Star Wars : Andor

Publie le 02 janvier 2023

Avertissement : une fois n’est pas coutume sur Chronique Disney, cette critique va se permettre de divulgâcher des pans entiers de l’intrigue et des révélations amenées au cours de la saison, ceci afin de pouvoir analyser en profondeur toutes ses thématiques. Il est donc vivement conseillé d’avoir vu la série avant de lire les lignes qui suivent…

Star Wars : Andor s’impose très certainement dès sa première saison comme l’œuvre Star Wars la plus mature, la plus politique et la plus complexe de la saga créée par George Lucas. Sombre et lente, elle entend délaisser un temps les grandes figures de la franchise pour s’intéresser à la vie de gens ordinaires, aussi bien du côté des impériaux que des citoyens. Pas de Jedi, de Dark Vador ou de famille Skywalker ici. Juste des personnes lambda qui, petit à petit, décident de s’élever contre la tyrannie. La série est tout simplement parfaite, aussi bien dans son casting, son écriture, sa thématique, sa réalisation et son design : elle se hisse sans conteste dans ce que Lucasfilm, Ltd. a fait de mieux depuis son rachat par The Walt Disney Company, se plaçant avec fierté à côté du film cinéma Rogue One : A Star Wars Story et de la saga littéraire de La Haute République.

Avec le recul, Rogue One : A Star Wars Story est considéré par de nombreux spectateurs aussi bien que par les fans de Star Wars comme le meilleur film de la franchise de l’ère Disney. Sorti le 16 décembre 2016, le long-métrage s’attache à expliciter et étoffer ce qui était jusque-là raconté avec juste quelques phrases dans le texte déroulant de Star Wars : Un Nouvel Espoir. Il narre ainsi comment l’Empire a construit dans le plus grand secret une arme redoutable, de la taille d’une petite lune, capable de détruire des planètes entières. Un groupe restreint de soldats, mené par la jeune Jyn Erso, s’organise alors pour en dérober les plans et les fournir à l’Alliance Rebelle dans l’idée d’en trouver le point faible et de stopper l’hégémonie impériale. Le premier spin-off de Star Wars est aussi bien accueilli par la critique, le public et les fans, qui en saluent tous la qualité. Et après le raz-de-marée de Star Wars : Le Réveil de la Force qui avait rapporté près de deux milliards de dollars, Rogue One : A Star Wars Story est encore un énorme succès pour la saga puisqu’il rapporte plus d’un milliard de dollars dans le monde dont 536 rien qu’aux États-Unis tandis qu’en France, il fait plus de cinq millions d’entrées.

L’un des meilleurs personnages de Rogue One : A Star Wars Story est assurément Cassian Andor, l’officier de renseignement de l’Alliance. C’est en effet à n’en point douter le personnage le plus intéressant du long-métrage ! Rempli de contradictions, il a intégré la rébellion pour de bonnes raisons, avant d’épouser, au fur et à mesure de ses missions, les méthodes de son ennemi, finissant par se convaincre que tous les moyens sont bons pour arriver à ses fins. Il est également le personnage qui évolue le plus tout au long du récit et qui va apprendre énormément au contact des autres, et en particulier de Jyn. L’acteur mexicain Diego Luna offre un charisme incroyable à Cassian Andor, signant là la plus belle performance du casting. Son duo avec K-2SO fait aussi des merveilles. Ce droïde de sécurité impériale reconfiguré par l’Alliance mais dont la reprogrammation connaît tout de même quelques ratés n’a pas sa langue dans sa poche, n’hésitant pas à dire tout haut ce qu’il pense, et ce sans détour. La rencontre entre les deux protagonistes sera d’ailleurs racontée dans un comics one-shot, Rogue One – Cassian & K-2SO : Besoin Impérieux, au récit assez lambda mais qui a le mérite d’exister.

L’ouverture le 12 novembre 2019 de Disney+, une plateforme de service de vidéo à la demande par abonnement créée par The Walt Disney Company, est un tournant aussi stratégique qu’historique pour le studio aux grandes oreilles. Actant le nouveau comportement des (télé)spectateurs qui délaissent la télévision linéaire pour un nouveau type de consommation de flux audiovisuels, Disney+ a, en effet, besoin de contenus originaux et exclusifs pour espérer attirer puis fidéliser des abonnés. Les séries à prises de vues réelles sont assurément l’un des moyens les plus à même d’offrir au public des raisons de payer le service. Poursuivant cet objectif, la plateforme puise évidemment dans des franchises en proposant des spin-off, des reboots ou des suites ; surtout que Disney a l’intention d’utiliser à fond son catalogue de franchises sans oublier de surfer sur le désir de nostalgie de son public familial. Toutes les filiales sont ainsi mises à contribution pour proposer des contenus variés. Et c’est là que l’idée des séries à prises de vues réelles de Star Wars refait surface. Parmi les séries lancées, un préquel à Rogue One : A Star Wars Story, centré sur le personnage d’Andor est rapidement annoncé.

