mathias Vidal abordent les rôles titres dans un engagement quasi opposé. La première délivre les plaintes d’Ariane de sa voix délicatement vibrée dans une suavité languide touchante, langueur qu’elle ne quitte cependant pas, même lorsqu’elle exprime sa colère d’avoir été abandonnée par Thésée ou trompée par Bacchus. Le second interprète un Bacchus fougueux, dans une énergie de chaque instant et fortement projetée vocalement. L’engagement est physique, accompagné de gestes nerveux expressifs et chaque mot est chargé d’émotion, tant et si bien que se dégage une agitation et un certain maniérisme.

La soprano Véronique Gens apparaît en robe sombre lorsqu’elle interprète la Nymphe de la Seine du prologue, la troquant pour une rouge aussi éclatante que son désir de vengeance lorsqu’elle incarne Junon, la voix suivant ces couleurs et caractères. Hélène Carpentier prête sa voix de soprano au rôle de Dircée dans une expressivité touchante. Sa ligne vocale s’épanouit dans une projection vibrante lorsqu’elle découvre qu’Adraste lui préfère Ariane. Marie Perbost réjouit dans le rôle de Corcine, la suivante d’Ariane qu’elle interprète avec une joie lumineuse à l’égal de sa voix de soprano et dans une théâtralité heureuse. 

La prestation du baryton David Witczak en Adraste gagne en assurance au fur et à mesure du concert. Quelque peu en retrait, sa voix se perdant dans le grave de la tessiture, son art déclamatoire s’intensifie pour finalement dévoiler une belle présence vocale et dramatique. Dans une cohésion de phrasé et de timbre, il harmonise sa voix à celle du magicien Géralde interprété par le baryton-basse Matthieu Lécroart. Le charme opère grâce à son art déclamatoire et à son timbre riche et concentré. 

Tomislav Lavoie possède le registre de basse idoine pour le rôle du roi, une projection altière et un timbre richement coloré. Il est cependant moins éloquent dans le rôle du Sacrificateur, peinant à émettre les notes dans l’extrême grave. Le timbre bien défini et concentré offre au baryton Philippe Estèphe une présence précise dans tous ses rôles abordés, avec un calme teinté d’une simplicité touchante et une présence distinguée. 

Marine Lafdal-Franc sort des rangs du chœur pour chanter l’Amour d’une voix précise et franche tandis que David Tricou interprète un Plaisir clair et lumineux accompagné cependant parfois d’une certaine tension. 

Hervé Niquet appose sa signature à cette œuvre révélée en adoptant des tempi rapides et des enchaînements sans temps mort que les instrumentistes soutiennent avec une dextérité impressionnante. Le Chœur du Concert Spirituel associé aux Chantres du Centre de Musique Baroque de Versailles préparés par Fabien Armengaud participent à la fête avec vivacité et précision. 

La joie des spectateurs se fait vite entendre, acclamant les artistes et savourant les facéties du chef. Ce dernier, après avoir fait saluer ses troupes, se poste au milieu d’eux pour recevoir l’ovation finale. 



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