Test de The Chant

The Chant arrive dans un contexte de fin d’année où les jeux se bousculent. Mais cette période est pour le moins particulière, puisqu’elle est marquée par le retour de grosses franchises telles que God of War, Sonic ou encore Bayonetta, qui ont un «poids historique» certain à faire valoir. C’est donc à travers de tels mastodontes que ce titre horrifique, que l’on doit à Brass Token, s’amène pour essayer de se faire une place… et c’est bien compliqué d’en avoir une idée bien tranchée. Il y a certes quelques maladresses, plusieurs défauts, néanmoins, sans être mémorable, l’aventure se laisse jouer aisément et accomplit assez bien l’objectif qu’un survival est censé atteindre.

Vers une quête de purification

L’histoire que nous narre The Chant peut avant tout être considérée comme un prétexte servant simplement à enrober le périple qui attend les joueurs. De fait, elle n’est en aucun cas mémorable et est entourée de quelques maladresses. Les personnages manquent de profondeur et quelques situations apparaissent comme véritablement forcées, ou un peu trop faciles. On vous raconte tout cela.

Tout d’abord, lorsque le jeu s’ouvre, on nous dépeint d’emblée l’ambiance qui nous attend plus ou moins. On est ainsi projeté vers les années 70 et, plus précisément, dans la peau d’une jeune femme enceinte qui prend part à un certain cérémonial sectaire. Cependant, on le voit, elle doute et ne semble pas vraiment enthousiaste. Ceci étant, elle décide abruptement de fuir ce curieux spectacle. Et la voilà qui doit s’échapper des griffes d’une foule en furie désireuse de mettre la main sur la fugitive qui s’en est allée avec un précieux objet entre ses mains.

Cela représente les bases de notre scénario, la source (à ce qu’il semble) de toutes les bizarreries contre lesquelles le joueur devra lutter pour essayer de maintenir son héroïne en vie. On retrouvera en effet bien vite cette dernière après la séquence introductive susmentionnée. Il s’agit de Jess, qui se présente à nous dans un état d’angoisse profond. En effet, alors qu’elle est en plein footing, une vision l’interpelle, celle d’un cadavre flottant sur une étendue d’eau. Logiquement, elle panique et plonge dans cet état de prostration évoqué plus haut. Seulement, rien de tout cela n’est réel, et ce qu’elle voit n’est rien d’autre que le fruit de son imagination, ou plutôt l’expression d’une blessure profonde qui trouve sa source dans un événement vécu dans sa jeunesse. C’est ce stress qui va la conduire à entamer une retraite spirituelle sur l’île de la Gloire, au sein même d’une petite communauté où se trouve déjà son amie. Et, évidemment, il n’y a pas vraiment de surprise, les événements prendront une tournure macabre. Jess, qui pensait se débarrasser de sa négativité, se retrouve alors happée dans quelque chose qui la dépasse. Des créatures viendront envahir l’île après qu’un chant spirituel a tourné au désavantage de la petite communauté.

“Un bouleversement peu tangible”

C’est donc bien convenu. Mais bon, ce n’est pas vraiment de cela dont on se formalisera. Non, c’est la narration et la mise en scène qui possèdent quelques lacunes, ou plutôt maladresses, qui alourdissent le jeu. Il y a en effet de fortes chances que le joueur reste véritablement perplexe par ce qu’on lui sert, notamment du côté de l’écriture des personnages, lesquels dévoilent leurs cicatrices intérieures au fur et à mesure de l’aventure. À vrai dire, l’intention est louable, mais l’exécution est vraiment passable. Pour cause, cette découverte ne nous permet absolument pas de les apprécier. En fait, on reste indifférents, à cause d’un traitement trop léger. Et cela est vraiment préjudiciable. Car le jeu compte justement sur cette donnée, il veut avoir une portée psychologique, en montrant notamment que tous les événements que Jess vit (ainsi que les autres) ont un effet sur sa psyché, que tout cela l’éprouve grandement. Or, on ne peut que difficilement y croire, puisque les émotions ne parviennent jusqu’à nous que bien laborieusement, d’autant que tout notre petit casting est malheureusement servi par une modélisation des visages très approximative. Au contraire, plutôt que d’aller vers la terreur, les expressions tirent davantage du côté d’un air ahuri.

Outre cela, il convient aussi d’évoquer la structure narrative de The Chant, qui peut être qualifiée de répétitive. En gros, on peut la découper en trois actes, qui prennent leur démarrage au campement. Et chacune de ses parties est centrée sur un personnage: soit on est sur ses traces, dans le but de le retrouver, soit on l’accompagne pour l’aider à accomplir un certain acte, quelque part sur l’île. Mais, force est de constater que cela ne gêne finalement pas tant que cela. On n’est pas ennuyé plus que de raison. Pas plus que les quelques incohérences ou facilités scénaristiques que l’on remarque ça et là.

