Le diocèse de Montpellier, au défi de la visibilité

Le diocèse de Montpellier est polarisé par la 7e ville la plus peuplée du pays. Son agglomération, qui rassemble aujourd’hui près de 500 000 personnes, continue de croître fortement. « Ce qui frappe à Montpellier, c’est de voir une ville qui ne cesse de se développer », remarque Mgr Alain Guellec, évêque auxiliaire depuis 2019. Dynamique, grande ville étudiante et sportive, Montpellier concentre logiquement les forces vives de l’Église du département de l’Hérault. Pôle de vitalité chrétienne, la métropole demande des moyens humains importants.

Mais ce diocèse de plus de 1,1 million d’habitants à l’année ne se résume pas à sa grande ville. Avec Béziers, un littoral très attractif mais aussi un arrière-pays rural, marqué par la culture de la vigne, l’Église héraultaise ne manque pas de diversité. Et le défi de l’unité est un combat sans cesse à reprendre.

Dans ce département très prisé des touristes pour son climat et ses plages – la population de certaines villes du littoral est multipliée par dix l’été –, l’Église tente, tant bien que mal, d’être visible. Dans le monde rural, devant le manque de prêtres et le vieillissement des communautés, la présence chrétienne s’étiole mais se recompose en laissant plus de place aux laïcs.

Le père David Cortès est curé des paroisses Notre-Dame-des-Vignes et Saint-Chinian.

« L’enjeu de la présence de l’Église dans le monde rural, c’est la proximité. Les deux paroisses au nord-ouest de Béziers dont j’ai la charge sont constituées de 17 villages (20 000 habitants) pour une vingtaine de clochers. Nous ne sommes que deux prêtres depuis moins d’un an. Avant j’étais seul, à l’exception de coups de main ponctuels. Nous faisons beaucoup de kilomètres pour essayer d’être présents un peu partout car dans la culture générale, celui qui fait référence, c’est encore le curé.

Resserrer les liens et travailler ensemble

Nous essayons de tenir le vaste espace territorial mais il nous faut changer de culture ecclésiale. Ce n’est pas le territoire qui doit définir la pastorale, mais plutôt les lieux où il y a de la vitalité, même fragile. Lors d’une rencontre avec toutes les personnes engagées dans les paroisses, nous étions plus de cent. Nous devons passer de l’image du curé qui fait tout à une communauté qui participe fraternellement à la mission. Si nous voulons survivre en tant que communauté chrétienne rurale, nous devons resserrer nos liens et travailler ensemble avec les laïcs.

Dans le diocèse, polarisé par Montpellier et Béziers, nous n’avons pas l’impression d’être abandonnés. On peut toujours faire davantage, notamment pour la formation des laïcs qui est plus simple à Montpellier. Nous ne nous laissons pas oublier. Il peut arriver qu’on se demande si nous ne pourrions pas faire autrement sur la répartition des prêtres, mais chaque territoire a ses besoins. En revanche, je crois que, en raison de la taille des ensembles paroissiaux du monde rural, on ne peut pas choisir des prêtres trop âgés. »

Noémie Vigier est coordinatrice de la pastorale étudiante et des jeunes professionnels.

« La ville de Montpellier compte plus de 70 000 étudiants. Pour toucher ces jeunes – une priorité car ce sont eux qui seront ou ne seront pas demain dans les paroisses –, l’Église doit montrer un visage jeune, en s’adaptant aux codes de l’époque tout en conservant son message intemporel. Il faut aussi mettre des moyens financiers et humains, ce que fait le diocèse de Montpellier.

Outre des laïcs et des prêtres diocésains, la pastorale étudiante bénéficie de l’investissement de religieux comme les dominicains, qui tiennent un bar tous les vendredis près de la place de la Comédie, ou les carmes, mais aussi l’Institut du Christ-Roi. Par ailleurs, les 12 jeunes de CapMissio, l’école d’évangélisation diocésaine, fondée par le père René-Luc et Mgr Pierre-Marie Carré, l’ancien archevêque, nous aident beaucoup.