Les prémices de Star Wars : Andor débutent courant 2018. La série est tout de suite décrite comme un thriller d’espionnage avec l’acteur Diego Luna reprenant son rôle de Cassian Andor. Étonnamment, le projet est initié par Jared Bush, travaillant pour les Walt Disney Animation Studios et notamment co-réalisateur d’Encanto, la Fantastique Famille Madrigal. Il écrit le script du pilote ainsi que la bible de la série. Néanmoins, le premier showrunner désigné est Stephen Schiff, connu pour son travail sur la série The Americans sur FX. Tony Gilroy, qui avait supervisé et réécrit les reshoots de Rogue One : A Star Wars Story, arrive, pour sa part, sur la série début 2019. Il devait dans un premier temps écrire le pilote, réaliser quelques épisodes et travailler conjointement avec Schiff. Mais le temps passant, les rôles s’inversent et Gilroy est annoncé officiellement en tant que showrunner en avril 2020. La crise sanitaire de la Covid-19 va pas mal chambouler le programme de tournage, celui-ci se déroulant principalement à Londres. À cause des différents confinements, Tony Gilroy ne peut finalement pas se charger de la réalisation d’épisodes ; elle est alors confiée respectivement à Toby Haynes (Doctor Who), à Susanna White (Nanny McPhee et le Big Bang) et à Benjamin Caron (The Crown).

Anthony Joseph Gilroy, dit Tony Gilroy, né en 1956, est principalement un scénariste américain qui a commencé sa carrière sur le script du film de patinage Le Feu sur la Glace. Il travaille ensuite sur les scenarios de films hétéroclites comme Dolores Claiborne, adaptation du roman de Stephen King, ou encore Armageddon, le film d’action de Michael Bay chez Touchstone Pictures. Il fait ses débuts en tant que réalisateur en 2007 avec Michael Clayton pour lequel il obtient de nombreuses nominations à des prix prestigieux. Il reste néanmoins principalement connu pour son travail sur la saga Jason Bourne : d’abord en tant que scénariste sur les épisodes La Mémoire dans la Peau, La Mort dans la Peau et La Vengeance dans la Peau puis en tant que scénariste et réalisateur sur le quatrième opus, Jason Bourne : L’Héritage. Il se charge alors du scénario de Rogue One : A Star Wars Story avant d’être appelé au secours en fin de projet pour peaufiner le long-métrage, et ce pour la bagatelle de cinq millions de dollars. Si la réalité des changements reste vague car il n’a jamais été crédité pour ce travail, il y aurait eu, selon les rumeurs, cinq semaines de tournage supplémentaire afin de repenser la fin, retravailler l’histoire et refaçonner un tiers de l’opus. Il est donc naturellement appelé pour écrire la série préquelle du spin-off Star Wars.

Il y aura des jours où la lutte semblera vouée à l’échec. Je le sais déjà.

On se sentira seuls, perdus, tout petits face à un ennemi gigantesque.

Mais rappelez-vous une chose : la liberté est une idée pure.

Elle vous vient spontanément. Et sans qu’on nous l’enseigne.

Des actes d’insurrection éparpillés se produisent sans cesse à travers toute la galaxie.

Il y a des armées entières, des bataillons entiers qui ne savent pas encore qu’ils sont déjà engagés pour notre cause.

Extrait du Manifeste de Karis Nemik

An 5 avant la Bataille de Yavin

Star Wars : Andor s’avère être le projet audiovisuel de la saga, film comme série, en prises de vues réelles comme en animation, qui s’éloigne le plus du ton, du rythme et de l’ambiance générale des précédentes œuvres de la saga de George Lucas. Cet état de fait explique d’ailleurs en grande partie pourquoi le grand public n’a pas accroché à cette nouvelle série malgré une critique dithyrambique de la presse et des fans de Star WarsStar Wars : Andor étonne en effet en étant incroyablement adulte, prenant son temps pour installer son univers, proposant un environnement rugueux où sous un manichéisme apparent, tout est en réalité très gris dans les couleurs mais également dans l’âme des protagonistes. Le personnage d’Andor qui donne son nom à la série est le fil conducteur du récit. Au-delà de raconter l’histoire du futur martyre de la Rébellion, son parcours permet de montrer le quotidien des petites gens de la Galaxie vivant sous le joug d’un Empire de plus en plus impitoyable. En montrant la vie de plusieurs personnages dont le destin est bouleversé, de près ou de loin, par Andor, la série aborde les prémices de la Rébellion et les sacrifices qu’elle impose. Elle permet de rentrer également dans la routine de certains impériaux au service d’un système aussi cruel qu’arbitraire.

