L’hôtellerie de luxe croit vraiment à un avenir radieux

ILTM Cannes 2022 : un cru exceptionnel


Le salon ILTM 2022 a confirmé ce que l’on savait déjà : chaînes hôtelières, voyagistes, croisiéristes accélèrent pour se positionner sur le secteur du luxe qui paraît prometteur…




Dès les conférences qui ont précédé le cocktail de bienvenue, le soir de l'ouverture, le ton était donné : "le client est roi"  - DR

Dès les conférences qui ont précédé le cocktail de bienvenue, le soir de l’ouverture, le ton était donné : “le client est roi” – DR

C’était, une fois encore, le salon où il fallait être.

Avec 1 086 exposants, l’ILTM, le Salon international du tourisme et du voyage de luxe qui s’est terminé au Palais des Festivals de Cannes le 8 décembre dernier, a été un cru remarquable.

Selon un communiqué publié a posteriori par la direction de l’ILTM, plus de 3600 professionnels du voyage de luxe venus de 77 pays ont participé à ce salon. Ces chiffres témoignent, bien que la crise sanitaire du Covid ne soit pas terminée, de la reprise du tourisme et de l’optimisme du monde du luxe dont la clientèle ne semble pas impactée, pour l’heure, par la crise énergétique et économique.

Comme l’a souligné Matthew Upchurch, le PDG du réseau d’agences de luxe Virtuoso, “le secteur des loisirs de luxe est très robuste“.

La pandémie n’a pas empêché ceux qui sont riches de s’enrichir encore et de nouveaux millionnaires devraient continuer d’émerger.

Bien mieux, à cause de la pandémie, les voyageurs de luxe sont dans un état d’esprit “carpe diem”, une volonté de profiter de la vie. Ils sont aussi portés à se précipiter vers des destinations lointaines longtemps fermées à cause du Covid, comme le Japon et l’Australie.

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Un avenir prometteur pour le luxe

L’avenir est d’autant plus prometteur que, selon Matthew Upchurch, les “baby-boomers” (nés entre 1945 et 1964) sont en bonne santé et vont continuer à voyager, tandis que les Millenials aisés, individualistes et très connectés, et même les membres de la génération Z entrés récemment avec succès sur le marché du travail, considèrent que le voyage fait partie de leur mode de vie.

De cette conjoncture favorable, l’ILTM a d’autant plus témoigné que n’y vient pas qui veut : le “ticket d’entrée” est élevé pour les exposants ; quant aux visiteurs, ils doivent, sinon montrer patte blanche, du moins attester d’une activité bien réelle dans le domaine du luxe pour être admis.

Au final, les stands, les meeting rooms mais aussi les hôtels environnants bourdonnaient comme des ruches, dès l’heure du petit-déjeuner et jusque tard dans la soirée. Selon le communiqué de l’ILTM, plus de 70 000 rencontres individuelles avaient été programmées à l’avance.

En effet, on vient à l’ILTM pour travailler . Beaucoup de rendez-vous avaient d’ailleurs été pris à l’avance par les acteurs présents -directeurs d’hôtels, de resorts, de compagnies de croisière, d’agences, d’Offices de tourisme, etc., soucieux d’optimiser leur temps, de faire fructifier leurs contacts et d’en trouver d’autres.


Partout, l’Arabie vous souhaite la “bienvenue”


Tandis que, dans les couloirs, d'innombrables panneaux proclamaient "Welcome to Arabia", les visiteurs du stand du royaume étaient accueillis à bras ouverts, avec boisson et gâteaux (@PB)

Tandis que, dans les couloirs, d’innombrables panneaux proclamaient “Welcome to Arabia”, les visiteurs du stand du royaume étaient accueillis à bras ouverts, avec boisson et gâteaux (@PB)

Souvent, la taille d’un stand témoigne de la place déjà acquise dans le monde du luxe, souvent aussi de celle que l’on veut (encore) acquérir.