Être à la hauteur des attentes des jeunes

D’autant que les jeunes sont exigeants : il faut être à la hauteur de leurs attentes. Nous créons beaucoup d’événements et nous nous devons de soigner le fond mais aussi la forme car les étudiants et les jeunes pros ont un vrai regard critique. Le but, c’est qu’ils soient pleinement acteurs. Ils ont plein d’idées que nous n’avons pas.

La paroisse étudiante Sainte-Bernadette à Montpellier est évidemment un lieu fort avec des moyens et une grande diversité de propositions mais ce n’est pas le seul. Pour nous faire connaître, nous essayons aussi d’aller à la sortie des facs et d’investir les réseaux sociaux. Ici, les étudiants reçoivent beaucoup, mais nous les sensibilisons et espérons qu’ils pourront aussi donner en s’engageant dans les paroisses où ils seront. »

L’Hérault est particulièrement réputé pour son littoral très touristique, de La Grande Motte à Valras. Une réalité que l’Église tente de rejoindre, comme à Palavas-les-Flots où, autour du curé, une équipe ouvre et accueille les vacanciers dans l’église durant l’été.

Au-delà des plages, le département est aussi riche d’un patrimoine religieux très varié. « La présence très ancienne du christianisme dans le diocèse a laissé des édifices importants, un réseau de cathédrales et d’abbayes », explique Myriam Sirventon, déléguée diocésaine de la pastorale des réalités du tourisme et des loisirs. Le diocèse compte pas moins de six cathédrales : Montpellier, Agde, Béziers, Lodève, Saint-Pons-de-Thomières et Villeneuve-lès-Maguelone.

« Nous sommes des interlocuteurs des acteurs publics du tourisme »

L’abbaye de Saint-Guilhem-le-Désert, monument religieux le plus fréquenté de l’Hérault devant la cathédrale de Béziers, a attiré plus de 380 000 personnes en 2021. Les sœurs du carmel Saint-Joseph qui y résident « développent des propositions d’accueil pour permettre aux visiteurs de percevoir l’essence du lieu », indique Myriam Sirventon.

« Pour valoriser ce patrimoine, nous sommes des interlocuteurs des acteurs publics du tourisme, que ce soit le département via l’agence Hérault Tourisme, les communautés d’agglomération et les communes afin de favoriser l’entretien et la restauration des édifices religieux », se réjouit la déléguée à la pastorale du tourisme. Un des principaux enjeux reste de mobiliser des bénévoles pour accueillir les nombreux touristes de passage et pouvoir, quand c’est possible, ouvrir un dialogue pour faire partager la symbolique des lieux.

Renaud Calvat, maire PS de Jacou et vice-président du conseil départemental

Je suis profondément attaché à la laïcité, mais celle-ci n’interdit pas le dialogue. Dans ma ville, j’entretiens de bons liens avec le curé, le père Luc Jourdan. Nous avons des valeurs communes. Lorsque le curé s’inscrit dans la vie d’une commune ou d’un village, c’est beaucoup plus facile. Il ne reste pas enfermé dans son église. Quand on a la foi, chrétienne notamment, il me semble qu’on ne peut pas être déconnecté du monde qui vous entoure.

Dans le département, l’Église catholique est un acteur fondamental des questions de solidarité mais également des questions d’éducation – je suis chargé de ce thème au niveau départemental. Je suis d’ailleurs dans l’attente que les établissements catholiques nous aident en accueillant davantage une part des familles en difficulté du territoire.

Une Église plus engagée sur la mixité

Quand je discute avec des catholiques, ils partagent tous cette vision d’une Église plus engagée sur ces questions de mixité, surtout si on souhaite qu’elle continue à jouer un rôle social important. Si nous considérons que l’Église a encore un message à transmettre et des actions à mener, notamment sur le partage des richesses, alors je crois qu’il faut renforcer les liens avec elle.

J’avais beaucoup apprécié de la part de l’ancien archevêque Mgr Carré cette envie qu’il avait de rencontrer régulièrement les maires, parfois autour de moments de convivialité. Je pouvais également faire passer des messages sur mes combats, comme l’égalité femmes-hommes ou le respect de la diversité.