Star Wars : Andor est construite globalement selon un schéma plutôt symétrique. Se déroulant 5 ans avant Rogue One : A Star Wars Story, il raconte les évènements sur un laps de temps d’une année dans la chronologie de la galaxie Star Wars. S’étalant sur douze épisodes de 36 à 55 minutes, il découpe son récit en quatre arcs narratifs ainsi qu’un épisode de transition en milieu de saison. Trois des quatre arcs sont découpés de la même façon. D’une longueur de trois épisodes, ils commencent par les deux premiers plutôt lents, l’un de présentation des enjeux et le second d’approfondissement des personnages. Ils se terminent alors par un troisième épisode de conclusion où l’action est omniprésente et où la tension est à son maximum. Les deux derniers épisodes sont sur le même format sauf qu’il n’y a ici qu’un épisode de présentation où tous les personnages voient leur chemin finir par se rejoindre pour le feu d’artifice final. Néanmoins, il ne faut pas se tromper. Si certains épisodes sont lents, ils n’en sont pas moins passionnants pour autant. Grâce à des dialogues extrêmement soignés où chaque mot est pesé et où chaque idée est un véritable choc qui interroge le spectateur, la série plonge dans la psyché des personnages tout en étant un miroir déformant de la réalité et de l’actualité. La force de Star Wars : Andor est souvent d’être d’une violence inouïe, non par le sang versé même s’il lui arrive de le faire – de façon très froide d’ailleurs -, mais plus par la sidération qu’implique certains postulats ou sacrifices. Que ce soit dans une prison de haute sécurité ou dans un salon feutré, le danger est partout et le malaise omniprésent. Le spectateur tremble pour les personnages car il ressent parfaitement que leur situation est terriblement précaire.

La saga Star Wars a toujours été politique dans l’intention de George Lucas, surtout la prélogie qui était une parabole évidente de la montée du nazisme. Le discours a certes été lissé dans un emballage autour du mythe du héros et du côté spirituel des Jedi mais l’essentiel était là. Star Wars : Andor va encore plus loin dans ce postulat dans le sens où elle ne s’embarrasse pas d’artefacts plus familiaux. La série est purement et entièrement politique. Elle va développer plusieurs facettes. D’abord, elle montre comment le pouvoir autoritaire influe petit à petit sur la vie de tous les jours des citoyens de l’Empire. Dans un premier temps, la population laisse faire, se laissant bercer par l’illusion de la sécurité et de la tranquillité. Puis petit à petit, un peu de liberté lui est enlevé insidieusement et sournoisement. Le pouvoir fait croire à son peuple que tant qu’il respecte les règles et les lois, il ne risque rien. Mais c’est un leurre car vient très vite l’arbitraire qui distille la peur au sein des habitants. Elle nécessite alors une répression de tous les instants qui va pousser certaines communautés à se rebeller, amenant des représailles de plus en plus violentes, ceci afin que l’autorité garde le pouvoir… jusqu’à ce qu’il craque car submergé par la colère et la contestation. La série fait ainsi rentrer les spectateurs dans l’enceinte même du centre de répression de l’Empire, le fameux BSI ou Bureau de Sécurité Impériale. Ces fonctionnaires zélés croient au bien fondé de l’Empire et font tout pour maintenir l’ordre sans aucune once de pitié pour les habitants. Leur intransigeance est à l’image de leurs locaux : derrière ses murs blancs, lisses, vides et ordonnés se cache une volonté froide, implacable et intransigeante où seule la lutte de pouvoir entre les différents membres permet une bien trop brève trêve dans la persécution de la population. Ainsi, quand le spectateur voit le fonctionnement de l’Empire, comment ne pas penser à l’actualité aussi affreuse que réelle ? Même si la série a été imagée bien avant certains tristes évènements se déroulant actuellement en Europe et dans le reste du monde, il est impossible de ne pas faire le parallèle avec des dictateurs contemporains, sans aucune once d’humanité, qui déciment des peuples entiers pour leurs simples egos.