Ainsi, l’Italie, avec ses 600 m2, ses 10 régions et ses 126 opérateurs représentés, affichait à la fois l’une et l’autre. Il est vrai que, selon Matthew Upchurch, le PDG du réseau Virtuoso, ce pays est en tête des destinations européennes que les “globals travellers” veulent visiter. D’ailleurs, malgré des tarifs “hors normes”, ses hôtels très très haut de gamme se remplissent déjà pour l’été prochain.

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A côté, le stand de la Grèce – pays également très bien placé parmi les destinations européennes visées par les voyageurs à fort pouvoir d’achat – paraissait, à tort ou raison, moins opulent, bien que de dimensions très respectables, tout comme celui de l’Espagne.

Mais, si l’ILTM est un salon où l’on discute business, il est aussi un lieu où se mène la bataille de la communication. Si les pays du Golfe, en particulier Dubaï et Abu Dhabi, ont une longueur d’avance dans le domaine du tourisme de luxe et du shopping car ils entrepris depuis longtemps d’organiser “l’après-pétrole”, tel n’est pas le cas de l’Arabie saoudite.

Celle-ci a pris assez récemment cette orientation sous l’impulsion du prince héritier Mohamed Ben Salmane. Elle a d’autant plus intérêt à le faire savoir haut et fort que l’image du Royaume a été ternie il y a encore peu par la triste fin réservée à l’opposant Jamal Khashoggi.

Aussi, du hall d’entrée du Palais des Festivals jusque les allées entre les stands en passant par les escaliers, il était impossible d’échapper aux innombrables affiches format XXL vantant une Arabie heureuse, accueillante et ses paysages, bien sûr fabuleux.

Le stand était à l’avenant. Les moyens n’avaient pas été ménagés pour convaincre que ce royaume est LA destination incontournable de demain.

Ce n’était pas seulement la désormais célèbre ville nabatéenne de Hegra, dans l’oasis de Al-Ula qui était mise en avant avec force magnifiques photos, mais aussi les méga-projets au bord de la Mer rouge où se construit notamment un Resort entièrement taillé dans la roche d’une falaise, ou encore Diriyah.

Et aussi Neom, une ville nouvelle futuriste, grande comme la Belgique, qui doit naître in extenso dans le nord-ouest du Royaume, entre mer Rouge et montagnes culminant à plus de 2 500 mètres, à proximité de la Jordanie, de l’Égypte et d’Israël.

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Des investissement de 6 000 milliards sont prévus d’ici 2030 pour mener ces projets qui incluent routes, aéroports et autres infrastructures“, était-il expliqué sur le stand à qui voulait bien l’entendre. L’Arabie saoudite, était-il ajouté, sera une destination “exclusive”, respectueuse de la culture locale, de l’environnement, de la biodiversité…

D’ici 2030, un million d’emplois seront créés et un million de visiteurs sont attendus. A cet horizon, le tourisme assurera 10% du PIB de l’Arabie Saoudite contre 3,5% aujourd’hui“, était-il encore expliqué avec force au visiteur qui, parfois pris de tournis devant l’ampleur des chiffres, se demandait en son for intérieur si tous ces projets pharaoniques verraient bien le jour.


Aux Maldives, le dynanisme du groupe familial Villa Resorts


L'équipe de Villa Resorts à l'ILTM. En bas, à gauche, Khadheeja Sana (@Villa Resorts)

L’équipe de Villa Resorts à l’ILTM. En bas, à gauche, Khadheeja Sana (@Villa Resorts)

En comparaison, la présence des Maldives à l’ILTM était bien plus discrète.

Il est vrai que ce chapelet de 26 atolls en forme d’anneaux et de 1 200 petites îles éparpillées dans les eaux de l’Océan Indien, a moins besoin de faire dans l’emphase : en cinquante ans tout juste, les Maldives sont devenues une destination touristique très prisée.

