Reste un peu / Judicieusement choisi pour effectuer louverture du festival de Sarlat, “Reste un peu” donne son auteur-interprte loccasion deffectuer un virage personnel et professionnel : jamais en effet Gad Elmaleh navait t aussi lui-mme lcran quen jouant son propre personnage. Il tait une foi


Quy a-t-il dauthentique dans la qute spirituelle de votre personnage ?

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Gad Elmaleh : Dans le film, il y a des choses autobiographiques et dautres qui ne le sont pas, mais je ne vous dirai pas lesquelles sinon, ce nest pas marrant pour moi. En ce qui concerne la qute spirituelle, tout est vrai : la recherche, lintrospection ; cette chose que ma sur dit en rigolant moiti t’aurais pu nous faire une crise de la cinquantaine classique, un peu ringarde en te faisant tatouer plutt que cette nouvelle lubie . Mais j’ai vraiment eu ce moment. Il s’est pass plein de choses dans ma vie qui m’ont conduit cette introspection, cette qute ; o jai voulu interroger ma propre identit, ma famille. Donc c’est vrai 100%, mais c’est pas fini : le film n’est pas une chronique sur ce moment de ma vie. Ce matin encore je me posais des questions.

Comment obtenez-vous ce naturel de jeu chez vos proches ?

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Cest li au fait qu’ils ne disent pas des dialogues crits, quils parlent avec leurs mots et que je leur souffle les situations. Je nai pas invent la mthode : il parat que Claude Lelouch lutilisait beaucoup. Jaurais ador au moins tourner comme acteur avec cette mthode, surtout avec un immense cinaste comme lui ; j’imagine que a doit tre grisant pour un acteur de ne pas avoir une obligation de dialogue et de rester dans le sens, dans la signification de la scne mais avec ses mots. Avec mes parents bon, il y en a un qui est plus dou que l’autre (cest ma mre, elle pique la vedette de tout le monde) il y a une mthode : leur souffler les dialogues, la situation, et eux disent a avec leurs mots. Mais dans la fabrication, ce n’est pas facile. Je ne vais pas tout expliquer mais les scnes taient trs longues ; il a fallu piocher le plus percutant. Je prenais chez eux ce qui pouvait correspondre au scnario un scnario qui tait trs trs crit, avec Benjamin Charbit. Je prenais chaque matin les scnes et je me demandais comment jallais les faire faire ma mre.

Pourquoi votre frre Ari ne participe-t-il pas au film ?

Le jour o je lui ai propos d’tre dans le film, il ma demand de quoi il sagissait : – Cest un film o je raconte ma passion pour la Vierge Marie depuis lenfance. – Ouais Et cest avec qui ? – Y a papa, y a moi, y a Maman Et en fait, trs gentiment, il m’a dit : a va aller, merci Je pense qu’il n’a pas mesur l’importance de ce projet-l. Est-ce que j’aurais d insister ? Je ne sais pas. Est-ce quil regrette ? Jespre (rires) Je ne sais pas, mais il aime beaucoup le film il a t trs touch il la vu deux fois donc c’est cool, a me touche. Il sera dans le 2, quand je deviens bouddhiste (rires)

Si vous comparez aux autres films que vous avez pu interprter et/ou crire, vous voyez-vous diffremment ici ?

Comme acteur ? Totalement ! Et d’ailleurs ce nest pas moi qui l’ai vu en premier, mais les gens qui ont du recul et ont vu les projections qui me lexpliquaient. Un ami ma dit : Tu fais dans ce film ce qu’on pensait que t’aurais fait chez un autre ralisateur. J’ai pas compris au dbut mais en fait, je pense que dans ce film, comme le sujet me portait et quil tait dlicat, fort, passionnel, perso, intime, je navais pas besoin ni envie de trop jouer. Et cette espce de rythme me porte dans le film, il est calme, il est apais, il est dans une qute Et moi, je nai pas fait souvenir davoir fait a au cinma. Jai tent de le faire

Un peu dans Le Capital ?

