Le ressac de l’Église catholique s’explique avant tout par un changement de société

Il y a quelques semaines, un festival préparatoire aux Journées Mondiales de Jeunesse (JMJ), rassembla 1200 jeunes catholiques à l’abbaye de Maredsous. Un événement, magistralement orchestré par la pastorale des jeunes. Présent à cette rencontre, un prélat d’origine étrangère me confia : “Je suis impressionné par tous les efforts déployés”, ajoutant aussitôt, “mais je me demande pourquoi ceux-ci récoltent si peu de fruits : baisse de la pratique dominicale, éloignement des institutions chrétiennes, chute vertigineuse des vocations à la vie consacrée”.

La question mérite d’être posée. Pourquoi l’Église catholique peine-t-elle à se déployer dans un pays où jadis, elle fut omniprésente ? Il serait injuste d’accuser les catholiques belges de tiédeur. Des ecclésiastiques paresseux et des paroissiens apathiques se rencontrent, mais il y a également l’héroïque énergie déployée par tant de prêtres, diacres et acteurs pastoraux laïcs, ainsi que le généreux dévouement de milliers de bénévoles. Serait-ce alors dû au positionnement de l’institution ecclésiale ? Plusieurs idéologues tradi’s et progressistes aiment jouer sur ce registre-là. Soyons pourtant lucides : est-ce le retour au latin et à la soutane, ou bien la généralisation d’un clergé marié et ouvert aux femmes, qui fera en sorte que la jeunesse se tournera vers le Christ ? Ces questions ont leur importance, mais elles ne touchent pas à l’essentiel. Il en va de même pour les scandales qui ont ébranlé l’Église. S’ils entament la crédibilité de l’institution catholique, l’enjeu central se situe ailleurs : comment faire en sorte que nos contemporains découvrent en Christ leur Sauveur et qu’ils comprennent que Son Évangile est bonne nouvelle ?

Le ressac de l’Église s’explique avant tout par un changement de société. Le matérialisme qui façonne les cœurs et les âmes dans notre pays de vieille tradition catholique, distrait nos contemporains de la spiritualité. Si certains y viennent tard après échecs et désillusions, d’autres cherchent à remplir leur vide existentiel, au mieux par la consommation, au pire par une fuite dans l’alcool ou les narco-paradis. La santé mentale de la population est au plus bas et le taux de suicide au plus haut, mais peu y voient une corrélation avec le vide des églises… À l’exception des fondamentalistes et leurs pièges sectaires. Notre rapport à la vie spirituelle est assez semblable à l’approche du mariage : nos grands-parents y entraient et y restaient par conformisme social ; aujourd’hui, il faut un peu de chance, davantage de volonté et encore plus d’idéal pour qu’un couple tienne. Il en va de même pour la spiritualité en général et la religion en particulier. Comparer un jeune qui fréquente sa paroisse aujourd’hui avec son grand-père, c’est mettre en parallèle deux mondes totalement différents. Le choix religieux se fait désormais à contre-courant, suite à une expérience spirituelle personnelle. Ceci engendre un catholicisme d’un autre genre que la religion socialement implantée d’antan. Ce qui n’est ni mieux, ni moins bien : il s’agit d’une époque nouvelle, voilà tout.

Faut-il pour autant se résigner à ce que l’Église demeure une réalité marginale dans la société ? Nullement. Contemplons la nature en hiver : elle semble morte et pourtant, en silence se prépare l’éclosion du printemps nouveau. Il en va de même pour l’œuvre du Royaume. À chaque carrefour de l’histoire, le corps ecclésial se fabrique patiemment les anticorps dont il a besoin pour régénérer la société où il est implanté. À cet égard, la Belgique pourrait se révéler un laboratoire où se mature l’Église de demain. À condition d’accepter d’œuvrer pour une moisson qui ne se lèvera que dans une ou deux générations. Une hirondelle ne fait pas le printemps, mais la rencontre de ces jeunes à Maredsous pourrait être un bourgeon précurseur d’un été à venir.

Titre de la rédaction. Titre original : “L’Eglise en hiver…”

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Le ressac de l’Église catholique s’explique avant tout par un changement de société