Une ambiance digne d’insuffler de la tension?

Le jeu étant ce qu’il est, soit une production AA, on ne va pas s’attendre à des miracles sur le plan technique. C’est pourquoi, on ne peut tout logiquement pas se montrer des plus pointilleux sur le sujet et tenir grandement rigueur du problème des visages évoqué plus haut, surtout que le doublage en VO (et en VF, bien qu’il soit très légèrement inférieur) reste assez crédible et arrive à compenser un peu cette gêne. Ce dernier est en effet de qualité honnête. Ceci étant, il faut bien avouer que certains d’entre vous pourraient être déstabilisés par le résultat qu’ils voient. Du moins, cela peut être véritablement le cas lorsqu’il s’agit de cinématiques. Elles sont parfois mal exécutées et donnent l’impression de mettre en scène des acteurs piètrement doués, si l’on veut faire la comparaison avec le monde du cinéma.

“Une ambiance à la hauteur »

Néanmoins, le résultat est résolument propre. Les temps de chargement sont, par exemple, relativement courts et, artistiquement, c’est plutôt correct. The Chant se charge en effet de fournir des décors nocturnes dignes de son genre. On traversera des bois sombres, explorera mines ou encore des pièces totalement baignées de noir, qui ne pourront être éclairées que de votre simple lampe de poche. Et ce n’est pas tout, il y a également une particularité propre au jeu. Certains chemins, passages, seront, quant à eux, nimbés d’une couleur toute particulière. Il s’agit d’une espèce de champ de force appelé Obscurité (qui peut être rouge, bleu, vert…) où l’atmosphère y est assez pesante, la tension étant en partie provoquée par l’ambiance sonore, laquelle se traduit en quelque sorte par l’apport de plaintes ou de reproches provenant de nos protagonistes. Cela est particulièrement bienvenu et réussit à faire son effet.

En fait, globalement, en termes d’ambiance, le jeu s’en sort assez bien. Et, même s’il ne faut pas s’attendre à quelque chose de spécialement étouffant, il arrive malgré tout à susciter un sentiment d’inconfort (quoique très léger) et à instiller de la surprise, avec certains jumpscares notamment. Mais s’il y a bien une domaine dans lequel The Chant s’en sort à merveille, c’est du côté de la composition musicale, dont la tonalité tire vers le post-rock. D’une part, par son côté expérimental, elle nimbe quelque peu le jeu d’une aura mystérieuse, et d’autre part, elle arrive à donner une certaine allure aux affrontements majeurs que l’on sera amenés à vivre.

Un survival classique

D’ailleurs, en ce qui concerne les combats de boss, c’est plutôt bon. Ils sont, certes, peu nombreux, mais ils ont l’avantage de se distinguer les uns des autres en proposant des attaques qui leur sont propres, ainsi que des phases variées. Cependant, pour certains (ou plutôt pour un seul en particulier), lorsqu’il passe d’un état à un autre, la transition est un peu brouillonne. On ne sait de fait quelle action vraiment effectuer, sans lire les indications qui apparaissent en haut de l’écran. C’est loin d’être vraiment intuitif. Et cela peut également être le cas à d’autres moments. Un petit souci qui ne sera probablement rien pour certains joueurs, qui verront plutôt dans tout cela des vestiges des productions de l’époque.

En revanche, notre avis est différent quant à la question de la maniabilité: les mouvements effectués par Jess sont lourds, très lourds. Les esquives, qui peuvent être préférables à l’attaque frontale, ne s’effectuent qu’avec grand-peine. Ce qui ne rend pas toujours la fuite possible. Dans le cas échéant, si l’affrontement est inévitable, vous n’aurez donc pas d’autre choix que de prendre les armes, avec à l’esprit l’idée de ne pas en abuser, car il faudra constamment les renouveler. Par armes, on entendra récupérer tout ce qui nous sera mis à disposition pour se défaire des ennemis, assez variés soit-dit en passant, mais techniquement on ne peut les considérer comme armes, en tout cas pas du type de ceux que l’on pourrait attendre (couteaux, pistolets…). Non, il est plutôt question d’«outils de la nature», à base de plantes ou autres, tels qu’un «bâton de sauge» ou encore des «flacons d’huile», que l’on utilisera en frappant avec, ou en les lançant. Ce qui est d’ailleurs bien pensé. Cette proximité apporte une tension supplémentaire.