Non loin du Corum, l’ensemble réunissant Palais des congrès, Opéra et Centre d’expositions, au cœur de Montpellier, un panneau discret annonce modestement un lieu fraternel. Les nombreuses personnes sans domicile fixe et précaires qui patientent près de la porte, pour beaucoup avec leurs chiens, en ce jeudi matin d’automne, démontrent que la Halte solidarité est devenue un refuge.

Ouverte en 2005, cette propriété du diocèse de Montpellier possède la particularité de regrouper en un même site trois associations : le Secours catholique, la Société Saint-Vincent-de-Paul et Santé solidarité. Cette dernière structure, qui compte près de 30 bénévoles, médecins et infirmiers, a été créée en même temps que la Halte. Elle propose des consultations médicales gratuites – plus d’un millier par an – pour les personnes précaires dans des locaux adaptés et pouvant s’appuyer sur une petite pharmacie sur place.

Un travail main dans la main

« Les trois associations possèdent des rôles différents et se complètent, explique Anne Soulier, déléguée diocésaine à la solidarité et coordinatrice des trois structures. Le Secours catholique propose un accueil de jour (petit-déjeuner, bagagerie, douche, accompagnement administratif mais aussi des activités culturelles…). La Société Saint-Vincent-de-Paul, s’occupe du repas de midi dans son restaurant social et fait aussi de l’hébergement d’urgence. Santé solidarité gère, elle, un dispensaire. » À l’image de leurs responsables, les trois associations travaillent main dans la main malgré des approches différentes.

L’espace dédié, aménagé avec des tables et des chaises dans la cour pour les petits-déjeuners, ne désemplit pas. En moyenne, de 100 à 150 personnes viennent chaque matin. Les hôtes, parfois des habitués, saluent et discutent avec les bénévoles du Secours catholique en prenant un café et de quoi manger, pour 10 centimes. Certains filent à la douche et d’autres en profitent pour recharger leur téléphone ou consulter Internet sur les ordinateurs à disposition.

L’accueil et le service des sans-abri et des personnes en précarité

Le midi, la Société Saint-Vincent-de-Paul prend le relais. Le restaurant social, et son chef cuisinier, aidé par une armée de bénévoles, accueille 80 personnes sur place mais prépare au total près de 300 repas qui sont distribués à d’autres structures. Le restaurant accueille pour 2 €, sans justificatif, et brasse ainsi une grande mixité : des familles, des personnes qui ne bénéficient que de petites retraites…

L’objectif de la Halte, qui est ouverte tous les jours de la semaine (et le samedi matin sous l’égide de l’Ordre de Malte), est « l’accueil et le service des sans-abri et des personnes en précarité », résume Anne Soulier. En soulignant qu’il s’agit du premier lieu que le nouvel archevêque de Montpellier, Mgr Norbert Turini, a souhaité visiter pour pouvoir s’y engager. « C’est un phare et un repère dans le diocèse », souligne-t-elle, même si le lieu pourrait, selon elle, être encore davantage connu au sein même de l’Église montpelliéraine.

Présence chrétienne

En dix-sept ans d’existence, la Halte solidarité a vu le public accueilli évoluer. Aux personnes sans domicile fixe se sont ajoutées des personnes précaires pas nécessairement à la rue, des migrants, demandeurs d’asile ou déboutés et un grand nombre de personnes souffrant de troubles psychiques, renforcés par la précarité.

Ce lieu, bien identifié comme chrétien – il possède une petite chapelle – malgré une présence discrète, cherche également à offrir une proposition spirituelle modeste. Quatre célébrations sont prévues dans l’année, notamment pour la Toussaint et Pâques, souvent présidées par l’archevêque ou l’évêque auxiliaire. En outre, il existe un petit groupe de parole solidaire qui se retrouve un vendredi matin par mois, réunissant bénévoles et personnes accueillies. Et, cette année, durant le Carême, la paroisse cathédrale de Montpellier avait décidé d’aider et de participer tous les vendredis.

Une présence chrétienne et une action de solidarité désormais bien repérées par les autorités publiques, la mairie et la préfecture, mais aussi par les autres associations caritatives du territoire. Des liens qui ont été renforcés par la période très éprouvante des confinements dus à la pandémie de Covid-19.

Le diocèse de Montpellier, au défi de la visibilité