Mais plus qu’un exposé sur les mécanismes de l’oppression, Star Wars : Andor est surtout un manifeste pour la rébellion. La série montre comment des hommes et des femmes de tous horizons, de toutes planètes et de toutes conditions sociales, se sont retrouvés à combattre l’oppresseur, de gré ou de force. Il y a bien sûr les idéalistes qui voient la notion de liberté comme le plus précieux des trésors à préserver ; il y a les politiques qui essayent d’instiller un semblant d’humanité aux lois qu’ils votent ; il y a les réalistes qui ont compris qu’ils ne pourront jamais gagner contre un système si tentaculaire et si cruel sans utiliser les méthodes de l’ennemi ; et puis il y a les survivants, ceux qui n’avaient pas fatalement envie d’épouser une cause mais qui se sont retrouvés dans l’engrenage de la Rébellion par la force des choses, soit en étant au mauvais endroit au mauvais moment, soit à force de subir l’oppression de l’Empire, ou enfin, de manière plus prosaïque et intéressée, seulement pour l’argent dans le but de pouvoir trouver une planque après un bon coup. La série est intéressante car elle installe, petit à petit, ce système d’appartenance qui deviendra plus tard l’Alliance Rebelle. Ces différents destins qui se croisent ont tous la même cause au final mais ils ne le savent pas encore. Il est surtout passionnant de constater que chacun se bat à sa manière, selon ses propres limites, physiques comme morales. Et tous s’étonnent de pouvoir faire des choses qu’ils ne s’imaginaient pas capables d’accomplir.

Le premier arc, composé des épisodes Kassa, C’est Bien Moi et Estimation, a donc pour but d’introduire la série et de creuser le personnage de Cassian Andor. Construits tous trois selon deux chronologies différentes, une dans le présent et l’autre dans le passé, ils font avancer leurs deux récits en parallèle. Il y a d’abord un flashback qui narre l’enfance d’Andor quand il était alors appelé Kassa sur la planète Kenari. Il avait une sœur qu’il a perdue de vue après avoir été secouru et adopté par Maarva qui l’a ramené sur sa planète de résidence à elle, Ferrix. N’ayant jamais pu revenir sur sa planète natale qui était devenue invivable, Cassian n’a jamais retrouvé la trace de sa sœur. Quand débute la série, il se déplace justement sur la planète industrielle de Morlana One afin de trouver des renseignements sur celle-ci. Mais un interrogatoire abusif avec les Forces Tactiques Corporatistes tourne mal et fait qu’il assassine involontairement deux gardes. Il s’ensuit une traque qui va le rendre hors-la-loi et l’obliger à rencontrer un membre important de la Rébellion, Luthen Rael. Le récit de ce premier arc prend donc vraiment son temps pour s’installer mais cette introduction poussée est nécessaire car elle est très importante pour la suite en étant le ciment de la saison. Cet arc introduit d’ailleurs la plupart des personnages, notamment ceux de Ferrix que ce soit Maarva, la mère adoptive de Cassian ; B2EMO, son droïde ultra expressif ; ou encore Bix, son ancienne petite amie. Il donne aussi le ton général de la série, le spectateur remarquant tout de suite une ambiance bien plus adulte où seule la présence de B2EMO, une sorte de WALL•E façon Star Wars, rappelle le côté familial de la saga. Le second épisode se permet même de suggérer une relation charnelle, une première dans une œuvre audiovisuelle de la franchise. Pour autant, le parcours le plus intéressant de ces trois épisodes est celui de Syril Karn, un adjoint des Forces Tactiques Corporatistes. Ce dernier, à cause d’un ego démesuré et d’un aveuglement idéologique, veut absolument traquer le meurtrier de ses collègues. Il est intéressant de le voir réagir en tant que jeune premier empli d’ambition face à un supérieur plus blasé mais bien plus conscient du fonctionnement du système, et de ses limites. Son assurance va alors lui sauter à la figure et la situation totalement lui échapper. Il faut dire que le dernier épisode de l’arc se finit par une action trépidante de chasse à l’homme dans les rues de Ferrix, aussi intense que stressante.

Rappelez-vous que la première ligne de la Rébellion est partout.

Et même l’acte d’insurrection le plus insignifiant fait avancer notre ligne de front.

Et surtout rappelez-vous ceci : si l’Empire a un besoin de contrôle si désespéré, c’est parce qu’il n’est pas naturel.

La tyrannie exige un effort de tous les instants mais elle s’effrite. Et elle casse.

L’autorité est fragile. L’oppression est le masque de la peur. Ne l’oubliez jamais.