Récemment couronnées, pour la troisième année consécutive, « Meilleure Destination au monde », elles espèrent accueillir d’ici fin 2022, 1,6 million de visiteurs et ainsi se rapprocher des niveaux d’avant la pandémie.

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Ce qui sert les Maldives, ce sont, bien sûr, leurs paysages paradisiaques et leur offre hôtelière très riche, incluant de nombreux resorts de luxe. Parmi ceux-ci, ceux du groupe Villa Hotels & Resorts qui vient de changer de nom pour s’appeler tout simplement Villa Resorts.

Créé il y a 37 ans, par Qasim Ibrahim, également propriétaire d’une compagnie de pêche et d’une compagnie aérienne, Villa Resorts est le principal groupe hôtelier maldivien.

C’est une véritable entreprise familiale et l’une des rares aux Maldives à être détenue, exploitée et entièrement dirigée par des Maldiviens. Elle gère aujourd’hui cinq complexes hôteliers, dont 3 sont 5 étoiles.

Une île entière est dédiée à chacun, qu’il s’agisse de Villa Park (462 villas), de Villa Nautica (242 villas) ou même de Villa Heaven qui, lui, aligne seulement 68 villas. Mais ce sont alors de spacieuses villas de très grand luxe, aux couleurs, matières et raffinement particulièrement soignés.

La clientèle de luxe va augmenter dans les années à venir“, confirme Khadheeja Sana, la fille du fondateur. Las, pour l’heure, la clientèle chinoise, habituellement nombreuse, est encore privée de voyages, restrictions sanitaires obligent malgré les récents assouplissements.

Par chance, la clientèle européenne est au rendez-vous. Les Allemands sont les premiers clients européens, suivis par les Anglais et les Français. “Le marché français est vraiment important pour nous“, insiste Khadheeja Sana.

Le réchauffement climatique qui va entraîner la montée des océans ne risque-t-il pas de tout remettre en cause puisqu’il semble menacer l’existence future même des Maldives ?

Plutôt que d’appesantir sur ces sombres perspectives sur lesquelles elle n’a guère prise, Khadheeja Sana préfère mettre en avant les actions concrètes déjà menée par l’entreprise familiale en faveur d’un “tourisme durable” : amélioration de l’efficacité énergétique des installations rendues également autonomes en eau, réduction de l’utilisation du papier et du plastique, opérations de nettoyage du littoral, participation à la conservation des récifs coralliens, création d’un sanctuaire pour les oiseaux migrateurs, culture de potagers bio, promotion de la pêche durable…

La jeune femme affiche un optimiste de bon aloi pour l’avenir. Villa Resorts va en effet créer deux complexes hôteliers supplémentaires sur deux nouvelles îles qui seront bien sûr, elles aussi, entièrement dédiées au tourisme. “Une île, un resort”, insiste-t-elle.

Aux Maldives, les habitants ne vivent en effet pas sur les îles où les vacanciers viennent bronzer et se reposer.


Rwanda et Bhoutan, champions du “voyage durable” ?


Dans le guide du visiteur édité par Visit Rwanda, le parc national des volcans est présenté comme la porte d'entrée pour les gorilles (@DR)

Dans le guide du visiteur édité par Visit Rwanda, le parc national des volcans est présenté comme la porte d’entrée pour les gorilles (@DR)

Même si l’on en parle plus que l’on n’en fait vraiment dans ce domaine, le “voyage durable” commence vraiment à entrer dans les mœurs.

Il semble en tous cas un argument décisif pour deux destinations encore une peu confidentielles mais pourtant présentes à l’ILTM : le Bhoutan et le Rwanda.

Petit pays juché sur les pentes de l’Himalaya, couvert à plus de 70% de forêts et de réserves naturelles, le Bhoutan se targue d’être le seul au monde à avoir une empreinte carbone négative.

Logiquement, à l’ILTM, il a axé sa promotion sur le tourisme responsable. Ses atouts ? Sa nature, son histoire, sa culture, son architecture, son art, sa cuisine, sa spiritualité aussi.

