Au centre spirituel de Penboc’h, « prendre soin de soi, des autres, de la Terre »

Enfants et adultes se recueillent debout, formant une chaîne irrégulière, liée par des petits bouts de bois. « Chacun essaie de se joindre avec son voisin de droite ! », lance Pierre-Benoît à l’assemblée, réunie pour une prière face à l’océan en cette matinée ensoleillée. « Nous voulions vous montrer que nous sommes tous liés. »

« Tout est lié », c’est le thème de la deuxième journée de la session « Vivre Laudato si’en famille », organisée pour la quatrième fois par la pastorale des familles des jésuites avec le centre spirituel de Penboc’h, dans la commune d’Arradon (Morbihan), du 26 au 31 juillet.

Le principe de la session est aussi simple qu’ambitieux : « aider les familles à faire de leur vie familiale un lieu de conversion écologique », précise Véronique Gresset, chargée de la pastorale des familles chez les jésuites. « Elles ont un rôle déterminant à jouer, car c’est la communauté initiale, un lieu d’action sur le monde », indique-t-elle. L’idée est d’« offrir aux familles des temps d’arrêt qui permettent d’avancer ».

Une pause en lien direct avec les questions écologiques au bord du golfe du Morbihan. « Cette crise climatique est avant tout une crise des relations : elles sont abîmées, explique la responsable de la session. Nous cherchons à les soigner, en partant de la famille pour aller vers la relation au monde. » En s’appuyant aussi sur la foi et l’encyclique du pape François, Laudato si’, parue en 2015, qui alerte sur les changements climatiques et introduit la notion d’écologie intégrale.

Décroissance et flux migratoires

Après la prière collective, la matinée se poursuit avec des moments de partage sur l’encyclique, en groupe et en couple. Puis, l’après-midi est consacré à la famille, avec atelier bricolages, discussions ou visite à la plage, situé à quelques pas. « Nous n’avons pas le temps de faire ces activités durant l’année », glisse Loïc, ingénieur à Malakoff (Hauts-de-Seine).

Une fois les enfants occupés par la poignée de bénévoles mobilisés pour l’animation, les adultes improvisent des discussions autour de l’écologie, assis en rond à l’ombre d’un arbre. Rapport Meadows (1) sur les limites de la croissance sous la main, Fabien, chargé de projet à l’Agence française pour le développement (AFD), vilipende les « innovations qui ne créent pas de richesses », du « Thermomix » à la nécessité d’« avoir la plus belle voiture ». On y parle « décroissance », « flux de migrations », « accès à l’eau », entre deux apparitions d’enfants dans le cercle. D’autres témoignent de la vie en entreprise et de ses contradictions avec leur foi, comme Benoît, cadre en Belgique pendant trente ans, en parallèle d’un fort engagement écologique.

« Se féliciter des petits pas »

François, haut fonctionnaire normand et habitué des sessions jésuites, affectionne cette approche ni « punitive, ni culpabilisante » de l’écologie. « Il faut se féliciter des petits pas », argue Nicolas, conseiller et négociateur pour les agriculteurs, à l’issue de la discussion. Rouler moins vite, créer son compost, chauffer moins sa maison : les exemples des participants ne manquent pas. Mais pas question de « changement radical ». « Nous mangeons trop de viande, mais si demain nous devenons tous végétariens, cela induira aussi un déséquilibre », se défend Nicolas.

« Dans la conversion écologique, il y a une notion de petit à petit : une conversion de l’écologie vers l’écologie intégrale, qui nous invite à prendre soin de soi, des autres, de la Terre et de Dieu », affirme Aurélie, un nourrisson dans les bras. « Quel est notre petit pas suivant ? », s’interroge Bénédicte, la femme de Nicolas. Pour beaucoup d’entre eux, c’est celui de convaincre les sceptiques, au sein de leurs familles et leurs paroisses.

De leur côté, les enfants se confrontent aux enjeux climatiques avec des moyens adaptés. Les moins de 10 ans apprennent l’inégal partage des richesses avec des morceaux de pain. Assis dans l’herbe, les adolescents répondent à des quiz puis ramassent des déchets laissés sur la plage. Les « petits pas », prônés par leurs aînés, n’ont pas l’air de convaincre les plus jeunes, en attente de gestes plus saillants. « On peut juste éviter de prendre la voiture, remarque Anselme, 13 ans. Mais ça ne va pas être significatif si on est les seuls à le faire. »

Au centre spirituel de Penboc’h, « prendre soin de soi, des autres, de la Terre »