Extrait du Manifeste de Karis Nemik

An 5 avant la Bataille de Yavin

Après avoir proposé une premier arc dans le genre thriller policier et guérilla urbaine, le seconde, comprenant les épisodes Aldhani, La Hache Oublie et L’Œil, relève plutôt de la série de casse. Cassian Andor a, en effet, été embauché par Luthen Rael, un rebelle qui tire les ficelles dans l’ombre, pour prêter main forte à un commando sur Aldhani, une planète reculée qui possède un avant-poste impérial. Le but est de dérober la solde impériale qui y est entreposée. Là encore, la série part sur deux épisodes d’exposition pour présenter tous les membres de l’escouade ; le but étant que le spectateur s’attache à eux afin d’être touché quand certains seront fatalement sacrifiés lors de la mission. Parmi eux, il sera apprécié Vel Sartha, la cheffe du groupe rebelle, ainsi que Karis Nemik, une jeune idéaliste. Là encore, le troisième épisode apporte son lot d’action et de suspense, le tout rehaussé par un évènement cosmique, l’Œil, de toute beauté et amenant une véritable touche d’originalité visuelle. Cet arc est suivi par un épisode de transition, L’Annonce, qui montre les conséquences de l’attaque d’Aldhani sur l’Empire, sur les Rebelles… mais également sur le reste de la Galaxie.

Le troisième arc, comprenant les épisodes Narkina 5, Personne n’Écoute et Une Seule Issue, est sûrement le plus intense et le plus incroyable de toute la série. Transposant dans l’univers Star Wars la thématique de la série carcérale, ces épisodes font froid dans le dos par la violence du propos avant de se conclure en une libération douce-amère quand une partie des prisonniers arrive enfin à s’enfuir de cet enfer. Cassian Andor, condamné arbitrairement à un emprisonnement dans un camp de travail, se retrouve donc dans le pénitencier de la planète Narkina 5. Il atterrit dans l’atelier 5-2-D dirigé par le contremaître Kino Loy, lui aussi prisonnier. Avec ses codétenus, il doit assembler des dizaines d’appareils mécaniques tous les jours. Cet arc est impressionnant rien que par la cruauté du maintien de l’ordre et des sévices infligés aux prisonniers pour qu’ils restent tranquilles. La violence est incroyable mais elle est surtout psychologique, cassant la volonté de résistance des plus durs des hommes grâce à la simple promesse d’une libération lointaine, tout en forçant une cadence et un rendement inhumain. Sans aucune pitié, les plus faibles sont éliminés et la vérité bien cachée, quitte à se débarrasser d’un étage entier pour que le secret soit bien gardé. Grâce à Andor, les prisonniers se rendent compte qu’ils ne sortiront jamais et que les gardes ne sont pas assez nombreux pour contenir une mutinerie d’ampleur. Ils décident alors de risquer leur vie en comprenant qu’il vaut mieux mourir en essayant de regagner sa liberté plutôt que de rester vivant dans une servilité perpétuelle.

Si le premier arc est exclusivement centré sur Cassian Andor, les deux autres eux proposent d’explorer d’autres parcours. Les habitants de Ferrix continuent d’être suivis mais surtout la série plonge dans les méandres de Coruscant, la planète capitale de l’Empire. Le spectateur apprend ainsi que le rebelle Luthen Rael possède une couverture qui lui permet d’être au centre du jeu politique tout en initiant des actions contre l’Empire. Que ce soit en obtenant les faveurs de certains sénateurs sensibles à sa cause ou en supervisant des espions à sa solde, il tire les ficelles dans l’ombre mais joue un jeu dangereux qui lui a fait perdre son âme depuis bien longtemps. Parmi les politiciens qu’il croise se trouve la sénatrice Mon Mothma, le seule personnage Star Wars d’ampleur de la série, créée spécifiquement par George Lucas en tant que Cheffe de l’Alliance Rebelle et qui est apparue la première fois dans le film de 1983 Star Wars : Le Retour du Jedi. Ici, elle ne tient pas encore ce rôle et cherche juste à financer les premières escarmouches de la Rébellion. Mais, même si son combat se déroule dans des salons feutrés, le danger n’en est pas moins palpable. La moindre phrase et le moindre faux pas peuvent en effet la faire tomber ; devant cacher son jeu à tout le monde, y compris aux membres de sa famille. Là encore, tous les passages avec la sénatrice sont passionnants grâce à des dialogues extrêmement bien ciselés et des plans magnifiques, que ce soit, par exemple, quand elle se sent bien seule au Sénat à réclamer moins de répression autoritaire contre les habitants de la Galaxie ou, plus tard, quand elle se voit proposer lors d’un entretien un marché dont elle ne peut accepter les conditions. Mais aussi riche et puissante soit-elle, elle doit également consentir à des sacrifices quitte à abandonner certaines de ses convictions les plus profondes pour soutenir la cause à laquelle elle croit.