Je voulais le dire, mais dans Le Capital, je fabriquais quelque chose. J’tais tellement flatt de tourner avec Costa-Gavras que je faisais le mouvement qu’on connat de tous les comiques qui veulent qu’on les prenne au srieux mais on ne nous prend pas au srieux avec un rle. On nous prend au srieux surtout avec un sujet quand on est metteur en scne. Je nai pas fait ce film pour quon me prenne au srieux, mais ce sujet, plus moi qui joue dedans, gale ce que vous voyez lcran. Mais il est clair que ceux qui sattendent voir Chouchou 5 ou Coco 4, ils vont tre dus. Il faut tre honnte : la proposition que je fais l, elle est diffrente. Parfois, jai t dans des propositions diffrentes mais qui n’taient pas moi ; jtais invit dans des univers de cinastes que jaimais, mais l c’est moi qui propose quelque chose comme metteur en scne.

La manire dont votre personnage confesse son changement de religion ses proches ressemble beaucoup un coming-out

Totalement. Sauf qu’un coming-out passerait beaucoup mieux dans une famille juive. l’poque dans laquelle on vit, jai impression que ce serait compliqu ; mais je vois bien une mre juive dire : Ah bon ? Tant que tu deviens pas catholique (rires) Tous les les amis que j’ai o les gens que j’ai rencontrs qui ont vcu des conversions, leur famille est partie en clats. C’est parfois une tragdie mme, parce qu’il y a comme une forme de trahison avec les communauts, avec la famille, avec l’identit une fois quils demandent le baptme ou quils deviennent juif o musulman. Et il y en a beaucoup ; on nen parle pas mais il y en a normment.

Vous jouez beaucoup avec les mots. Est-ce que a vous a donn envie dcrire, ou a vous est venu en crivant ?

Moi, je nai pas beaucoup lu dans ma vie : je ne lis que depuis quelques annes encore plus depuis que je suis tudiant au Collge des Bernardins en thologie, jeffectue ma deuxime anne et en faisant le film, j’ai voulu lire. Mais une lecture de curiosit, pas une lecture de besoins dtudes, de scolarit Lamour des mots vient, je pense, de la tradition orale qui peut se vivre au Maghreb, beaucoup sur les histoires qu’on entend, sur les expressions images C’est de l que vient mon amour des mots : ils taient libres, les mots. Je ne les pensais pas avec leur orthographe ; j’ai toujours pens le mot comme comme une image ou un son, donc c’est pour a que je peux le rinventer, le casser, le dtourner, le dconstruire pour faire rire. Donc, la question si ce sont les mots qui mont conduit lcriture ? Oui ce sont les mots, compltement. Je ne sais pas pourquoi je pense Devos On sait pourquoi, hein ?

Et le fait dtre polyglotte est aussi un avantage ?

D’avoir plusieurs glottes ? (rires) Glotte dAlibaba, bien sr. Le fait de parler quatre langues est intressant parce que quand tu en parles une, toutes ces langues parlent en toi, elles sont en toi. L, je parle en franais mais les autres langues que je pratique aussi anglais, arabe, hbreux a moblige une gymnastique laquelle je deviens habitu, je fais des liens entre les mots, je construis des associations dides. Alors, le fait dtre polyglotte conduit cela.

Dans votre film, vous faites un comparatif assez caustique entre les lieux de culte juif et catholique

Deux choses mavaient frapp dans les glises : la fascination du beau et le ct presque scnographi de la chose. Cest organis, c’est un truc de fou ! La premire fois que jai t au Vatican, j’ai dit Mais c’est un spectacle, c’est une comdie musicale ! La mise en scne est top, les figurants sont bien rgls, l’acteur principal il est toujours au bon endroit et il a une kippa (rires) Et c’est un clich que les juifs eux-mmes cultivent sur les synagogues, mais il y en a des trs belles aussi : la Victoire, Paris, et celles qui ont toute une histoire. Mais c’est vrai que c’est plus une fascination pour le beau dans les glises Voil, il ne me reste plus qu’ vous bnir (sourire)

Gad Elmaleh : En ce qui concerne la qute spirituelle, tout est vrai