Et, il en est de même pour les objets dits de soins, qui ne se bornent pas seulement à améliorer une santé déclinante, par exemple. Car outre la jauge qui est dédiée à cette dernière, on en a également deux autres, qui, elles concernent plutôt le «mental» et la «spiritualité». Pour la première, il est important de veiller à ce qu’elle ne diminue pas trop, puisque si cela est, Jess se retrouve totalement démunie et est facilement à la portée de ses adversaires qui n’auront alors qu’à l’attraper pour mettre fin à la partie. Ce déclin, justement, peut être causé par quelques manières telles que notre traversée dans la fameuse Obscurité dont on a parlé plus haut, ou encore par certaines attaques de créatures que l’on peut défaire via un QTE. Quant à la deuxième jauge, elle est nécessaire si l’on veut utiliser les pouvoirs surnaturels que l’on acquiert en récupérant l’item qui le permet, soit un «prisme». Avoir recours à ces derniers est véritablement un point fort, néanmoins, il ne nous ont pas paru indispensable dans notre quête. On peut en effet faire sans ou se borner à n’en utiliser qu’un. On aurait bien voulu qu’il en soit autrement et qu’ils servent quelques actions.

Autre chose, on a également un arbre de compétence. En utilisant les pierres de spiritualités que l’on trouve disséminées un peu partout, on peut ainsi améliorer notre défense ou encore notre capacité de possession d’items (soin, mental…) via le menu. Cela peut être assez utile, et ça l’est en théorie. Cependant, dans les faits, c’est bien négligeable, et ce, pour une raison: la difficulté qui est loin de poser un problème. C’est en effet assez gérable. Les ennemis, on en dispose facilement – à condition de s’être fait à la lourdeur de nos mouvements, bien entendu. Le constat est vrai autant pour le mode de difficulté normal que pour le difficile.

Les idées sont donc au rendez-vous, mais la réalisation ne suit pas forcément. Cependant, même si les combats vous laissent sur votre faim, il faut savoir que ce n’est pas sur cela que compte le titre de Brass Token. Les énigmes prédominent. Toutefois, il ne faut certes pas s’attendre à des puzzles bien compliqués. Tout ce qu’il y a à faire c’est de chercher des clés, ou rétablir le courant, par exemple, ou encore placer des objets selon un ordre bien déterminé. Pas bien difficiles donc. Néanmoins, elles ont le mérite d’être, d’autant qu’elles renverront les plus nostalgiques d’entre vous directement à des codes utilisés dans les survivals les plus classiques.

“Finalement, malgré les fausses notes, The Chant pourrait probablement se trouver un public”

Alors voilà, les lacunes ne sont pas négligeables, surtout qu’à celles déjà citées, vous pourrez certainement en trouver bien d’autres, comme par exemple la réutilisation de clichés (gourou arnaqueur…) ou encore des manques de cohérence, dont celui le plus flagrant se centre sur notre héroïne Jess. Elle, qui est censée être emportée par ses peurs, fait, au contraire, preuve d’un sang froid à toute épreuve, apparaissant alors comme la seule forte tête du groupe. Ce qui a tendance à nous perdre un peu, mais pas tant que l’incertitude qui règne dans le scénario même. Le doute quant à ce à quoi l’on a affaire est sans cesse entretenu: est-ce réellement un monde fantastique qui s’est entrechoqué à la réalité? ou est-ce une hallucination collective? on n’en sait rien et on n’en saura rien. Les fins, puisqu’il y en a trois que l’on peut déterminer selon nos choix de dialogues, ne nous permettent pas de le savoir. Elles créent davantage de questions et ne sont pas sans apporter un sentiment d’incrédulité. En aucun cas, ces trois conclusions n’arrivent à convaincre.

Mais bon, au final, grâce à l’ambiance et aux phases de puzzles, le résultat est assez honnête, bien qu’assez expéditif. Il faut en effet un peu plus de 6 heures – ce qui semble correct pour ce type de jeu -, voire moins ou plus. Tout dépendra en fait de votre volonté de vous attarder ou non en vous livrant notamment à une fouille des lieux plus complète pour, entre autres, aller à la recherche des notes éparpillées çà et là, afin d’en savoir un peu plus sur le lore, mais à peine un peu plus. Car, là aussi, c’est confus.

Les plus :

  • Des énigmes assez intéressantes
  • Une atmosphère qui fonctionne
  • Un survival dans sa forme la plus classique
  • La composition musicale

Les moins :

  • Les personnages manquent de profondeur
  • Quelques clichés
  • Des expressions moyennement crédibles 
  • Une narration brouillonne
  • Une maniabilité approximative
  • Des fins assez bizarres

The Chant ne plaira sans doute pas à tout le monde. Ses défauts seront probablement trop présents pour permettre de s’impliquer dans son univers. Pourtant, même si c’est un peu léger du côté de l’ambiance horrifique, les intentions de Brass Token de fournir un survival-horror se reposant sur des bases classiques, mais solides, se font clairement ressentir. Ce qui donne finalement quelque chose d’assez honnête, particulièrement bien porté par une bande-son de qualité. Cependant, on le concède, il ne restera pas forcément longtemps dans les mémoires.

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