Au-delà des membres de la Rébellion, les arcs deux et trois présentent aussi des fervents fidèles de la cause impériale en suivant notamment certains agents du Bureau de la Sécurité Impériale, dont la Superviseure Dedra Meero. Le personnage est particulièrement intéressant car il est entièrement dédié à sa tâche, au service de l’Empire et de Palpatine. Douée d’un esprit d’analyse affûté tout en étant certaine de ses capacités, elle nage grâce à son assurance dans les eaux remplies de requins que sont ceux de la bureaucratie impériale aussi froide qu’austère, tout à son image d’ailleurs. La série montre ainsi les luttes de pouvoir au sein des rangs impériaux entre zèles exacerbés et egos démesurés. Ces hommes et ces femmes n’ont aucune once d’humanité et se font un devoir d’ignorer les conséquences de leur décisions sur les populations. L’important est seulement de soutenir le régime ; que sa force et son autorité ne soient jamais remises en question. Certains passages sont particulièrement ardus, notamment lorsque Dedra Meero capture sur Ferrix l’ancienne petite amie d’Andor, Bix, et lui fait passer un interrogatoire musclé. Elle confie la jeune femme à un scientifique qui a découvert un moyen non sanguinaire de faire parler ses prisonniers mais qui arrive pourtant à les détruire physiquement et mentalement. En parallèle, le spectateur suit également le parcours de Syril Karn, revenu sur Coruscant chez sa mère après son échec cuisant sur Ferrix. Ces passages peuvent sembler inutiles mais ils permettent pourtant d’avoir une vision pertinente et intéressante des petits fonctionnaires qui acceptent totalement leur rôle de collaboration. Son obsession vis-à-vis d’Andor le pousse à rencontrer la superviseuse qui est, elle, tout sauf impressionnée par ce jeune homme à la carrière ratée.

Les deux derniers épisodes, La Communauté des Filles des Colons et Rix Road, forment le dernier arc de la saison. À l’exception de Mon Mothma, tous les personnages récurrents rencontrés depuis le début se retrouvent sur Ferrix. L’enterrement de Maarva, la mère de Cassian qui était mourante, sert en effet de catalyseur aux évènements qui vont se dérouler. Le schéma est le même que durant le reste de la saison en ce sens que le premier épisode sert de mise en place tandis que le second est un véritable feu d’artifice où la tension monte crescendo. Cet arc est celui où tous les personnages arrivent à un carrefour et doivent faire des choix ou mettre en place des actions pour parvenir à leurs fins. Cassian, qui a été un survivant pendant toute la saison, comprend enfin grâce au testament de sa mère que son destin est d’embrasser la Rébellion. Mon Mothma comprend tristement que rien n’est plus important que la cause et accepte finalement de faire les sacrifices qu’elle n’osait pas jusque-là. Luthen Rael compte à l’origine se débarrasser d’un caillou encombrant mais repart finalement avec un outil performant. Dedra Meero vient régler un problème sécuritaire et échoue lamentablement en se montrant incapable de contenir une insurrection locale. Le dernier épisode s’avère particulièrement touchant car Cassian comme les habitants de Ferrix vont être inspirés par les morts : Maarva dont le message posthume est sûrement l’une des plus belles scènes de la saison mais aussi le jeune Karis Nemik dont le manifeste va inspirer le futur héros de la Rébellion. La conclusion de la saison s’avère ainsi parfaite à l’image du reste de la série en étant aussi émouvante que bouleversante tout en amenant le spectateur à réfléchir au-delà de la fiction.

Et sachez une chose : un jour viendra où toutes ces escarmouches et toutes ces batailles,

Tous ces moments de défiance finiront par déborder les murs d’autorité dressés par l’Empire.

Et il y aura un incident de trop.

Une dernière petite goutte qui fera tomber les murailles.

Rappelez-vous ceci. De toutes vos forces.

Extrait du Manifeste de Karis Nemik

An 5 avant la Bataille de Yavin

La grande réussite de Star Wars : Andor vient également de son casting tout simplement parfait.

Diego Luna reprend donc son rôle de Cassian Andor qu’il avait tenu dans Rogue One : A Star Wars Story. Le personnage étant plutôt un solitaire, pas très causant, il n’est pas fatalement le plus attachant et le plus intéressant de la série. Ce qui est étonnant puisqu’elle porte son nom. En réalité, il sert ici surtout de fil rouge pour montrer le destin des autres personnages qui tournent autour de lui et qui vont être à l’origine de la création de l’Alliance Rebelle ou, au contraire, vont essayer de la combattre.