Une destination réservée aux aventuriers un peu roots ? Que, nenni ! Prenons Six Senses, marque de luxe du groupe InterContinental (IHG) : il y possède plusieurs lodges de luxe et s’y affiche particulièrement soucieux “de prendre soin de l’environnement, des ressources naturelles et des communautés locales”.

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Pays de la “région des Grands lacs”, en Afrique de l’Est, le Rwanda, lui, est tristement connu pour le génocide des Tutsis par les Hutus qui a fait quelque 800 000 morts en 1994.

Aujourd’hui, il semble bien décidé à se faire une place dans le monde du tourisme. Son atout maître ? Son parc national des volcans où des gorilles vivent en liberté dans leur habitat naturel. Evidemment, le ticket d’entrée dans ce parc (1 500 dollars/personne) s’ajoute au prix du voyage et sélectionne forcément la clientèle.

Deux autres parcs nationaux rwandais abritent aussi des espèces végétales et animales rares, particulièrement des chimpanzés dans celui de Nyungwe tandis que celui d’Akagera se présente comme la “maison” des “big five”.

A l’ILTM, deux opérateurs promettaient de faire découvrir cette faune extraordinaire dans le cadre de séjours “durables”, respectueux de la nature et de l’habitat naturel des gorilles et autres.

Basée à Kigali, la capitale, Rwanda Eco company and safaris se présentait comme une entreprise locale spécialisée dans “l’expérience unique de trekking des gorilles”, dans “les trekkings pour voir les chimpanzés” et aussi dans les safaris animaliers et autres visites culturelles au Rwanda et en Ouganda.

Quant à One&Only, il promettait également, à partir de ses deux resorts aux chambres et suites très soignées installées dans ces parcs nationaux, d’aller à la découverte de la faune sauvage. Toujours dans le respect de la nature, bien entendu.


Et aussi, une pluie… d’hôtels de luxe


L'hôtellerie de luxe croit vraiment à un avenir radieux
Dans les jours qui ont précédé l’ILTM, les annonces d’ouverture (ou réouverture) d’hôtels de luxe ont plu comme à Gravelotte. Elles ont continué pendant le salon.

Ainsi Hilton Luxury Brands a confirmé avoir ouvert cette année 12 adresses de luxe, de Tulum à Nashville en passant par la Sardaigne, ainsi que plusieurs complexes au Moyen-Orient. Et avoir l’intention d’ouvrir plus de 10 nouveaux hôtels en 2023.

A l’ILTM, Kempinski – fondée à Berlin en 1897, c’est la plus ancienne société hôtelière de luxe aux racines européennes et elle comptait déjà 82 hôtels dans 35 pays – a, de son côté, annoncé avoir 20 nouveaux hôtels en développement dans le monde.

Quant au Kempinksi (250 chambres) ouvert cette année à Tel-Aviv, il a un tel succès que le groupe envisage déjà d’autres hôtels en Israël…

Le groupe hôtelier Radisson qui vient de connaître une année exceptionnelle de développement, compte également accélérer l’expansion de sa marque de luxe “Radisson Collection” (lancée en 2018) avec notamment la réouverture, à l’été prochain, de l’hôtel Cour des Loges à Lyon.

Quant au groupe hôtelier InterContinental, il va rouvrir, après travaux, le Carlton de Cannes sous la marque Regent.

De son côté, le groupe hôtelier Peninsula, originaire de Hong-Kong, a annoncé pour début 2023 l’ouverture quasi simultanée, chose rare chez lui, de deux hôtels, l’un à Londres, près de Hyde Park, l’autre à Istanbul, sur les bords du Bosphore. Ces deux établissements d’un luxe inouï allieront des emplacements exceptionnels à des aménagements intérieurs qui ne le sont pas moins.

Et ainsi de suite… L’hôtellerie de luxe croit vraiment à un avenir radieux.



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