Stellan Skarsgård (Thor) joue lui le rôle de Luthen Rael, le rebelle qui tire les ficelles. L’acteur est tout simplement impressionnant, pouvant se montrer aussi impitoyable que charmant. Il se fond dans le personnage avec une aisance incroyable, aidé en plus par des dialogues superbement écrits, notamment son monologue à la fin de l’épisode 10 lorsqu’il avoue tout ce qu’il a sacrifié pour la cause.

Genevieve O’Reilly, quant à elle, reprend son rôle de Mon Mothma qu’elle avait déjà tenu dans Star Wars : La Revanche des Sith, Rogue One : A Star Wars Story ou la série animée Star Wars : Rebels. Star Wars : Andor lui permet de montrer tout son talent, surtout que la sénatrice propose ici des facettes inconnues de sa personnalité. L’actrice offre ainsi un jeu tout en nuances où, tout en se battant dans des salons ou au Sénat, elle parvient à faire transparaître une panoplie étonnante d’émotions grâce, encore une fois, à des dialogues pleins de finesse.

La superviseure Dedra Meero est interprétée, pour sa part, par l’actrice Denise Gough (Alex, le Destin d’un Roi) : également magistrale, elle arrive à donner une froideur et un charisme à cette agente du BSI tout simplement incroyable. Elle est dangereuse, méticuleuse, observatrice, insensible et surtout sait parfaitement avancer ses pions pour arriver à ses fins.

Parmi les personnages secondaires, il faut absolument saluer la prestation d’Andy Serkis qui tient le rôle de Kino Loy, le contremaître prisonnier qui supervise Cassian sur Narkina 5. L’acteur connu pour avoir été Gollum dans la saga du (Le) Seigneur des Anneaux ou César dans celle de La Planète des Singes avait incarné le Suprême Leader Snoke dans Star Wars : Le Réveil de la Force et Star Wars : Les Derniers Jedi. Il apparaît donc une deuxième fois dans la saga mais dans un tout autre personnage, à visage découvert cette fois-ci, et non plus en performance capture. Il y est vraiment bouleversant dans son rôle de prisonnier modèle qui croit à tous les mensonges que lui raconte l’Empire jusqu’au point de bascule où il va devenir celui qui va guider les autres détenus vers la liberté.

Il sera aussi apprécié le retour de Forest Whitaker dans le rôle de Saw Gerrera, personnage qu’il avait interprété dans Rogue One : A Star Wars Story. Dans cette première saison de Star Wars : Andor, il est présent dans deux scènes avec, encore une fois, de superbes dialogues, notamment une séquence où il trouve quelqu’un d’encore plus impitoyable que lui pour battre son ennemi.

Enfin, parmi les autres personnages, il faut aussi souligner les prestations de Kyle Soller (Syril Karn), Adria Arjona (Bix Caleen), Faye Marsay (Vel Sartha), Fiona Shaw (Maarva Andor) ou encore Alex Lawther (Karis Nemik).

D’un point de vue visuel et de mise en scène, Star Wars : Andor se démarque également des précédentes séries en prises de vues réelles. À la différence de Star Wars : The Mandalorian, de Star Wars : Le Livre de Boba Fett et de Star Wars : Obi-Wan Kenobi, la série n’utilise que très peu la technologie StageCraft, ou le Volume, la nouvelle technique qui permet de filmer des décors virtuels qui semblent pourtant plus vrais que nature. Au contraire, Tony Gilroy a opté pour des décors en réel et en dur à l’image de la ville sur Ferrix qui a été entièrement construite en studio. Cela donne à l’ensemble un aspect tangible et concret qui se ressent totalement à l’écran. La série aime aussi alterner les environnements différents que soit Ferrix, la planète ferrailleuse ; Morlana One, la planète industrielle aux décors rappelant ceux du film Blade Runner ; la planète vallonnée Aldhani qui possède également un époustouflant phénomène stellaire où une pluie de météorite défile tous les trois ans ; la planète Narkina 5 où la prison immaculée fait penser à l’univers de George Lucas dans son film THX 1138 ; et enfin la planète urbaine Coruscant montrée ici de façon bien plus grise et bétonnée qu’elle ne l’était auparavant, ceci afin d’insister sur le côté sinistre et broyeur de la capitale impériale. Star Wars : Andor étonne aussi par la magnificence de sa réalisation. Quel que soit l’épisode, la première saison possède des plans de toute beauté, et pas fatalement lors des moments d’action. Il suffit, par exemple, de voir Mon Mothma parfaitement alignée dans son salon aux lignes géométriques pour être subjugué par la scène. Dans certains séquences d’action, les effets spéciaux peuvent certes être utilisés avec parcimonie mais toujours avec intelligence comme par exemple dans l’excellente bataille spatiale de l’avant-dernier épisode où le vaisseau de Luthen affronte un patrouilleur impérial. Il faut également saluer la musique du compositeur Nicholas Britell (Cruella) qui apporte une ambiance auditive incroyable, même s’il faut reconnaître qu’il s’éloigne de ce que le public avait l’habitude d’entendre pour une production Star Wars. Il n’empêche, certaines partitions sont de toute beauté, par exemple, toutes celles autour de Ferrix avec en point d’orgue la procession en hommage à Maarva Andor.

Tony Gilroy a toujours voulu raconter son histoire comme il l’entendait de telle sorte qu’un fan de Star Wars puisse l’apprécier tout comme un néophyte. Ainsi, au-delà des personnages apparus dans Rogue One : A Star Wars Story, il y a très peu de fan service comme il pouvait y en avoir dans les précédentes séries à prises de vues réelles de la saga. Le showrunner est resté concentré sur ses personnages et son récit sans se laisser distraire par des caméos non nécessaires. Pour autant, la série ne déroge pas à la règle de proposer quelques clins d’œil de-ci de-là, souvent au détour d’un dialogue. Pour autant, il y a un lieu en particulier qui est une véritable caverne d’Ali Baba : la boutique d’antiquités de Luthen sur Coruscant ! Que ce soit une armure mandalorienne, un kalikori twi’lek, un casque wookiee ou une coiffe de Naboo, il y a tellement de détails qu’il faut un arrêt sur image pour tout répertorier. Il sera aussi apprécié quelques caméos appropriés comme le droïde de sécurité qui arrête Cassian Andor sur la planète balnéaire de Niamos et qui est du même modèle que K-2SO, son compagnon dans Rogue One : A Star Wars Story ; ou encore la présence du colonel Wullf Yularen, responsable du BSI, qui avait été vu dans Star Wars : Un Nouvel Espoir ainsi que dans la série Star Wars : The Clone Wars. Enfin, il est impossible de ne pas parler de la scène post-générique du dernier épisode, aussi glaçante qu’impressionnante dans sa symbolique, qui permet de remettre en contexte ce que fabriquaient les prisonniers de Narkina 5. En fait, le seul petit défaut de la série est peut-être à chercher du côté de la rareté des races non humaines représentées. Les aliens sont en effet peu nombreux et manquent cruellement de diversité quand ils sont présents. Il aurait été bon d’en voir un peu plus car ils sont importants pour immerger le spectateur dans l’univers Star Wars.

Prévue à l’origine pour sortir le 31 août 2022 avec deux épisodes, Star Wars : Andor est décalé de trois semaines et arrive finalement le 21 septembre 2022 avec trois épisodes, ceci afin de s’éloigner des deux mastodontes de la rentrée 2022 que sont House of the Dragon chez HBO et Le Seigneur des Anneaux : Les Anneaux de Pouvoir chez Prime Video. Les critiques sont tout de suite conquises et vont devenir de plus de plus dithyrambiques au fur et à mesure des épisodes. Les fans de Star Wars et les blogueurs sont tout aussi enthousiastes. Pour autant, le public semble lui se désintéresser de la série. Si elle réalise des audiences correctes, elles sont loin des chiffres des autres séries à prises de vues réelles Star Wars. Le rythme un peu lent et les scénarios exigeants sans compter l’absence de personnages emblématiques et de Jedi laissent visiblement une partie des spectateurs sur le côté même si ceux qui la regardent la plébiscitent sur les réseaux sociaux. Disney, conscient du phénomène et sachant parfaitement qu’il possède là une série de qualité, tente de la promouvoir en diffusant le jour de la sortie du dernier épisode sur Disney+, les deux premiers sur ses autres chaînes (ABC, FX et Freeform) ainsi que sur sa plateforme Hulu.

Sans ambages, Star Wars : Andor est clairement la meilleure série Star Wars, voire même la meilleure de toutes les séries Disney+ Originals à date. Portée par un casting sans faute, une écriture intelligente, des dialogues d’orfèvre, des thèmes d’une profondeur rare, des décors sobres mais sublimes, elle est un chef-d’œuvre instantané appelé à devenir culte et incontournable quand le public décidera de l’embrasser totalement à sa juste valeur.


Star Wars : Andor – Saison 1 | Séries » Lucasfilm Ltd.